Gennevilliers, laboratoire pour la place des femmes en ville

Après cinq ans de recherches, une journée de débats et de tables rondes est organisée ce vendredi autour de cette question : comment améliorer la ville pour que les femmes s’y sentent bien.

 Gennevilliers.  Des diagnostics et de préconisations seront présentés afin de rendre la ville plus adaptée aux femmes. La hauteur de certains murs est jugée oppressante comme ici rue Jean-Jaurès avec l’entreprise Mersen.
Gennevilliers. Des diagnostics et de préconisations seront présentés afin de rendre la ville plus adaptée aux femmes. La hauteur de certains murs est jugée oppressante comme ici rue Jean-Jaurès avec l’entreprise Mersen. LP/O.B.

    La ville est sous leur microscope depuis cinq ans. Lancée en novembre 2013, l'équipe de recherche universitaire des Urbain.e.s sillonne Gennevilliers avec une problématique en tête : comment la ville peut-elle s'adapter aux différents genres. Et notamment quelle place laisse-t-elle aux femmes. Ce vendredi, à l'espace Aimé-Césaire, une journée de tables rondes réunissant géographes, sociologues, élus et artistes doit faire le tour de la question et formuler des solutions. En voici trois, issues des recherches des Urbain.e.s.

    Elargir les trottoirs. L'association a mené des marches exploratoires afin d'établir les endroits anxiogènes pour les femmes. Contre toute attente, la question de la pénombre n'est pas capitale. A Gennevilliers, c'est surtout le sentiment d'oppression qui est mis en avant. Homme comme femme, il suffit de cheminer sur un trottoir étroit bordé par un mur d'usine ou de friche pour se sentir « écrasé ». « Aménager la voirie, avoir des trottoirs où une poussette ou un fauteuil roulant passe sans problème, est utile à tous », estime la géographe Emmanuelle Faure, membre des Urbain.e.s.

    Développer les jardins partagés. Si les jardins familiaux ou ouvriers, nominatifs et clos, restent l'apanage des hommes car le bail est bien souvent à leur nom, les jardins partagés font la part belle aux femmes. « Ce sont souvent les elles qui en sont à l'origine comme au Luth, précise Emmanuelle Faure. Elles s'y retrouvent, les entretiennent, échangent... » Du Luth aux Agnettes en passant par les Grésillons, la municipalité en inaugure régulièrement.

    Gennevilliers. Parmi les enseignements, la très grande implication des femmes dans les jardins partagés comme ici au Luth. LP/O.B.
    Gennevilliers. Parmi les enseignements, la très grande implication des femmes dans les jardins partagés comme ici au Luth. LP/O.B. LP/O.B.

    Une des pistes est l'aménagement de jardins provisoires : occuper pour quelques années des terrains libres avant d'y construire des immeubles. Autre préconisation, établir des fiches pratiques destinées au public pour l'aider à monter ce genre de projet.

    Des animations grand public le soir. « Que faire après un cinéma ou une pièce de théâtre ? Rien. » La remarque a été recensée au cours des expéditions des Urbain.e.s. et concerne aussi bien les femmes que les hommes : Gennevilliers manque d'animations et de lieux ouverts en soirée ou la nuit. Or la demande existe comme le prouvent les séances de cinéma en plein air qui, l'été, font le plein.

    Que faire après une séance au cinéma Jean Vigo ? Rien puisque tout est fermé. LP/O.B.
    Que faire après une séance au cinéma Jean Vigo ? Rien puisque tout est fermé. LP/O.B. LP/O.B.

    « C'est là-dessus qu'il faudrait mettre l'accent, avance Emmanuelle Faure. L'ambiance a changé depuis qu'il y a des terrasses place Jean-Grandel par exemple. Et à part le cinéma d'art et essai et le théâtre qui ne sont pas franchement grand public il n'y a pas de vie nocturne. Le soir, les gens restent chez eux ou vont à Paris. » Et c'est peut-être paradoxalement le revers de la médaille d'une ville très bien pourvue en transports en commun (métro, tramway, RER) : Paris n'est qu'à quelques minutes…

    Programme détaillé sur urbaines.hypotheses.org

    « LA VILLE N'EST PAS LA MÊME POUR LES HOMMES ET POUR LES FEMMES »

    Emmanuelle Faure, géographe à l’université Paris Nanterre et membre des Urbain.e.s. /LP/O.B.
    Emmanuelle Faure, géographe à l’université Paris Nanterre et membre des Urbain.e.s. /LP/O.B. LP/O.B.

    Les conclusions de l'opération menée par Les Urbain.e.s seront rassemblées courant 2019 dans un livre publié aux éditions le Temps des Cerises. « Tout est né de la volonté de la ville d'établir un diagnostic sur les femmes et les hommes en ville », rappelle Emmanuelle Faure, post-doctorante en géographie à l'université Paris Nanterre et membre des Urbain.e.s. Avec sa collègue Corinne Luxembourg, elle a été un des pivots de l'opération. « La ville n'est pas la même pour les hommes et les femmes », résume la jeune femme.

    Des diagnostics de ce type ont déjà été réalisés à l'échelle de métropoles comme Bordeaux ou Paris. Jamais dans une ville de banlieue. L'idée est de réunir des chercheurs, des artistes et des habitants. « Nous avons le soutien financier de la ville, une liberté totale et du temps puisque le projet court sur tout le mandat, de 2014 à 2020 », ajoute Emmanuelle Faure.

    « L'idée est de travailler sur le long terme sur une ville accessible aux femmes »

    Anne-Laure Perez fait partie de l'aventure comme maire adjointe (PCF) en charge notamment de l'aménagement. « L'idée est de travailler sur le long terme sur une ville accessible aux femmes. On a déjà mis cela en pratique. La démarche nous oblige à nous poser des questions : est-ce que le bus mis en place pour les personnes âgées sert aux femmes ? »

    Immédiatement utiles, les résultats permettent de rectifier le tir ou d'éviter des erreurs d'aménagement dans une ville qui multiplie les opérations d'urbanisme et les constructions neuves.