EXCLUSIF«En CE1, un élève sur deux a des difficultés en calcul mental»

Evaluations: «En CE1, un élève sur deux a des difficultés en calcul mental», pointe Jean-Michel Blanquer

EXCLUSIFLe ministre de l'Education dévoile à «20 Minutes» les premiers résultats des évaluations nationales des élèves de CP et de CE1...
Jean-Michel Blanquer,  au collège Louis Armand de Nancy-02/10/2018.Credit:POL EMILE / SIPA/SIPA
Jean-Michel Blanquer, au collège Louis Armand de Nancy-02/10/2018.Credit:POL EMILE / SIPA/SIPA - SIPA
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Selon les premiers résultats, 23 % des élèves en début de CP ont des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu’elles produisent. Et 30 % des élèves de CE1 lisent moins de 30 mots par minute, alors que l’objectif national est de 50 mots.
  • 49 % des élèves de CE1 ont des difficultés en calcul mental et 47 % ont des soucis pour résoudre des problèmes.
  • Pour rectifier le tir, Jean-Michel Blanquer compte booster la formation des enseignants et s’appuyer sur certaines mesures déjà prises (des classes de CP et CE1 dans l’éducation prioritaire, instruction obligatoire dès 3 ans…).

Elles ont fait beaucoup parler d’elles à cette rentrée, mais au fait, qu’ont donné les évaluations nationales au début de CP et CE1 ? Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer dévoile à 20 Minutes les premiers résultats qui ne sont globalement pas positifs. L’occasion aussi pour le ministre de détailler son plan d’attaque pour relever le niveau scolaire des élèves du primaire.

Que donnent les premiers résultats des évaluations de CE et CE1 ?

Ils montrent que 23 % des élèves en début de CP ont des difficultés à reconnaître les lettres et le son qu’elles produisent. Ils ont besoin d’un renforcement de compétences pour bien entrer dans l’écriture et lecture. Les tests indiquent aussi que 8 % des élèves ont des difficultés à reconnaître les nombres dictés. Concernant les élèves en début de CE1, 30 % des élèves lisent moins de 30 mots par minute, alors que l’objectif national est de 50 mots. Un élève sur deux (49 %) a des difficultés en calcul mental et 47 % ont des soucis pour résoudre des problèmes. Ces résultats cohérents avec ce que nous indiquent les enquêtes internationales Pirls, Timms et Pisa, montrent donc des points de faiblesse qui ne sont pas irrémédiables, justement parce qu’ils sont repérés tôt.

A quoi attribuez-vous les fragilités de ces élèves ?

Même si ce n’est pas le seul critère qui interfère, les difficultés sociales et familiales peuvent expliquer certains retards, notamment dans le langage. On sait par exemple, qu’un enfant de 4 ans issu d’une famille défavorisée a entendu 30 millions de mots en moins qu’un enfant issu d’une famille aisée. C’est à l’école d’apporter à cet enfant ce que sa famille n’a pas pu lui donner. On ne doit laisser aucun élève de côté.

Selon certains syndicats d’enseignants, beaucoup d’enfants ont buté sur des questions piégeuses. Les résultats de tests sont-ils donc représentatifs du niveau réel des élèves ?

Oui, car ces tests ont été conçus par les meilleurs spécialistes des différents domaines et de manière scientifique. Ils n’ont pas été créés pour faire échouer les élèves, mais dans un esprit de bienveillance. Ces évaluations ne servent pas à classer les élèves, mais c’est un levier pour leur réussite. Le fait qu’un enfant ne répondre pas à toutes les questions, n’est donc pas un signe d’échec.

En français, certains enseignants estiment que ces évaluations ne focalisent pas assez sur la compréhension…

Ce n’est pas exact. A l’entrée en CP, c’est évidemment la compréhension orale qui est sollicitée, aussi bien pour des mots isolés que pour des petites phrases. Il faut comprendre l’équation bien démontrée par les sciences cognitives : compréhension écrite = décodage x compréhension orale. C’est pour cela que la fluidité de lecture, testée en début de CE1, est aussi un facteur de compréhension.

Quelles mesures allez-vous prendre pour rectifier le tir immédiatement ?

