Soupçons de viol, gestes déplacés, SMS salaces : scandales sexuels dans l’audiovisuel

Le dirigeant de la chaîne Mezzo et le responsable des jeux d’Europe 1, deux médias du groupe Lagardère, sont l’objet d’enquêtes judiciaires : l’une pour viol, l’autre pour harcèlement et agressions sexuelles.

 A la suite de cinq plaintes de salariées, le parquet de Paris a ouvert deux enquêtes distinctes. (Illustration)
A la suite de cinq plaintes de salariées, le parquet de Paris a ouvert deux enquêtes distinctes. (Illustration) Le Parisien

    Des soupçons de viol à l'étranger, des comportements autoritaires et violents, des SMS racistes et salaces… La maison Lagardère active, puissant groupe français de médias audiovisuels, est secouée par deux affaires judiciaires.

    A la suite de cinq plaintes de salariées, le parquet de Paris a ouvert deux enquêtes distinctes, l'une pour « viol » en août, l'autre pour « harcèlement, injures raciales et agression sexuelle » en avril, visant le dirigeant de la chaîne de télévision Mezzo et le responsable des jeux d'Europe 1.

    Jusqu'ici confidentielles, elles suscitent en interne l'émotion des employés car les mis en cause ont été maintenus à leurs postes.

    L'affaire de viol remonte au mois d'août. L'assistante personnelle du directeur de Mezzo, chaîne spécialisée dans la musique classique, affirme avoir été contrainte par son supérieur à un rapport sexuel dans une chambre d'hôtel, à Taïwan, lors d'un voyage professionnel. La jeune femme a été longuement entendue à son retour en France par les policiers du 2e district de la PJ de Paris, chargés de l'enquête préliminaire ouverte le 27 août.

    « Elle est en arrêt maladie et en état de choc »

    Elle a par ailleurs été examinée dans une unité médico-judiciaire. Selon les premières investigations, en collaboration avec les policiers taïwanais, le récit de la plaignante est jugé crédible. « Des éléments sérieux ont été recueillis lors des constatations », explique un proche de l'enquête qui s'interroge sur l'éventuelle « emprise » du dirigeant sur son assistante.

    Au sein de la petite chaîne, certains s'étonnent de voir le directeur toujours en fonction. « L'assistante, elle, est en arrêt maladie et en état de choc », confie un salarié. Contacté, le dirigeant de Mezzo, qui n'a pas encore été entendu par la PJ, n'a pas souhaité s'exprimer. Un médiateur a été nommé et le CHSCT saisi d'une enquête interne.

    « Je te vois nue, dans mes draps en soie rouge »

    La seconde affaire touche un responsable des jeux d'Europe 1. Cet homme de 50 ans est détenteur de plusieurs mandats : délégué syndical, il est aussi secrétaire du comité d'entreprise de la radio et membre du comité du groupe Lagardère France et Europe. Il est visé par quatre plaintes déposées entre avril et juillet par des salariées à Paris.

    Elles l'accusent d'avoir usé de son pouvoir pour les harceler, les insulter et, pour l'une, d'avoir commis des agressions sexuelles. Des faits situés entre 2014 et 2018. « Je te vois nue, dans mes draps en soie rouge, en me mettant des chocolats dans la bouche », « Si tu te penches, je te mets neuf mois », aurait déclaré l'homme à ses victimes. Une plaignante, d'origine africaine, évoque aussi des SMS racistes : « Pour tes cendres, on fera comment ? UPS veut 200 euros pour les rapatrier à Dakar. [….] Vous, vous préférez la fête et danser ».

    Maintenu dans ses fonctions

    Plus grave, une autre a décrit devant les policiers du VIIe arrondissement deux scènes violentes au siège de la radio en 2016. « Il s'est très rapidement approché de moi et a directement mis sa tête dans ma poitrine, je me suis violemment reculée au point de me cogner », a-t-elle relaté. Le responsable des jeux a été placé en garde à vue durant 34 heures en septembre. A l'issue, il a été maintenu dans ses fonctions alors que les plaignantes ont fait part de leurs craintes de représailles auprès de la direction.

    Le parquet doit désormais statuer sur les suites judiciaires. « Mon client nie totalement les faits, assure son avocat, Me. Serge Kierszenbaum. Il est possible qu'il y ait une instrumentalisation de certains salariés, à un moment sensible de restructuration d'Europe 1, pour l'évincer. Il est prêt à aller au bout de ses mandats ».

    Un rapport de l'inspection du travail lui est favorable, expliquant qu'il a été lui-même l'objet « de harcèlement discriminatoire » en raison de ses fonctions syndicales. Sollicitée, la direction de la radio n'a pas souhaité s'exprimer. Une cellule psychologique a été mise en place en interne.