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« Le jour où un réfugié soudanais a commencé à enseigner à l’université d’Auvergne »

Les Soudan Célestins Music et moi. Pour sa dernière chronique, Pablo Aiquel raconte l’entrée dans le monde du travail de Hassan le menuisier et d’Ali le professeur.

Publié le 15 octobre 2018 à 17h34, modifié le 13 novembre 2018 à 13h40 Temps de Lecture 3 min.

Ali dans son appartement à Vichy.

Chronique. Il faut savoir le reconnaître, certains réfugiés trouvent du travail en traversant la rue, pour reprendre la désormais célèbre formule d’Emmanuel Macron. Notamment dans la restauration. A Vichy, un jeune Afghan bénéficiant de la protection subsidiaire – un statut accordé à des personnes exposées dans leur pays à des menaces graves – a ainsi dégoté quelques contrats dans des pizzerias de la cité thermale ou de Bourges. Mais ce n’est pas le métier idéal pour ce charmant jeune homme qui rêve de travailler dans la mode, pourquoi pas comme mannequin.

Car, pour les réfugiés qui souhaitent persévérer dans leur vocation ou faire valoir leurs compétences, il ne suffit pas toujours de traverser la rue. Il faut du temps, une grande volonté d’aller de l’avant et, aussi, l’aide d’associations pour surmonter les obstacles, notamment administratifs. Et parfois ça paie, comme pour deux des réfugiés soudanais et érythréens que Le Monde a suivis durant un an et demi dans le cadre du programme des « nouveaux arrivants ».

Hasard du calendrier, Hassan, le musicien des Soudan Célestins Music, et Ali, le sociologue qui les accompagne souvent, devaient se retrouver dans de nouveaux environnements de travail quasiment en même temps : le premier ce lundi 15 octobre dans une menuiserie industrielle à Thizy-les-Bourgs (Rhône), le second dès mardi à l’université d’Auvergne, à Clermont-Ferrand.

« Ils ont envie de travailler et ça se voit »

Après avoir vu un reportage sur France 3 en mai, Philippe Heuzebroc, directeur de l’usine Montibert, nous avait contactés pour nous signaler qu’il avait du mal à trouver de la main-d’œuvre et qu’il était ouvert à rencontrer des réfugiés motivés. Deux cadres de l’entreprise sont venus à Vichy présenter les métiers de leur usine à une vingtaine de réfugiés, avec l’aide de l’interprète Adel El Kordi. Puis une visite a été organisée, fin juillet, dans leurs locaux, ainsi qu’une série d’entretiens à Vichy, en septembre.

  • Ali suit un cours de bureautique donné par l’organisme Human Booster et financé par Pôle emploi, le 31 janvier 2018, à Vichy. Objectifs : savoir créer une boîte mail et élaborer un diaporama.

    Ali suit un cours de bureautique donné par l’organisme Human Booster et financé par Pôle emploi, le 31 janvier 2018, à Vichy. Objectifs : savoir créer une boîte mail et élaborer un diaporama. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Ali a fait un diaporama sur le Soudan et va l’exposer à la classe en français. L’objectif de cette formation est d’apprendre le français via l’usage des outils de bureautique.

    Ali a fait un diaporama sur le Soudan et va l’exposer à la classe en français. L’objectif de cette formation est d’apprendre le français via l’usage des outils de bureautique. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Alsadig est aussi présent à la formation bureautique dispensée par Human Booster. Sarah, la formatrice, explique que son public est constitué exclusivement de réfugiés et que le taux d’absentéisme est très faible.

    Alsadig est aussi présent à la formation bureautique dispensée par Human Booster. Sarah, la formatrice, explique que son public est constitué exclusivement de réfugiés et que le taux d’absentéisme est très faible. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Alsadig et Alrashid rencontrent Pierre-Martin Aubelle, le 1er février 2018, à Lyon.  M. Aubelle est responsable des Clés de l’atelier, une entreprise de formation aux métiers du bâtiment.

    Alsadig et Alrashid rencontrent Pierre-Martin Aubelle, le 1er février 2018, à Lyon.  M. Aubelle est responsable des Clés de l’atelier, une entreprise de formation aux métiers du bâtiment. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Alsadig visite le centre des Clés de l’atelier le 1er février 2018. Il souhaiterait devenir électricien.

    Alsadig visite le centre des Clés de l’atelier le 1er février 2018. Il souhaiterait devenir électricien. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Cette visite à permis à Alrashid et Alsadig d’évaluer leurs compétences pour choisir la formation adéquate. Ils ont pu rencontrer d’autres stagiaires en cours de formation.

    Cette visite à permis à Alrashid et Alsadig d’évaluer leurs compétences pour choisir la formation adéquate. Ils ont pu rencontrer d’autres stagiaires en cours de formation. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Leur formation à Lyon commencera en mai 2018.

    Leur formation à Lyon commencera en mai 2018. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

  • Alsadig et Alrashid dans les locaux de l’Association d’aide au logement des jeunes, le 1er février 2018, à Lyon. La formation va nécessiter qu’ils déménagent de Vichy.

    Alsadig et Alrashid dans les locaux de l’Association d’aide au logement des jeunes, le 1er février 2018, à Lyon. La formation va nécessiter qu’ils déménagent de Vichy. SANDRA MEHL POUR LE MONDE

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Epaulés par des bénévoles, les réfugiés ont préparé leur CV. Quatre d’entre eux ont été sélectionnés pour effectuer une semaine de mise en situation en milieu professionnel. Hassan devait commencer ce lundi. Il accompagnerait son compatriote érythréen Baraka, qui s’est déjà vu proposer un CDD de six mois et qui sautait de joie d’avoir pu, enfin, trouver un emploi dans un secteur qui lui plaît et qu’il connaît.

« Ce sont des gens qui ne s’expriment pas encore parfaitement, mais nous sommes sur la même longueur d’onde. Ils ont envie de travailler et ça se voit, assure Philippe Heuzebroc. Je ne suis pas nécessairement altruiste, mais ça me fait plaisir de savoir que j’aurai aidé une ou deux personnes à commencer à travailler, à leur mettre le pied à l’étrier. » L’entreprise a facilité les choses en trouvant un logement provisoire pour les quatre stagiaires.

Cours sur la civilisation arabe

Ali (son prénom a été modifié à sa demande), lui, a été repéré par une responsable de l’université Clermont-Auvergne, qui participe au projet européen Collab visant à intégrer des réfugiés dans le corps enseignant. Quatre Syriens (deux femmes et deux hommes), deux Syriens, un Guinéen et un Soudanais vont ainsi donner des cours de gestion, de communication interculturelle ou de marketing.

Accompagné d’un professeur titulaire, Ali, qui est titulaire d’un master en sciences humaines, doit commencer, mardi, une série de cours sur la civilisation arabe contemporaine en licence 3 d’arabe. « Je vais leur parler du Soudan, bien sûr, mais aussi de l’Arabie saoudite et de l’Egypte », explique-t-il, enthousiaste.

« Nous avons cherché à ce que le profil et l’expérience des réfugiés servent aux étudiants, l’idée étant de montrer qu’ils peuvent assurer des cours qui sont dans les maquettes des formations », explique la responsable du projet, Cécilia Brassier-Rodrigues. L’intégration par le travail, un nouveau pas en avant pour ces réfugiés dont l’un des principaux objectifs est de se rendre utiles dans le pays qui les accueille.

Pablo Aiquel est journaliste indépendant. Il travaille pour La Gazette des communes comme correspondant Auvergne et ruralités.

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