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Pauline Bend: «L’information de qualité contribue à la paix»

La représentante de la Fondation Hirondelle au Niger est venue aux Geneva Peace Talks pour dire à quel point il est important de donner la parole aux sans-voix. Elle dirige à cet effet la radio Kalangou au Niger. Une manière d’impliquer les gens dans leur communauté et d’influencer les responsables politiques

Pauline Bend, faiseuse de paix de la fondation Hirondelle au Niger, Palais des Nations, Genève, Suisse, octobre 2018. — © Mark Henley/Panos Pictures ©
Pauline Bend, faiseuse de paix de la fondation Hirondelle au Niger, Palais des Nations, Genève, Suisse, octobre 2018. — © Mark Henley/Panos Pictures ©

Le journalisme de qualité comme contributeur à la paix. Pauline Bend y croit dur comme fer. Représentante de la Fondation Hirondelle au Niger, elle dirige depuis trois ans le studio Kalangou, une radio dont le nom rappelle un petit tambour très utilisé dans le pays pour annoncer de grandes nouvelles. Camerounaise, Pauline Bend a étudié en Belgique et à Paris.

Elle est venue récemment aux Geneva Peace Talks au Palais des Nations pour expliquer sa méthode pour construire la paix. Devant une salle bondée, une grande fleur blanche accrochée à sa robe, elle évoque un proverbe africain qui sert d’emblée son propos: «Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.»

L’adage reflète pour elle la situation dans laquelle le studio Kalangou travaille. Il importe de donner la voix aux sans-voix, sans quoi on n’aura pas toute l’histoire et les préoccupations d’une communauté. «Il importe de leur montrer qu’ils peuvent influer sur les prises de décision de leurs responsables locaux. Sans cette prise en compte de ce qu’ils ont à dire, on crée des frustrations à l’origine de plus grands conflits.» Elle-même sait à quel point il est bénéfique de pouvoir s’exprimer et dire ce qu’on a sur le cœur.

Elle se souvient de son enfance, quand elle avait déclaré à ses parents, à 13 ans, qu’elle ne croyait plus en Dieu et qu’elle ne voulait plus aller à l’église. Ses parents lui avaient dit que tant qu’elle restait une bonne personne et qu’elle pouvait argumenter son choix, ils n’y voyaient aucun inconvénient. Aujourd’hui, Pauline Bend voit une constante dans le paysage médiatique qu’il importe de battre en brèche: il y a toujours des gens qu’on n’entend jamais et d’autres qu’on entend toujours et qui refusent tout dialogue.

En cinq langues

Ce qu’elle raconte est vrai pour l’Afrique, mais on pourrait l’appliquer au monde entier et notamment en Europe, où le populisme fait florès auprès de franges de la population qui estiment être des laissés-pour-compte de la discussion générale. C’est ainsi que la radio Kalangou diffuse dans cinq langues parlées au Niger, le tamacheq, le fulfulde, le haoussa, le zarma et le français. «L’objectif de notre média est de fournir une information pertinente et fiable dans laquelle la population peut avoir confiance. Même à 1000 kilomètres de la capitale, Niamey.» Dans un pays où 80% de la population vit dans les campagnes et 70% est analphabète, le défi est considérable. Chaque jour, la radio Kalangou diffuse des informations qui touchent potentiellement 65% de la population, soit 13 millions de personnes. Pour ce faire, elle s’appuie sur une trentaine de radios communautaires.

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«S’assurer que les gens sont bien informés est un gage de paix et de stabilité, insiste Pauline Bend. Mais il est important de pratiquer un journalisme de proximité qui soulève des problèmes touchant directement la population.» Il faut parler de l’accès à l’eau, à la terre, de questions juridiques locales ou de la pression des multinationales.

Mariage des enfants

Auteure d’une thèse de doctorat qui analyse de façon critique la contribution de l’information et de la communication à la problématique du développement et ayant travaillé un an dans la diplomatie pour le Cameroun, Pauline Bend a une vision holistique de ce qui permet d’asseoir la paix et de favoriser le développement d’un pays. Le contexte du Niger, dont l’indice de développement est parmi les plus bas du monde et où le taux de natalité bat des records, n’est cependant pas facile. Le pluralisme médiatique, au Niger, n’est qu’un leurre. Il est courant que des gens créent des médias pour nourrir leurs propres ambitions politiques.

Pauline Bend semble appliquer la devise de la Fondation Hirondelle, «La propagande tue, l’information apaise.» Le studio Kalangou aborde des sujets difficiles au Niger: le mariage des enfants. Une fille sur quatre est mariée avant l’âge de 15 ans. Boko Haram est un autre thème explosif, que la radio essaie de traiter sans jugement pour tenter de comprendre pourquoi certains individus vont jusqu’à supprimer des membres de leur propre famille.

A Niamey, d’où elle émet dans le pays entier, la radio Kalangou dispose d’une bonne dizaine de journalistes et de traducteurs. Après de vives inquiétudes budgétaires l’an dernier, qui la menaçaient de fermeture, l’avenir semble pour l’heure assuré. Pour la solidité de l’information. Pour la paix.