Voies sur berges : la pollution et les embouteillages n’ont pas diminué

La piétonnisation des voies sur berges n’a pas permis de réduire le trafic automobile, ni la pollution, qu’elle soit atmosphérique ou sonore. Ce que démontrent les chiffres que nous dévoilons.

La piétonnisation des voies sur berges n’a pas poussé les automobilsites à changer de mode de déplacement, accroissant la congestion sur les quais hauts et d’autres axes de report. (Illustration)
La piétonnisation des voies sur berges n’a pas poussé les automobilsites à changer de mode de déplacement, accroissant la congestion sur les quais hauts et d’autres axes de report. (Illustration) LP/Olivier Boitet

    C'est reparti. Alors que 2,4 millions de visiteurs - selon la mairie de Paris - ont foulé le bitume des Voies sur Berges depuis leur fermeture en 2016, que le débat s'était apaisé, le revoilà qui ressurgit. Lundi, la cour d'appel administrative a confirmé la décision du tribunal administratif du 21 février dernier. A l'époque, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France ou encore l'association 40 Millions d'Automobilistes, avait attaqué l'arrêté de Paris qui fermait les voies sur berges aux véhicules motorisés.

    Selon sa décision, la Cour estime que « l'étude d'impact (NDLR commandée par la mairie) a délibérément occulté une partie notable des incidences du projet sur les émissions de polluants atmosphériques et les nuisances sonores, notamment en limitant l'analyse de ses effets sur la pollution atmosphérique à une bande étroite autour des berges, sans en étudier l'impact sur les principaux axes de report de trafic, en ne prenant pas suffisamment en compte les effets négatifs dus au phénomène prévisible de congestion du trafic et en s'abstenant d'évaluer les nuisances sonores nocturnes ».

    Plus de voitures qu'avant la piétonnisation

    Après une augmentation massive du nombre de voitures sur les quais hauts entre 2016 et 2017, dû à un report, les comportements semblent avoir peu changé. Comme nous l'avions déjà constaté en février 2017. Les capteurs de la mairie de Paris, dont nous révélons les chiffres, montrent que les automobilistes se sont rabattus principalement sur les quais hauts et le boulevard Saint-Germain… et ne les ont plus quittés.

    On note ainsi 631 733 passages sur 30 jours en septembre 2015, puis 749 247, l'année suivante. En 2018, il y avait encore 730 161 passages de véhicules.

    Idem quais de la Mégisserie, où on passe de 900 584 passages sur 30 jours en septembre 2015, puis 1 319 496 en septembre 2016 et 1 247 704 en septembre 2018.

    Les données ne peuvent toutefois être comparées qu'entre les différents mois de septembre. En effet, certains mois, les capteurs de la ville de Paris sont restés muets.

    « L'évaporation de la circulation » vantée par la mairie ne se traduit donc pas dans les chiffres.

    La pollution a-t-elle vraiment diminué ?

    Selon Emmanuel Grégoire, 1er adjoint d'Anne Hidalgo, la pollution a baissé depuis que les véhicules ne circulent plus sur les voies sur berges. Sauf que si l'on se tient aux capteurs d'AirParif, les moyennes N02 (dioxyde d'azote) ont plutôt augmenté sur le quai des Célestins. Airparif tempère : « Comparer ces données est difficile, car on ne prend pas en compte les conditions météorologiques ».

    Reste que l'association de surveillance de la qualité de l'air note d ans son étude dédiée aux conséquences de la fermeture des voies sur Berges, que « sur la station du quai des Célestins, l'augmentation est plus marquée, avec + 9 % entre août 2016 et août 2017, que sur les autres stations parisiennes ».

    Une augmentation des émissions qu'Airparif lie « vraisemblablement » à la hausse du nombre de véhicules. Depuis, aucune étude n'a été commandée à AirParif, ni par la ville, ni par la région, sur le sujet.

    Néanmoins, ailleurs dans la capitale, les données des capteurs semblent montrer une diminution de la pollution (capteur Opéra ou Elysées). Même si là encore, il faut les prendre avec un certain recul, puisque les conditions météorologiques ne sont pas prises en compte.

    La capitale plus bruyante qu'avant

    Quant au bruit, la seule étude sur le sujet a été commandée à BruitParif par la région Ile-de-France. Rendue en septembre 2017, elle relève des hausses de bruits importantes sur les quais hauts. + 2,2 db sur les quais de la Mégisserie, + 1,4 dB sur celui des Célestins et plus généralement, des niveaux sonores dépassant les valeurs limites réglementaires, de jour comme de nuit sur 60% des 90 points de mesure. Le bruit a en revanche nettement diminué sur les quais bas ainsi qu'en façade des îles Saint-Louis et de la Cité, où ne vivent que 3500 personnes...

    Une nouvelle décision ce jeudi 25 octobre

    Après un premier camouflet du tribunal administratif, en mars dernier invalidant la fermeture des berges de 2016, la mairie de Paris avait pris un autre arrêté en catastrophe. Prudente, la mairie ne parlait plus de circulation ou de lutte contre la pollution, mais mettait en avant le patrimoine : Le document indiquait que « l'interdiction de circulation des véhicules à moteur sur les quais bas des berges de la Seine contribue à préserver l'authenticité et l'intégrité du bien classé » au patrimoine mondial. Selon le document, « la circulation compromet également la valorisation du site à des fins esthétiques et touristiques ». C'est la légalité de ce second document du 6 mars, que le tribunal administratif doit juger ce jeudi.