Georges Brassens : "N’étant pas trop connard de nature, j’arrivais jeune à distinguer un bon texte" : épisode • 1/2 du podcast Georges Brassens ou l'amour de la musique et de la langue française

Georges Brassens sur le plateau de l'emission "Numero un - Jean Sablon" sur TF1 ©Sipa
Georges Brassens sur le plateau de l'emission "Numero un - Jean Sablon" sur TF1 ©Sipa
Georges Brassens sur le plateau de l'emission "Numero un - Jean Sablon" sur TF1 ©Sipa
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Georges Brassens est l'un des hommes célèbres les moins connus. Il écrit pour ceux qu’il aime, mais n'aime pas parler de ses chansons. C'est ce qui rend ces deux grandes émissions (datant du 17 février 1979) consacrées à Georges Brassens, en présence du chanteur en personne, encore plus précieuses.

Au commencement étaient les mots

Georges Brassens a créé son propre genre, entre chanson et poésie. La musique, il ne l’a pas apprise. Ou alors seul, au piano puis à la guitare. En même temps, à son époque, pendant son enfance, tout le monde chantait : il se souvient notamment des chansons italiennes de sa mère, napolitaine. Le petit Georges baigne donc dans la musique, et est très vite obsédé par ce qui lui apparaît comme une vocation, l'empêchant de se concentrer sur ses études. Il commence donc très tôt à écrire, et choisit un vocabulaire grivois par pure provocation, dans le but de choquer gentiment son entourage qui s'offense facilement. Ce travail de la chanson est pour lui indissociable de celui de la poésie, puisque la chanson est faite de mots. 

C'est quand même un don d'écrire des chansons. Pour mettre des paroles sur une musique, et trouver déjà la musique, il faut une espèce de don. Même si on écrit des conneries - et Dieu sait qu'on ne s'en prive pas -, il faut quand même le don de mettre les trois syllabes qu'il faut sur les trois notes qu'il faut. 

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Pour Brassens, les mots passent donc avant tout. Ce sont eux qui l'intéressent.

Il ne faut pas qu'au moyen d'artifices musicaux (cuivres, orchestration...) je détourne l'attention du texte. Il faut que mes chansons aient l’air d’être parlées, il faut que ceux qui m’entendent croient que je parle, croient que je ne sais pas chanter, que je fais des petites musiquettes faciles.

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Un poète du non-engagement

En même temps, il ne cherche jamais à utiliser ces mots pour faire passer un message précis, qui serait comme une leçon pour l'auditeur. Il cherche au contraire à préserver l'entière liberté et légèreté d'écoute de ce dernier :

Je ne vise aucun but quand j'écris une chanson. Je n'ai pas l'intention de dire quelque chose. J'ai l'intention de jouer avec des mots et avec des notes. Je n'ai pas de philosophie personnelle. 

Je suis un ennemi du "langage à signes" : je préfère suggérer les choses que les dire. Si j’avais dû en dire plus, je l’aurais fait. Mais j’estime qu’il faut en dire peu et permettre à celui qui vous écoute de continuer à se faire sa fête tout seul.

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Ce refus d'utiliser ses chansons pour faire passer des messages lui a d'ailleurs posé problème : on a souvent reproché à Georges Brassens son non-engagement. Le chanteur semble parfois revendiquer cette position, par exemple dans des chansons comme La mauvaise réputation, ou Mourir pour des idées. Mais en même temps, certaines de ses chansons sont clairement des prises de position : contre la peine de mort dans Le Gorille, contre le mariage dans La non-demande en mariage... Ce qui lui permet de déclarer :

Je me suis engagé dans la plupart de mes chansons, mais les connards ne s'en sont pas aperçus.

Georges Brassens a donc bien des convictions, mais n'a simplement pas envie de brandir d'étendard. On comprend bien toute l’ambiguïté qui caractérise le rapport du chanteur à l'engagement. La manière dont il traite le thème de la religion en est une bonne illustration : même s'il se moque régulièrement des prêtres, il conteste le statut de chanteur anti-clérical - bien qu'il avoue l'avoir été dans sa jeunesse. Pour couper court à ces discussions sur son (non-)engagement, Brassens déclare tout simplement : "L'artiste a le droit d'être ambigu". Et défend toujours la légèreté et le plaisir qui règnent dans la conception de son métier :

J'ai l'air d'attacher beaucoup d'importance aux gens qui n'aiment pas mes chansons, qui contestent mes musiques ou mon non-engagement, mais en réalité je m'en fous complètement. J'écris pour ceux qui m'aiment. Je fais ça pour mon plaisir et pour le plaisir des autres. Alors qui veut jouer joue, et qui ne veut pas jouer, tant pis, je ne lui en veux pas.

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Dans l'intimité du chanteur

Cette émission est aussi l'occasion d'entendre Brassens parler de ses poètes favoris (Baudelaire, Hugo, Rimbaud, Valéry, Mallarmé...) et de sa musique préférée, le jazz.

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Mais aussi de l'écouter se confier sur la manière dont il écrit ses chansons - parfois en deux heures, parfois en deux mois. Pour être plus précis d'ailleurs, Brassens n'écrit pas beaucoup, mais préfère s'enregistrer. Et peut recommencer entièrement une chanson s’il modifie un seul de ses vers.

Lorsque les paroles sont mûres, je saisis ma guitare et je lis et récite mes vers et mes mots, en commençant à rythmer avec la guitare. C’est ainsi que tout doucement, je découvre les petites mélodies qui vont venir scander mes vers, y "coller" jusqu’à n’en plus pouvoir s’en séparer. Je fais sept ou huit musiques par chanson, je n’en fais pas qu’une. Et c’est celle qui tient le coup le plus longtemps que je garde - je veux dire celle qui, après avoir été répétée cent fois, me plaît encore ou ne me déplaît pas encore trop.

Une rare occasion d'entrer un peu dans l'intimité de cette légende de la chanson française. 

Retrouvez ici la deuxième partie de l'entretien. 

Textes et poèmes lus par François Chaumette. Réalisation de Georges Goldberg. 

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