Ces évaluations donnent aux enseignants une vision précise des compétences de chaque enfant en début d’année et leur fournissent un panorama de la classe, qui va les aider à programmer leurs séquences pédagogiques. Ils disposeront d’un kit pédagogique sur Eduscol.fr pour faire avancer les élèves sur les différents sujets, ce qui ne leur retirera pas leur liberté pédagogique. Les heures d’aide personnalisée doivent aussi être utilisées en ciblant les domaines de compétences dans lesquelles l’enfant a besoin d’être renforcé. Et les mesures que j’ai prises vont venir en appui des enseignants : le dédoublement des classes de CP et CE1 dans l’éducation prioritaire va nous permettre d’agir à la racine de la difficulté. Et l’instruction obligatoire dès 3 ans va mettre l’accent sur l’école maternelle et sur sur la richesse du langage. La réforme de la formation initiale et continue des enseignants va nous permettre aussi de renforcer leurs compétences.

Mais si les résultats montrent qu’un établissement a beaucoup d’élèves en difficultés, disposera-t-il de moyens supplémentaires ?

Nous allons avoir une vision qualitative pour aider au plus près des réalités du terrain. On pourra proposer par exemple, des formations ciblées sur certains sujets aux professeurs pour les aider à soutenir ceux qui en ont le plus besoin.

Les professeurs ont-ils joué le jeu de ces évaluations ou certains les ont-ils boycottées d’une manière ou d’une autre ?

Les enseignants ont massivement fait passer les évaluations, car ils savent parfaitement qu’elles sont utiles.

Que répondez-vous aux enseignants estimant que ces évaluations sont inutiles puisqu’ils font déjà eux-mêmes des diagnostics pédagogiques ?

En ce qui concerne les évaluations, on ne part pas de zéro. Beaucoup d’enseignants avaient déjà habitude d’évaluer leurs élèves en début d’année. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde et ces évaluations n’étaient pas toujours effectuées de manière complète. Avec ces tests nationaux, l’évaluation est scientifique et complète. Les points de repère sont plus sûrs.

Un autre risque est pointé : que certains enseignants aient la tentation d’organiser les apprentissages en fonction de ces évaluations et non des compétences à acquérir…

Ces évaluations coïncident avec les compétences fondamentales à acquérir. De plus, les apprentissages ne sont pas cloisonnés, mais sont tous reliés entre eux. Par ailleurs, cela laisse une immense marge de manœuvre sur la nature des activités pédagogiques.

La restitution de ces résultats ne va-t-elle pas être anxiogène pour les parents dont l’enfant n’a pas réussi ?

Non, car les enseignants recevront les parents pour leur restituer les résultats des tests et leur dire ce qui est prévu pour que leur enfant progresse dans ses apprentissages. Tout enfant peut avoir des fragilités, ce n’est pas un problème en soi. Les professeurs savent apporter les solutions d’accompagnement personnalisées qui permettront à l’élève de progresser. Et comme nous voulons promouvoir la coéducation, ces évaluations seront un outil de discussion avec les parents afin de les appeler à contribuer à la réussite de leurs enfants. Ceux dont les enfants ont des difficultés en français, seront par exemple, incités à lire à voix haute des histoires à leurs enfants pour renforcer leur vocabulaire.

Deux députés estiment qu’il serait plus cohérent avec la logique des cycles de placer les évaluations en CP, CM1 et 5 e, que leur répondez-vous ?

Je n’oppose pas la logique des cycles à celles des évaluations annuelles. Il ne faut pas que le cycle produise l’effet pervers de reporter l’acquisition des compétences à l’année d’après. La fausse bienveillance c’est de procrastiner. Car ce qui n’a pas été consolidé en CP par exemple, devient plus difficile à acquérir ensuite. Certaines compétences doivent donc être acquises année après année et être évaluées ensuite. C’est pourquoi, nous avons élaboré des repères annuels de progression en français, maths et enseignement moral et civique, complétés par des attendus de fin d’année, qui constitueront des points de repère pour les enseignants. Ces repères annuels seront mis en consultation mercredi et entreront en vigueur à la rentrée 2019. Car certes, il est important d’avoir des programmes sur un cycle de 3 ans, mais c’est bien d’avoir des repères sur une année.

Ils préconisent aussi de compléter ces évaluations par des questionnaires aux parents et aux établissements pour mettre en perspective les résultats avec des données socioculturelles et sur le climat social de l’établissement, seriez-vous prêt à les suivre ?

C’est un sujet intéressant pour avoir une idée large de ce qui conditionne l’éducation. Le climat scolaire, par exemple l’absence de harcèlement ou de violence entre les enfants, est un élément clé pour le progrès des élèves. Il sera donc pertinent dans le futur de travailler à l’évaluation du climat scolaire. Il est bon d’associer les parents dans ces démarches car l’éducation est de la responsabilité de tous. Nous devons avoir des objectifs partagés entre les parents et l’école.

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