Avignon : une bénévole poursuivie pour avoir scolarisé un jeune migrant

Chantal qui a permis l'inscription d'un garçon de 17 ans dans un lycée professionnel, estime avoir eu un geste militant.

Chantal qui a permis l'inscription d'un garçon de 17 ans dans un lycée professionnel, estime avoir eu un geste militant.

Photo d.R.

Avignon

Une membre du Réseau éducation sans frontière sera entendue, demain,par la police après une plainte de l'Aide sociale à l'enfance pour avoir usurpé ses fonctions

Une pétition de soutien lancée sur www.change.org a déjà réuni plus de 4 500 signatures. Un rassemblement est aussi prévu devant le commissariat de police d'Avignon demain à l'heure où Chantal sera auditionnée pour des faits d'usurpation de fonction après une plainte des services de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), dispositif de protection de l'enfance du Conseil départemental.

Ce que le Département reproche à cette bénévole du Réseau éducation sans frontières (RESF) 84 ? D'avoir scolarisé un jeune migrant. "En octobre 2017, j'ai amené un mineur non accompagné se faire inscrire dans un lycée professionnel. Ben, 17 ans, était arrivé au mois de juin de Côte d'Ivoire et il voulait suivre un CAP". Le jeune homme a été accueilli et hébergé par l'ASE qui contestait sa minorité et attendait des évaluations, notamment des tests osseux réalisés par la PAF (Police aux Frontières). Dans cet intervalle de temps, les jeunes doivent patienter. "Son inscription au lycée professionnel a entraîné une nuit d'internat qui a dû être payée par l'ASE, en plus de la nuit d'hôtel pour ce jeune garçon...".

Chantal, bénévole depuis deux ans au sein de RESF 84, estime que son geste est d'abord militant : "Il faut scolariser ces jeunes migrants, même si quelques mois après le contrôle de l'ASE, ils vont être mis à la porte. C'est la seule manière qu'ils aient d'être intégrés. Ils veulent tous être scolarisés, assure Chantal. Et cette scolarisation fait qu'ils vont pouvoir s'intégrer, obtenir des CAP pour travailler ici ou retourner travailler chez eux. Si on ne le fait pas, on crée des jeunes en déshérence, qui vont tomber dans la délinquance car ils n'auront pas d'autres choix, et donc on crée du racisme. Tous les profs nous le disent, ces jeunes veulent intégrer des sections professionnelles peu ou pas du tout demandées en France".

Chantal a remplacé l'intitulé "représentant légal" par RESF et son nom  

Clairement, au moment de l'inscription de Ben au lycée professionnel, Chantal aurait pris la feuille de renseignements et barré l'intitulé "représentant légal" qu'elle aurait remplacé par RESF 84 et son propre nom. Elle aurait dû alors alerter l'Aide sociale à l'enfance, chargée de protéger ces jeunes migrants. "De toute façon, si on les prévient, ils nous empêchent de le faire. Ils nous barrent la route...".

Après cet épisode, la minorité de Ben a été contestée par le Département. "Il a été mis dehors après une levée de placement", explique Chantal. Recueilli puis hébergé par une famille d'accueil solidaire, le jeune migrant sans papiers a pu monter un dossier de passeport. "En janvier dernier, sa minorité a finalement été reconnue. Ce cas illustre ce qui se passe aujourd'hui avec ces jeunes migrants. Ils sont juste hébergés et nourris par l'ASE. Ils ne veulent pas les scolariser !", pointe la bénévole, qui répondra demain aux questions des policiers.

Depuis, Ben a obtenu un permis de séjour et de travail. Apprenti, il apprend son métier chez un patron vauclusien qui l'a embauché. "Rien que pour ça, j'ai envie de dire que l'ASE me fait presque un cadeau avec cette plainte. On peut témoigner sur ce parcours ! Ce jeune en voulait, il a réussi ! "

Interrogé sur ce sujet, le Conseil départemental de Vaucluse n'avait pas donné suite, hier soir, à notre appel.