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Antisémite, raciste, homophobe : la justice tente de bloquer un site Internet étendard de la fachosphère
Le militant d'extrême droite Boris Le Lay, actuellement en fuite au Japon, serait l'administrateur du site

Antisémite, raciste, homophobe : la justice tente de bloquer un site Internet étendard de la fachosphère

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Le procureur de Paris essaie de bloquer l'accès à DemocratieParticipative.biz, rapporte "Le Monde" ce 17 octobre. Une démarche inédite, déclenchée en raison du contenu jugé "illicite", à base d'insultes racistes, homophobes et antisémites, du site Internet qui serait géré par un chouchou de la fachosphère, Boris Le Lay.

Un site d'extrême droite pourrait pour la première fois être bloqué en France. Selon des informations obtenues par Le Monde ce mercredi 17 octobre, le procureur de la République de Paris François Molins a assigné en référé les opérateurs de télécommunication pour qu'ils bloquent "DemocratieParticipative.biz", en raison de la diffusion de contenus haineux.

Il s'agit d'une démarche inédite sur l'Internet français, poussé par la délégation interministérielle de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), rattachée à Matignon. Objectif : dénoncer le trouble "manifestement illicite" entraîné par le site et provoquer son blocage sous quinze jours, avec une astreinte de 10.000 euros par jour de retard.

"Le site le plus lu par les jeunes blancs décomplexés"

Car "DemocratieParticipative.biz" est loin d'être un site ordinaire. Sur sa page d'accueil, il affirme être "le site le plus lu par les jeunes blancs décomplexés". Volontiers complotiste, toujours insultant, il est constitué d'une ribambelle d'articles racistes, antisémites et homophobes. Pour parfaire le tableau, DemocratieParticipative.biz comporte des rubriques intitulées "guerre raciale" ou "guide racial des villes". Dans sa colonne de droite, mise en avant par un montage glorifiant les défilés nazis, il propose également un "mode d'emploi" pour financer le site en bitcoin, monnaie refuge de l'extrême droite américaine. Ce charmant pot-pourri, sans équivalent dans la nébuleuse d'extrême droite, est aussi souvent à l'origine de campagnes de harcèlement numérique.

Le site est depuis de longs mois dans le viseur de la justice française. Le préfet délégué à la tête de la Dilcrah, Frédéric Potier, l'a déjà de nombreuses fois signalé par la voie de l'article 40 au parquet de Paris, qui stipule que "tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements". Sans aucun effet sur le fonctionnement du site. Même les enquêtes provoquées par les signalements sur la plateforme Pharos du ministère de l'Intérieur, permettant de signifier un contenu suspect ou illicite, sont restées lettre morte.

En ligne grâce au premier amendement de la Constitution américaine

A chaque fois, DemocratieParticipative.biz est parvenu à échapper à la justice française. Comment ? Grâce à un tour de passe-passe bien connu des filous d'Internet : pour son hébergement, le site ne fait pas appel à une société française mais à une solution américaine, l'entreprise Cloudflare. Cette dernière explique ne devoir répondre qu'aux autorités judiciaires des Etats-Unis. Dans ce cadre, le contenu nauséabond du site qu'elle héberge est protégé par le premier amendement de la Constitution américaine, qui assure une liberté d'expression presque illimitée. Le site le revendique d'ailleurs crânement, affichant sur sa page d'accueil qu'il se trouve être la propriété d'un certain "David Johnson Jr, citoyen américain" et "placé sous la protection du Premier Amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique".

Face à cette difficulté, la justice française a donc décidé d'user d'un dernier ressort : assigner les opérateurs français en leur demandant de bloquer l'accès au site en France. Dans le cadre de cette procédure d'urgence, ces derniers sont convoqués le 8 novembre au tribunal de grande instance de Paris.

Un militant d'extrême droite en exil au Japon

Cette démarche inédite s'explique aussi par une autre embûche qui se trouve sur le chemin des autorités françaises : l'identification et l'interpellation de l'individu qui se cache derrière DemocratieParticipative.biz. Contrairement à ce que laisse penser le site, son administrateur ne serait pas un "citoyen américain" mais bien un Français. Selon les informations obtenues par le Monde, la Direction générale de la police nationale (DGPN) et la préfecture de police (PP) soupçonneraient en effet un certain Boris Le Lay, militant d'extrême droite d'origine bretonne.

Bien connu de la fachosphère française (il est suivi par 120.000 personnes sur Facebook et 10.000 sur Twitter), Le Lay traîne derrière lui un chapelet d'antécédents judiciaires pour "diffamation", "apologie de crime" ou encore "injure", pour lesquels il a été condamné en 2011 et février 2018. Il fait l'objet de treize mandats de recherche et d'une fiche S pour son appartenance à l'extrême droite radicale. Une notice rouge d'Interpol est aussi diffusée depuis janvier à son sujet, afin qu'il puisse être interpellé à l'étranger.

Or, Le Lay est en fuite au Japon, qui refuse de se plier à une demande d'arrestation d'un autre pays membre d'Interpol. Et comme il n'existe pas de convention d'extradition entre la France et l'archipel, le militant d'extrême droite est actuellement intouchable. Il aurait même demandé la nationalité japonaise...

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne