Réalisatrice et scénariste britannique méconnue, Muriel Box a pourtant affirmé tout au long de sa carrière des convictions féministes en avance sur ton temps. Le Festival Lumière lui rend hommage avec une retrospective de sept de ses films.
Des années 50 au milieu des années 60, Muriel Box a été l’un des maillons les plus méconnus de la chaine du cinéma féminin et féministe, qui part d’Alice Guy-Blaché puis passe par Germaine Dulac, Dorothy Azner et Maya Deren avant de se prolonger ensuite avec Barbara Loden, Agnès Varda, Chantal Akerman et plus récemment avec Patty Jenkins. Née dans une famille modeste du sud de Londres en 1905, Muriel a d’abord l’ambition de devenir actrice ou danseuse classique. Si elle finit par faire une croix sur ces aspirations, ce désir lui aura permit de frayer avec le milieu arty londonien dans lequel elle rencontre son mari, Sydney Box, à l’époque critique de cinéma et journaliste sportif. Elle a trente ans, il en a vingt-huit. Ensemble, ils vont se mettre à écrire des scénarios. Quand la Seconde Guerre éclate, Sydney fonde une société de production de films de propagande, Verity Films, qui permet à Muriel de réaliser son premier court-métrage. Mais la réputation du couple explose lorsqu’ils signent le scénario de La Septième Voile de Compton Bennett (1945). Thriller psychanalytique dans la lignée de La Maison de Docteur Edwards – qui sort d’ailleurs la même année, La Septième Voile remporte l’oscar du meilleur scénario original en 1947, battant ainsi les poids lourds Ben Hecht avec Les Enchainés, Raymond Chandler avec Le Dahlia Bleu et surtout Jacques Prévert et ses Enfants du Paradis.
Cette récompense permet à Muriel de s’imposer à la réalisation autant qu’au scénario. Elle alterne entre des sujets d’actualité – les conséquences de la guerre dans The Lost People (1949), la situation politique irlandaise dans This Other Eden (1954) – et des adaptations théâtrales – The Happy Family (1952), To Dorothy a Son (1954), Simon et Laura (1955), Cri d’angoisse (1959), Too Young to Love (1960) and Rattle of a Simple Man (1964). C’est avec son troisième film, Au coin de la rue (1953), que s’affermit ses préoccupations féministes. Obéissant à une esthétique proche du documentaire, Au coin de la rue est un remake féminin de La Lampe bleue (1950), film qui décrivait le quotidien de policiers londoniens. Après avoir parlé des femmes flics, elle évoque dans son film suivant le quotidien d’une missionnaire dans les îles avec The Beachcomber (1954). On retrouve dans toute sa filmographie ce type de personnage féminin fort, désirant s’émanciper du patriarcat. Cela passe par des comédies légères sur le divorce comme To Dorothy a Son mais également Simon et Laura, son meilleur film, qui mêle le divorce à une amusante critique d’une proto-téléréalité familiale. Ce désir de naviguer entre ce que la vie peut produire de vrai et de fiction se retrouve dans L’Etranger amoureux (1957), film sous influence woolfienne où un personnage d’alter-ego de Muriel Box mêle sa vie et ses romans sentimentaux.
Ses derniers films attestent d’un féminisme de plus en plus ferme. Dans The Truth About Woman, film en costumes, son héroïne rétorque à l’homme qui lui assène que sa condition de femme l’oblige à faire plus attention à ses fréquentions : « Il ne devrait pas y avoir de différences entre les hommes et les femmes. Je suis prête à être jugée sur les mêmes standards que vous. ». Cette lutte pour l’émancipation déborde même de la fiction car The Truth about Woman sera censuré dans plusieurs salles, tout comme Too Young to Love, son avant-dernier film qui aborde le sexe adolescent, l’avortement et les MST. Dans son tout dernier film, Rattle of a simple Man, son héroïne est une prostituée qui a choisit ce métier pour échapper au patronage de son frère. Quand il lui reproche cette émancipation, elle lui rétorque qu’elle refuse sa condition de femme au foyer, elle saisit alors un pan de tapisserie à coté du frigo et l’arrache pour révéler les punaises qui grouillent en-dessous, « les seule amies de la femme au foyer » selon elle. La scène est forte, ni la Wanda de Barbara Loden, ni la Jeanne Dielman de Chantal Akerman ne le renierait. Mais Rattle of a simple man est un échec. Muriel Box se détourne du cinéma pour créer Femina, la première maison d’édition d’ouvrage féministe en Grande-Bretagne. Si elle n’a certes jamais réalisé de chef d’oeuvre, son oeuvre et sa place dans l’industrie cinématographique britannique en fait une combattante contre le sexisme ordinaire qui mérite tout l’éclairage que lui accorde à partir d’aujourd’hui et jusqu’à dimanche prochain le Festival Lumière.
Le programme de la rétrospective des sept films proposée par le Festival est à retrouver ici.