Une blogueuse beauté donne son avis sur un produit : la marque la menace

Publié le Lundi 22 Octobre 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Les promesses de perte de poid, de la poudre de perlimpimpin ?
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Se sentant attaquée par une blogueuse beauté donnant son avis de consommatrice, la marque de compléments dits amaigrissants Anaca3 l'a menacée de poursuites pour "diffamation et propos injurieux".
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Une blogueuse beauté donnant son avis de consommatrice peut-elle être poursuivie pour diffamation ? La réponse est... oui. Alors que de nombreuses influenceuses relaie un produit amincissant de la marque Anaca3, la blogueuse Carline Beauty se pose des questions.

Celle qui est suivie par 50 000 personnes sur Instagram pour ses conseils beauté se demande si ces personnes ont réellement testé le produit avant de le mettre en avant. Elle compte bien se faire sa propre idée.

En mars, elle décide de publier un article sur cette marque, après avoir elle-même payé ces compléments alimentaires en ligne et les avoir testés. Son expérience de consommatrice est mauvaise et elle ne se gêne pas pour l'écrire. Sauf qu'après la publication, elle reçoit une mise en demeure de la marque en mai par lettre recommandée. Elle n'y prête pas attention.

Vendredi 19 octobre, un huissier sonne à sa porte pour lui signifier que la marque demande le retrait de l'article dans les huit jours sous peine de poursuites pour "diffamation et propos injurieux". Carline Beauty en fait part sur Twitter et Instagram à ses abonné·es.

Carline Beauty nous explique la situation : "J'ai acheté moi-même le produit, suite à mon test, j'ai rédigé un article. Suite à cet article très bien référencé sur Google, j'ai reçu une mise en demeure mai 2018, me demandant de supprimer des éléments de mon article (termes, expression et même commentaires d'internautes). Je n'ai pas donné de réponse. Pas de nouvelles depuis le mois de mai, et vendredi dernier, un nouveau courrier déposé par l'huissier me demandant de supprimer l'article sous 8 jours."

En effet, lorsque l'on fait une simple recherche dans le moteur de recherche Google avec le terme "Anaca3", on tombe directement après le site de la marque sur le post de blog de Carline Beauty. Elle y décrit sa démarche en ligne pour acheter des pilules dites amincissantes Anaca3.

Elle dénonce la vente forcée de services de coaching


Elle y dénonce également ce qu'elle qualifie de pratiques abusives, comme la vente forcée de services de coaching. En payant, il lui aurait été demandé de cocher une case qui, si on n'y prend pas attention, engage pour un service de coaching dont le paiement est prélevé automatiquement sur le compte bancaire ayant servi au premier achat.

Nous n'avons pas retrouvé le même dispositif en essayant nous-même de commander sur le site.


Pendant son expérience, elle déclare ne pas avoir perdu de poids malgré une bonne alimentation et une pratique sportive régulière. Elle fait aussi part de ce qu'elle appelle des effets secondaires, c'est-à-dire des fuites urinaires sur toute la période d'utilisation du produit.

En plus de son expérience personnelle du produit, Carline Beauty y dénonce les pratiques limites de certaines influenceuses sur Instagram. On retrouve en effet de nombreuses Françaises faisant la promotion de ce produit sur le réseau social, comme l'animatrice Ayem et ses 935 000 abonnée·es, ou des starlettes comme Martika Caringella 553 000 abonné·es, Leana Zaoui, 503 000 abonné·es, Solène Dupuis 40 000 abonné·es ou Fanny Salvat 330 000 abonné·es. Toutes sont des figures connues de la télé-réalité et sont populaires parmi un jeune public.

Les pratiques douteuses de certaines influenceuses


Alors le débat s'élargit maintenant sur les pratiques de ces marques qui utilisent des influenceuses s'adressant à un public jeune pour leur vendre des compléments alimentaires censés faire maigrir. Dans le cas d'Anaca3, toutes annonçaient une perte de 6,8 centimètres, ce qui reprend les promesses moyennes de la marque. Le tout assorti d'un code promo.


Anaca3 est une marque de l'entreprise Nutravalia située à Mougins, près de Cannes dans les Alpes-Maritimes. Elle explique avoir lancé sa première marque de compléments alimentaires en 2015. Officiellement, l'entreprise, dirigé par Samuel Bouskila, est enregistrée sous l'activité de "vente à distance sur catalogue spécialisé", ou comme "laboratoire homéopathique" sur les Pages jaunes.


Les influenceuses ayant posté des images d'elles avec des produits Anaca3 sont pour la plupart dans l'écurie d'influenceuses Shauna Events. Une entreprise qui gère les comptes de starlettes de la télé-réalité dirigée par Magali Berdah, elle-même chroniqueuse dans une émission s'adressant à un public très jeune, TPMP People.


En faisant un rapide tour d'horizon, d'autres produits font leur pub grâce à ces influenceuses. On trouve chez les Shauna Events la promotion de bonbons "Dream Candy" ou d'autres promesses comme un thé dit "detox" de la marque Fitvia. Une industrie du thé detox qui fait son beurre sur Instagram déjà épinglé en 2016.

Kim Kardashian avait déjà était pointée du doigt pour des pratiques similaires, notamment d'avoir voulu faire la promotion d'une sucette amincissante ou de l'anorexie.

Le soutien des internautes


Sur un fil de messages Twitter, une avocate parisienne vient à la rescousse de Carline Beauty et explique ce qu'elle risque.

Un petit effet Streisand semble commencer à se mettre en place, de nombreux internautes ayant relayé l'article en soutien à Carline Beauty et dénonçant les pratiques d'intimidations de la marque.

Les soutiens à Carline Beauty
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Aujourd'hui, Carline Beauty dit s'être tournée vers des avocat·es. Elle a décidé de ne pas supprimer son article.

Contactée, l'entreprise confirme l'envoie d'une demande de retrait de l'article par un huissier. Sur les raisons de cette demande, elle déclare par la voix de Michel Bouskila, directeur général de Nutravalia : "L'influenceuse 'carline beauty' tient dans son article des propos diffamatoires et injurieux. Alors même que cette influenceuse met en avant des marques concurrentes moyennant finance. Une telle pratique est difficilement acceptable. Nous avons tout de même tenté d'engager un dialogue avec l'influenceuse, resté sans réponse."