Le fil vert

«Il y a dix fois plus de microplastique dans l'air intérieur qu'extérieur»

Fil vert, les chroniquesdossier
par Margaux Lacroux
publié le 16 octobre 2018 à 7h59

Tous les jours, retrouvez le fil vert, le rendez-vous environnement de Libération. Le mardi, c'est la règle de trois : trois questions à un expert, scientifique pour décrypter les enjeux environnementaux.

Fil vert, logo carré, fond grisLes microplastiques sont désormais omniprésents dans la nature. La pollution qu’ils occasionnent dans les océans est bien connue mais elle frappe aussi au plus proche de nous, en milieu urbain. Bruno Tassin, directeur de recherche à l’école des Ponts ParisTech, et Johnny Gasperi, maître de conférences à l’Université Paris-Est-Créteil, étudient la présence du plastique dans l’eau et dans l’air des villes.

A lire aussiLe plastique entre en détox

Miel, moules, sel, bière ou encore eau en bouteille sont contaminés par du microplastique. Nous en ingérons, mais vos recherches rappellent que nous en respirons aussi. Ce dernier point est moins connu…

Beaucoup de fibres plastiques sont présentes dans l'atmosphère. Il y en a dix fois plus dans l'air intérieur qu'extérieur. Une bonne partie des canapés, des rideaux, des housses de couette en polyester et des textiles que l'on peut porter produisent naturellement des microplastiques, par usure. Le frottement, le simple fait de mettre ses habits, de bouger, de marcher sur des tapis produit des petits bouts de fibres qui partent dans l'atmosphère de la maison.

Les fibres que nous avons observées avaient un petit diamètre et étaient relativement longues. Donc il y a de bonnes chances pour qu'elles soient stoppées dès les voies aériennes supérieures. Par contre nous pouvons inhaler celles qui sont plus petites. Qu'il s'agisse d'ingestion ou d'inhalation, l'impact est encore peu connu aujourd'hui. Il faut s'intéresser à l'effet cocktail. Les fibres plastiques pourraient être un facteur complémentaire dans l'ensemble des agressions qui ont tendance à fragiliser l'organisme.

Que sait-on de la pollution de l’air extérieur par le plastique ?

Plus on est proche des centres de forte activité, plus la contamination est importante. Les zones périurbaines sont moins touchées. On retrouve cependant des fibres plastiques dans des zones assez éloignées comme les Pyrénées ou dans la zone Arctique. C'est quelque chose d'omniprésent.

Cela provient en partie des échanges avec l'air intérieur mais c'est l'usure habituelle de la ville qui produit ces microplastiques. Le bâtiment utilise beaucoup de plastique, qui se fractionne, la voiture est elle aussi pleine de textiles synthétiques et on s'intéresse de plus en plus à l'usure des pneus, qui sont des plastiques un peu particuliers.

Tout ce qui se trouve en suspension dans l'atmosphère va avoir tendance à être entraîné vers le sol quand il pleut. Mais on n'a pas encore assez travaillé pour mettre en évidence la quantité retombée par rapport à l'intensité de la pluie par exemple.

Les microplastiques sont aussi très présents dans l’eau usée des villes, comment l’expliquer ?

Cette pollution provient surtout des lave-linge. Ils agitent les textiles en fibre plastique (polyester, polyamide, nylon), les sollicitent assez fortement pendant les stades d'essorage. D'importantes quantités de fibres sont acheminées jusque dans les stations d'épuration, qui éliminent 90% de ces plastiques. Mais ils ne disparaissent pas. Ils restent sans doute dans les boues, qui sont, dans le grand Paris, en majorité épandues en agriculture. Donc ces microplastiques se retrouvent dans les champs. On ne sait pas si le rayonnement solaire ou les micro-organismes vont être assez efficaces pour les dégrader. Les fibres pourraient aussi ruisseler et se retrouver dans des cours d'eau ou repartir dans l'atmosphère par des coups de vent. Qu'elles puissent s'infiltrer vers les nappes phréatiques est plus compliqué à concevoir.

A lire aussiLa semaine où j'ai essayé de me déplastifier

Pour enrayer cette pollution, il faudrait revenir sur un mode de vie qu'on ne maîtrise pas forcément. Il y a cette tendance à toujours responsabiliser voire culpabiliser le citoyen. Or dans la majorité des cas nous n'avons pas le choix. Quand on achète un vêtement de sport, il est en plastique dans 95% des cas. C'est de plus en plus prégnant dans notre vie quotidienne. La production de plastique est en croissance, celle de fibres textiles plastiques augmente globalement de 3 à 4% par an. On peut essayer de réduire notre consommation. Mais il faut aussi se demander s'il vaut mieux user les habits ou au contraire les changer au bout d'un certain nombre de lavages parce que c'est à partir de ce moment-là qu'ils vont produire plus de fibres. Mais comme dans d'autres secteurs de l'environnement, les «petits gestes du quotidien» ont une efficacité très très limitée.

Fil vert bannière 1

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus