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Inde : des hindouistes ne veulent toujours pas de femmes dans leur temple

Haut lieu de la tradition hindouiste, le sanctuaire de Sabarimala aurait dû, à partir de mercredi, accueillir des femmes, jusque là interdites d'entrée. Des hommes continuent de s’y opposer. Décryptage d'une fracture dans la société indienne.

Des hindouistes se pressent au temple dédié au dieu Ayyappa, à Sabarimala, dans l'État de Kerala, le 18 octobre 2018.
Des hindouistes se pressent au temple dédié au dieu Ayyappa, à Sabarimala, dans l'État de Kerala, le 18 octobre 2018. Arun Sankar, AFP
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C’est dans l'État de Kerala, dans le temple hindou d'Ayyappa, à Sabarimala, longtemps interdit aux femmes en âge de procréer, que se cristallise un affrontement entre tenants de l’hindouisme traditionaliste et défenseurs de l’égalité des droits en Inde. Pour la deuxième journée consécutive, jeudi 18 octobre, des groupes principalement constitués d’hommes ont bloqué l’accès des femmes au sanctuaire, défiant ainsi une décision de la Cour suprême. L'instance avait ordonné, le mois dernier, la fin de cette vieille interdiction faite aux femmes âgées entre 10 et 50 ans, de pénétrer dans ce grand lieu de culte du sud de l’Inde.

Mercredi, à sa réouverture, le sanctuaire de Sabarimala avait été le théâtre de heurts entre des centaines de manifestants et quelques femmes venues célébrer la fête de Navaratri, consacrée à la déesse Durga et à l’énergie féminine divine. En dépit de la protection policière, des femmes tentant d'accéder au sommet de la colline, où se situe le temple, ont dû rebrousser chemin. Des femmes journalistes couvrant l'événement ont aussi été violemment prises à partie.

Le lendemain, une grève générale a été décrétée par des organisations hindoues locales, tandis que des groupes de 50 à 100 jeunes hommes s'assemblaient aux intersections et inspectaient les véhicules. À certains endroits, des manifestants ont lancé des pierres contre des bus. De leur côté, les autorités du Kerala assurent qu'elles sont en mesure de garantir l'accès au temple et ont imposé des restrictions sur les rassemblements de plus de cinq personnes. Sur le lieu de culte lui-même, l'ambiance au temple était calme et festive, a pu constater l’AFP, qui n’a cependant vu aucune femme entre 10 et 50 ans parmi les milliers de pèlerins faisant la queue pour y entrer.

Bras de fer local

"La plupart des temples en Inde n’excluent pas les femmes, décrypte pour France 24 Ingrid Therwath, journaliste à Courrier International et spécialiste du pays. Ce temple de Sabarimala est particulier, il est devenu le symbole du combat des traditionalistes pour perpétuer les règles d’une caste, les règles du patriarcat, au sein d’une région qui se place traditionnellement à gauche et se trouve aujourd’hui en porte-à-faux avec le gouvernement Modi, hindouiste et nationaliste. Le sanctuaire est devenu un bastion des hautes castes au sein d’un État communiste."

La cristallisation des tensions sur le terrain est le reflet d’un tiraillement national. Les mesures prises dernièrement par la Cour suprême, garante des droits et défenseure des minorités notamment des musulmans, des personnes LGBT et des femmes, ont fortement déplu aux conservateurs, principalement dans les rangs du Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre Narendra Modi. Le chef du gouvernement local du Kerala, le communiste Pinarayi Vijayan, a vu dans l'agitation autour du sanctuaire de Sabarimala la main du Corps des volontaires nationaux (Rashtriya Swayamsevak Sangh, RSS), puissante organisation de masse matrice du nationalisme hindou et dont est issu Narendra Modi. "Ces agresseurs sont motivés par des idéologies féodales et de castes (...) Tous les croyants doivent condamner cette attaque contre Sabarimala", a tweeté Pinarayi Vijayan.

En raison de ces heurts, Trupti Desai, une militante des droits des femmes, a reporté sa visite annoncée au temple. "Si je vais là-bas, il y aura davantage de violence. Le gouvernement a eu assez de temps pour préparer le terrain à l'application du jugement de la Cour, mais il a échoué à protéger les femmes croyantes", a-t-elle dit à l'AFP par téléphone.

Les femmes journalistes au front

Signe que l’État du Kerala est un des plus avancés dans l’égalité des citoyens, de nombreuses femmes journalistes exercent dans les médias. Certaines étaient présentes à la réouverture du sanctuaire. Parmi elles, la journaliste Sneha Koshy, cheffe du bureau régional de la télévision NDTV. Elle raconte comment elle a été empêchée de travailler sur place et molestée par les groupes d’hommes qui bloquaient l’entrée du temple.

Sous le feu des critiques, elle a été amenée à justifier la présence de femmes journalistes : "Je suis atterrée de lire ceux qui demandent pourquoi des femmes ont été envoyées sur le terrain. Mon travail, c’est le reportage. Quelle que soit la situation."

"Les femmes sont nombreuses dans les médias, particulièrement dans le Kerala", analyse Ingrid Therwath. "Elles sont engagées, sur le terrain, et particulièrement conscientes des abus du patriarcat. Quand on est journaliste et femme, en Inde, on est forcément engagée. À l’heure actuelle, les femmes lettrées, écrivantes, sachantes, qui ont l’arme de la plume, peuvent parler en public et dénoncer le harcèlement - comme l’avaient fait des femmes universitaires l’année dernière."

Les événements de Sabarimala coïncident avec la démission de M.J. Akbar, un ancien patron de presse devenu secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères, sous la pression des témoignages de femmes journalistes qui ont travaillé avec lui et l’accusent de comportements abusifs.

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