Pour la première fois sur scène à Paris, Al Pacino sort le grand jeu

    Le comédien américain s’est produit ce lundi et se produira aussi ce mardi soir pour la première fois sur une scène de la capitale, au Théâtre de Paris.

     Paris, lundi soir. Al Pacino présente un show en forme de conversation avec le public où il montre de multiples facettes de son talent
    Paris, lundi soir. Al Pacino présente un show en forme de conversation avec le public où il montre de multiples facettes de son talent Philippe Warrin

      Il n'était pas encore monté sur scène, mais l'ambiance chauffait déjà dans la rue. Une heure avant le début du spectacle, badauds venus en nombre, policiers, agents de sécurité et spectateurs se bousculaient gentiment aux portes du Théâtre de Paris pour célébrer la venue du Parrain en personne, Al Pacino, dans la capitale. Depuis qu'il a été annoncé, le show – en anglais non sous-titré, sur deux soirées – ce lundi affichait complet - baptisé « An evening with Al Pacino » (une soirée avec Al Pacino), a fait couler beaucoup d'encre, notamment à cause du prix de ses places – de 90 € à 950 €, ce dernier tarif incluant un « Meet and Greet », un cocktail et un selfie avec le comédien au terme du spectacle. Un tarif dont s'est défendu Richard Caillat, le patron du théâtre, justifiant que certains « chanteurs de rock américain qui sont venus simplement pour prendre un cocktail dans une salle où ils sont présents, c'est 7.000 euros ».

      Lundi soir, la polémique avait fait long feu. Delphine, 48 ans, assumait d'avoir payé le prix fort : « J'ai déboursé 950 €, c'est le prix d'un loyer, mais c'est exceptionnel. Je l'ai fait pour faire plaisir à mon mari qui adore Al Pacino, et on va pouvoir le rencontrer après le spectacle. » Elise, 28 ans, n'avait, elle, rien déboursé pour sa place à 90 € : « c'est mon papa qui nous a offert ça, peu importe le prix d'ailleurs, je suis juste trop contente d'être là. »

      Espiègle et malicieux

      Elle n'a pas été déçue. A 20 h 45, après une vidéo d'extraits des meilleurs films du comédien – « Le Parrain », « Serpico », « Un après-midi de chien », « Heat », « Scarface »… Pacino faisait une entrée en scène triomphante, accompagné de Léa Salamé, parfaite de bout en bout dans son rôle de meneuse de revue. C'était parti pour deux heures de show en forme de conversation, au cours desquelles ce grand bavard de Pacino est revenu sur son enfance, ses débuts de carrière, ses meilleurs films et pièces de théâtre, ses amitiés.

      Espiègle, malicieux, Pacino, costard noir défait façon bohémien chic, 78 ans mais dans une forme éblouissante, harangue sans cesse les spectateurs – « Je n'aime pas jouer, je n'ai jamais aimé ça » - quand il ne les flatte pas : « Félicitations pour le foot, les gars ». Les anecdotes pleuvent – « A 17 ans, je faisais du théâtre de rue à Greenwich Village, mon coloc c'était Martin Sheen. » Il passe en revue son enfance, « j'ai été élevé par trois femmes et un homme, ma mère, ma grand-mère, ma tante, et mon grand-père », ses débuts difficiles dans les rues de New York, ses premiers succès. Le public boit du petit lait.

      Il se fait plus sérieux quand il évoque le moment où il a senti que la vocation du comédien était en lui, redevient hilarant quand il raconte le jour où, en compagnie de son mentor, le comédien et réalisateur Charles Laughton, il a « refusé Star Wars » : « Je n'ai rien compris au scénario, Charles non plus. J'ai dit non à George Lucas, c'est un autre, comment s'appelle-t-il déjà, ah oui, Harrison Ford, qui a eu le rôle. Il me doit sa carrière ! »

      Une maman dont le fils est décédé interpelle Pacino

      Les meilleurs moments du spectacle tiennent dans ces envolées fulgurantes du comédien où, ne tenant plus sur sa chaise, il se lève et mime des moments de sa vie : sa mère qui le nourrit avec des pots pour bébé, sa première audition, le préparation du rôle de Richard III, sa rencontre avec Francis Ford Coppola… Des saynètes vivantes, enlevées, où l'acteur refait surface, pour le plus grand bonheur des spectateurs. Ces derniers ont le droit de lui poser des questions dans la dernière demi-heure du show – « Allez-y, j'adore ça », rigole-t-il.

      Entre deux questions sur sa carrière, survient un petit instant dramatique et inattendu : au micro dans la salle, une dame raconte que « Scarface » était le film préféré de son fils récemment happé par un train, et évoque son combat contre la drogue et les violences policières. Dans un sanglot, elle brandit une pétition et demande à Pacino de la signer. Impérial, les larmes aux yeux, le comédien lui répond « bien sûr », avant de se lancer dans un joli discours anti-drogue, avec des mots simples, à sa manière. Mais le meilleur est encore à venir : l'acteur, désormais seul en scène, clame son amour pour Oscar Wilde avant d'interpréter un extrait de « De Profundis », le texte que l'auteur britannique a écrit en prison. Et là, Pacino sort vraiment le grand jeu.

      A la fin du show, tandis que les heureux détenteurs du sésame permettant de se faire photographier et d'échanger quelques mots avec un Al Pacino tout sourire patientent, les autres sortent en douceur du théâtre, des étoiles plein les yeux. « Léa Salamé lui a dit qu'on l'attendait sur une scène parisienne depuis 50 ans, elle a bien fait, rappelle Jérôme, 41 ans. Ça valait la peine d'attendre : il nous a régalés tout le long, et ce final, ce final ! »

      « An Evening with Al Pacino », lundi 22 et mardi 23 octobre au Théâtre de Paris. Rens. et réservations : www.theatredeparis.com