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Une cellule djihadiste planifiait d'importer des terroristes par des mariages
Öguz G. a avoué qu'il recrutait avec sa femme Marcia des Allemandes prêtes à épouser des terroristes.

Une cellule djihadiste planifiait d'importer des terroristes par des mariages

Allemagne

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Un couple retrouvé en Syrie projetait une attaque terroriste d'ampleur comparable à celles qui ont frappé Paris et Bruxelles, en intégrant trois commandos djihadistes sur le territoire grâce à des mariages avec des Allemandes. Si le projet a été déjoué, Berlin enquête toujours et craint le retour d'autres djihadistes.

La mission du couple Öguz G. et Marcia C., originaires d’Allemagne du nord et partis combattre en Syrie aux côtés de l’Etat islamique, était claire : aider l’organisation terroriste à installer trois cellules combattantes en Allemagne. Ceci afin de commettre des attentats d'une ampleur similaire à ceux commis à Paris et à Bruxelles. « Ce que tes frères belges ont réussi, tu peux le faire aussi », affirmait d’ailleurs un SMS envoyé en 2016 par Daech à Öguz G..

L’histoire d’Öguz G. et de Marcia C., qui aurait pu finir dans un bain de sang, a été révélée ce mercredi 17 octobre par le groupe d’investigation créé par le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung et les deux chaînes de télévision publiques régionales, WDR et NDR. « On m’a demandé si je connaissais deux femmes prêtes à se marier en Allemagne, histoire de ne pas éveiller les soupçons… Ce n’est qu’ensuite que l’on m’a mis au courant », explique aujourd’hui Öguz G. depuis le fond de sa cellule située en Syrie, dans une zone contrôlée par les milices kurdes qui l'ont arrêté.

"On m’a demandé si je connaissais deux femmes prêtes à se marier en Allemagne, histoire de ne pas éveiller les soupçons…"

Le projet est alors piloté par la cellule « External Operations » de Daech, aussi responsable des attentats de Paris et de Bruxelles. L’idée est d’envoyer trois commandos de deux combattants en Allemagne, de les intégrer sous une fausse identité en les mariant à des Allemandes complices, puis de préparer les attentats les plus meurtriers possibles. Selon la police allemande, qui n’en dit pas plus pour l’instant, un grand festival de musique aurait été visé.

L'une des femmes contactées travaillait pour les services secrets

« Nous avons été informés des plans de cette opération à un stade précoce, ce qui nous a permis d'engager une procédure pénale dès octobre 2016 », a indiqué le procureur général allemand, Peter Frank. C’est Marcia C. qui va mettre les services de renseignement allemands sur la piste terroriste. Celle-ci a trouvé des candidates consentantes en Allemagne. Sauf que l’une d’elles travaille… pour les services secrets. Dès lors, les écoutes policières suivent la préparation du projet.

« Ecoute, il y a des frères qui veulent venir. A partir de maintenant, laisse ton téléphone portable toujours allumé », explique Marcia C., en novembre 2016, soit un mois avant l’attentat de Berlin qui a fait douze victimes, à l’une de ses correspondantes. On apprendra plus tard que les frères en question, originaires d’Allemagne, travaillent alors à changer leur apparence via des interventions de chirurgie esthétique, des tatouages ou des compléments nutritionnels pour prendre du poids.

Des djihadistes allemands toujours dans la nature

Mais il faut rappeler que l’Etat islamique arrive à son apogée en 2015. L’année 2016 est l’année de la contre-offensive des différentes forces qui le combattent. Enfin, l’année 2017 est marquée par l’effondrement de Daech. Celui-ci cumule défaite sur défaite et voit son territoire se réduire comme peau de chagrin. Pas étonnant, dans ces conditions, que le projet d’implanter des cellules terroristes en Allemagne batte sérieusement de l’aile. Le premier « paquet », comme Marcia C. nomme les binômes terroristes, semble avoir eu un problème. Deux hommes répondant aux descriptions de Marcia C. ont été arrêtés à la frontière turque. Est-ce « le paquet » ? Toujours est-il que la première équipe n’arrive pas en Allemagne.

La même affaire se rejoue en janvier 2017. Cette fois-ci, Marcia C. explique à sa correspondante que « le paquet est occupé à tirailler ailleurs ». Finalement, au fur et à mesure des revers de l’EI, le projet tombe à l’eau. Quand les services de renseignement allemands retrouvent Öguz G. et Marcia C. dans les geôles kurdes, commencent alors les interrogatoires réguliers avec les prisonniers qui affirment avoir été bernés par les promesses de paradis et disent regretter leurs actions.

Si cette opération a pu être empêchée, l’affaire n’est pas terminée. Les autorités allemandes craignent en effet les nombreux retours qui se profilent à l’horizon et veulent répondre à trois questions : qui sont les djihadistes impliqués dans l’affaire ? Que sont-ils devenus ? Et s’ils vivent toujours, quel danger représentent-ils aujourd'hui ? Les renseignements estiment ainsi que sur les 1.000 Allemands partis soutenir l’EI, 150 sont morts et 300 sont déjà revenus. Il en resterait donc 550 toujours sur place, candidats potentiels au retour, dans un état mental et avec des intentions totalement inconnus…

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne