Bris Rocher. « Un monde à réinventer »

Par Propos recueillis par Philippe Créhange

Toujours entre deux avions, Bris Rocher était en Bretagne, ce jeudi, pour parrainer une promotion de l’école de commerce Rennes School of Business. Alors qu’il fête aujourd’hui même ses 40 ans, le P-dg du Groupe Rocher revient pour Le Télégramme sur la stratégie de l’entreprise, son ambition à l’international et son attachement viscéral à sa région d’origine.

Bris Rocher, P-dg du Groupe Rocher
Bris Rocher, P-dg du Groupe Rocher (Photo Philippe Créhange)

Vous vous faites plutôt rare en Bretagne, pourquoi ?

Je suis beaucoup à l’étranger parce qu’on a énormément internationalisé le groupe ces dernières années. Il n’y a pas de secret, il faut être là où ça se passe.


Vous êtes un chef d’entreprise breton discret. On ne vous entend jamais sur les grands sujets qui agitent la Bretagne, comme ce fut le cas avec l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pourquoi ? Cela ne vous intéresse pas ?

Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas mais il faut choisir ses combats. Je ne peux pas être sur tous les fronts.


C’est quoi votre combat ?

C’est d’abord de faire perdurer mon groupe. Il y a tellement à faire. Je n’ai pas envie de me disperser. Le monde qui s’offre à nous est en train de changer. Le business est plus difficile aujourd’hui. Dans le monde, il y a plus de 10 000 marques de soins, on n’est pas tout seul.


Vous sentez-vous quand même toujours breton ?

Oui, je suis très attaché aux racines. Dans la famille, on plante un arbre à chaque naissance, mais c’est à La Gacilly (56) qu’on le fait. Pour ma part c’était un chêne, et c’est pareil pour mes enfants.


Ces dernières années, vous avez accéléré dans l’internationalisation du groupe avec trois acquisitions : Flormar en Turquie, Sabon en Israël et Arbonne aux États-Unis. Quelle est votre stratégie ?

Avant ces acquisitions, on réalisait les deux tiers de notre chiffre d’affaires en zone euro. Mon objectif était de rééquilibrer à 50/50. C’est pour ça qu’on a réalisé ces trois acquisitions et ça y’est, l’objectif est atteint.


Votre chiffre d’affaires s’établit désormais à quelle hauteur, pour combien d’emplois ?

On va passer de 2 à près de 3 milliards d’euros en cinq ans, pour l’équivalent de 18 000 salariés, dont 7 000 en France et 3 500 en Bretagne.


À qui appartient le groupe ?

À 99 %, c’est la famille. C’est le cas depuis 2012 parce qu’on s’est battu pendant quinze ans pour récupérer le capital. On n’avait que 30 % en 2003 et on a racheté 40 %, puis le reste en 2012 à Sanofi.


Que fait Arbonne, la marque acquise aux États-Unis en début d’année ?

C’est la plus grosse acquisition qu’on n’ait jamais réalisée (500 millions de dollars de CA, NDLR). C’est la deuxième marque du groupe après Yves Rocher, avec un état d’esprit très californien : « healthy living in and out », c’est-à-dire vivre sainement avec de la cosmétique naturelle mais aussi des produits de nutrition naturels. Arbonne est vendue à travers un canal de distribution qu’on est en train de développer et qui va devenir la deuxième jambe du groupe, ce que les Américains appellent le « social selling ». C’est de la vente directe digitalisée. Au lieu de la faire à domicile, on organise les communautés et les ventes sur les réseaux sociaux.


Chez Flormar, en Turquie, le climat social est très tendu puisque des salariés licenciés manifestent pour être réintégrés. Comment gérez-vous cette crise ?

Ce n’est pas qu’un problème lié à Flormar. Quand on a racheté cette entreprise en 2012, la livre turque était à 2,80 pour 1 euro. Aujourd’hui, on est au-delà de 7. Ça veut dire que c’est une dévaluation de plus de 100 %. Je n’ai jamais vécu ça sur un marché, c’est un cauchemar en local. Il y a une situation en Turquie qui est catastrophique, liée à la politique de Donald Trump. En attendant, il faut gérer cette situation.


Comment se porte la marque Yves Rocher ?

Elle est en croissance en France et en Italie ces derniers mois. Ce sont des marchés matures, donc quand on fait +4 ou +5 %, on est déjà content. Mais on est à +30 % de croissance en Italie parce qu’on a digitalisé le modèle.


Dans l’ensemble de vos marques, il y en a une qui fait un peu figure d’ovni, c’est « Petit Bateau ». Ça reste toujours stratégique pour vous ?

Oui. D’abord parce que la marque est d’une puissance incroyable. Ensuite, elle colle énormément avec le marché asiatique. Or le gros de la croissance, dans les dix ou vingt prochaines années, va se passer là-bas.


Vous avez intégré l’entreprise à 16 ans, on vous a confié la direction à 28 et vous en avez 40 aujourd’hui. N’avez-vous pas l’impression d’avoir fait le tour de votre groupe ?

Je ne me lasse pas du tout. Les enjeux comme les réalisations sont passionnants. Et ce qui rend la chose excitante, c’est qu’on entame une nouvelle ère. La révolution technologique ne fait que commencer. On a un monde à réinventer.

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