Roi de l’affiche imprimée en couleurs, devenu la figure symbolique de l’Art nouveau, le tchèque Alphonse Mucha (1860–1939) est indissociable de la Belle Époque. À Paris, il s’est rendu célèbre en magnifiant la comédienne Sarah Bernhardt, triomphale Desdémone des théâtres parisiens. Son art plein de séduction, entre illustration et affichisme, connaît à travers le monde un succès qui ne se dément pas.
« J’étais heureux de m’être engagé dans un art destiné au peuple et non à des salons fermés. »
Né en Moravie, le jeune Alphonse manie ses premiers crayons à l’âge de huit ans. Son père, huissier de justice, est étranger au monde de l’art. Ses premiers émois artistiques, Mucha les doit à la peinture religieuse, qu’il découvre à Prague.
Candidat malheureux à l’Académie des beaux-arts de Prague, il s’installe à Vienne en 1879. La ville est alors une grande capitale artistique et culturelle. Là, il débute comme décorateur dans le milieu du théâtre, une orientation qui marquera profondément sa carrière. Il travaille aussi pour des commanditaires privés.
En 1887, Alphonse Mucha arrive à Paris, une autre ville en plein bouillonnement et étudie dans des académies libres, les seuls endroits où les artistes ont accès à des modèles féminins. Il se lance dans l’affiche, un domaine promis à un immense essor. Son talent lui vaut d’être embauché par la prestigieuse maison d’édition Armand Colin.
En 1894, la grande Sarah Bernhardt commande de toute urgence une affiche pour sa nouvelle pièce, Gismonda, jouée au théâtre de la Renaissance qu’elle dirige. L’actrice est au faîte de sa gloire. Par un hasard de circonstances, c’est Mucha qui compose l’affiche. La tragédienne est tellement séduite par son style sophistiqué qu’elle embauche l’artiste pour six ans. Les affiches connaissent un succès retentissant, de sorte qu’elles deviennent tout de suite des objets de collection.
Le « style Mucha » fait fureur, à tel point qu’il est couronné par une médaille d’argent lors de l’Exposition universelle de 1900. L’artiste poursuit cependant sa carrière aux États-Unis. Il espérait s’y faire reconnaître comme peintre mais c’est encore son talent d’affichiste qui fait sa renomée.
La dernière partie de sa vie se déroule à Prague, où il est revenu s’installer. Il réalise alors un ensemble peint monumental, l’Epopée slave, qui fait polémique dans les années 1930, la République Tchèque subissant l’influence de la montée du nazisme en Allemagne. Mucha est alors considéré par les nazis comme un artiste décadent, aux tendances judéophiles et franc-maçonnes. L’artiste mourra en 1939, après avoir subi un interrogatoire de la Gestapo.
Médée. Théâtre de la Renaissance, 1898
Dans cette affiche, Alphonse Mucha représente Sarah Bernhard en pied, presque grandeur nature, et la transforme en véritable déesse de la Décadence. Elle est représentée la dague au poing, en meurtrière, portant une coiffe hérissée de piques et un serpent en guise de bracelet. Ce détail plut tellement à la tragédienne qu’elle demanda à l’artiste de travailler avec le bijoutier Fouquet pour lui concevoir un modèle réel. Comme à son habitude, Mucha s’inspire des icônes de l’art sacré, et place sa figure sur un fond qui évoque les mosaïques byzantines.
La Dame aux camélias, 1896
Troisième affiche réalisée pour Sarah Bernhardt, qui est représentée par l’artiste avec sa chevelure rousse caractéristique, campant le personnage de la célèbre courtisane. La pièce est une adaptation du roman d’Alexandre Dumas fils, publié en 1848. On reconnaît le style particulièrement élégant de Mucha, typique de l’Art nouveau. Dans chacune de ses affiches, l’artiste parvient à retranscrire la capacité de la tragédienne à se métamorphoser, tout en restant parfaitement identifiable.
Job, 1896
Cette affiche très célèbre est une publicité pour un papier à cigarettes. Elle représente une pulpeuse femme blonde, à la chevelure voluptueuse, en train de fumer, comme en extase. L’artiste a réalisé plusieurs variantes de ce sujet. Selon certains spécialistes, Mucha se serait inspiré d’une œuvre du préraphaélite Dante Gabriel Rosetti, Beata Beatrix.
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