Reportage

Sur les traces des disparus de Daech

La guerre est officiellement terminée en Irak depuis un an. Mais, pour les chrétiens ou Yézidis kidnappés et leurs familles, le calvaire raconté par la jeune Prix Nobel de la paix Nadia Murad continue. Reportage.
Laurence Desjoyaux, en Irak
Publié le 16/10/2018 à 14h33, mis à jour le 18/10/2018 à 16h08 • Lecture 14 min.
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© Christophe Merlin pour La Vie

© Christophe Merlin pour La Vie • CHRISTOPHE MERLIN POUR LA VIE

Sur les routes du gouvernorat de Ninive, la voiture double les files ininterrompues de camions qui ont raviné le goudron ramolli par la chaleur écrasante de l’été. Leurs chargements d’essence, de matériaux de construction, de bétail ou de nourriture donnent l’impression que l’économie locale a retrouvé son dynamisme, tirée par l’effort de reconstruction à Mossoul et dans la plaine de Ninive. On quitte la route principale pour rejoindre le petit village yézidi de Bozan, plus au nord. Un temple conique dépasse des maisons en torchis. Un troupeau de moutons s’agglutine et s’étire dans ses ruelles en terre battue. Tout semble comme avant Daech en Irak.

Pourtant, dès que l’on pousse les portes des maisons, le groupe terroriste hante tous les esprits, et pour cause : dans cette bourgade, presque chaque famille compte un ou plusieurs « disparus », enlevés par l’organisation djihadiste en août 2014 lors de la prise de la grande région yézidie de Sinjar, et jamais rentrés depuis. Un génocide en cours, comme le qualifient de nombreux observateurs. Iham, jeune femme de 22 ans, fait partie des milliers de membres kidnappés de cette communauté cet été-là. Elle a réussi à s’évader après de longs mois d’esclavage, mais reste sans nouvelles de son père et de ses trois cousins.

Assise à même le béton dans la pièce à vivre d’une habitation des plus dépouillées, elle berce son bébé qui peine à s’endormir. Les traits tirés, les yeux marron qui se perdent dans le vague, elle raconte les jours de détresse d’une voix monocorde coupée de longs silences. « Quand nous avons entendu que Daech arrivait dans la région, nous nous sommes préparés à fuir, mais nous n’avons pas été assez rapides. À 14 heures , le 4 août 2014, les djihadistes sont entrés dans notre village de Khanasor et nous ont enlevés » , se souvient-elle. Iham et les siens sont alors emmenés, comme des milliers de prisonniers yézidis, à Tell Afar, une ville

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Article paru dans :

Les disparus de Daech

Edition du 18 octobre 2018 (N°3816)

Laurence Desjoyaux, en Irak

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