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Pourquoi les entreprises investissent beaucoup mais créent peu d'emplois

+VIDEO. Moins compétitives que leurs homologues allemandes, moins présentes à l'export, les entreprises françaises investissent pourtant plus que leurs voisines européennes. Mais ces investissements se font davantage sur l'innovation et la conception des produits que sur leur fabrication, souvent délocalisée.

Pourquoi les entreprises investissent beaucoup mais créent peu d'emplois

Par Marie Bellan

Publié le 26 oct. 2018 à 07:00Mis à jour le 26 oct. 2018 à 19:34

Les entreprises françaises investissent trop peu. Combien de fois a-t-on entendu cette critique à l'égard des acteurs économiques de l'Hexagone ? Et si c'était tout le contraire ? L'étude sur le sujet publiée ce vendredi par la Fabrique de l'industrie, l'OFCE et France Stratégie, dont « Les Echos » ont obtenu copie, bat en brèche plusieurs idées reçues.

Premier constat : les dépenses d'investissements des entreprises françaises sont en réalité plus élevées que chez la plupart de nos voisins européens, à commencer par l'Allemagne. En 2016, ces dépenses représentaient 25,7 % de la valeur ajoutée en France contre 19 % en Allemagne. Ce constat se décline dans la plupart des grands secteurs d'activité, à l'exception notable de l'agriculture où le taux d'investissement est depuis une dizaine d'années bien moindre en France que de l'autre côté du Rhin, pour des raisons qui tiennent essentiellement à la taille des entreprises.

Paradoxe de l'investissement français

Dans le secteur manufacturier, au contraire, la France affiche un taux d'investissement de 25,7 % contre 19 % en Allemagne. Seule la Suède, en Europe, fait mieux que la France sur ce segment. Et si la France avait la même composition que l'industrie allemande, on obtiendrait, selon l'étude, un taux d'investissement encore plus élevé, de 35,2 %. Le problème, c'est que cet effort d'investissement conséquent ne se retrouve pas dans les données macroéconomiques usuelles, qu'il s'agisse des chiffres du commerce extérieur ou de la productivité française.

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« Le paradoxe de l'investissement français peut venir du fait que nos investissements sont concentrés sur les actifs immatériels. Or les effets positifs de ce type d'investissement sont en général longs à se matérialiser », note Sarah Guillou, économiste à l'OFCE et coauteur de l'étude. La part des investissements en logiciels et base de données des industries manufacturières françaises atteint 21,2 %, là où l'Allemagne n'est qu'à 5,5 % et l'Espagne à 4,3 %.

En revanche, les entreprises tricolores investissent peu dans les machines et les équipements et, quand elles le font, il s'agit davantage de renouveler des équipements que de moderniser les capacités de production. Le dispositif de suramortissement mis en place à la fin du quinquennat Hollande n'a amélioré ce constat qu'à la marge. Et le nouveau dispositif voté dans le budget 2019 devrait avoir des effets modérés également.

VIDEO. Industrie : la France conçoit beaucoup mais fabrique peu

Préférence pour l'immatériel

Cette préférence française pour l'immatériel s'explique par la fiscalité. « Le fait que le crédit impôt recherche soit un dispositif stable depuis des années induit des comportements de long terme qui façonnent le tissu économique », souligne Sarah Guillou. Pour optimiser leur investissement, les entreprises françaises ont donc plutôt tendance à concevoir leurs produits en France, avec des équipes de chercheurs, de designeurs et de concepteurs, tout en délocalisant leur production dans des pays à moindre coût. L'industrie automobile est un parfait exemple de cette répartition des tâches.

La conséquence de cette préférence pour la conception et l'innovation, au détriment de la production, donne de piètres chiffres à l'exportation pour les entreprises manufacturières françaises, mais leur profitabilité n'en est pas pour autant touchée, au contraire. « Les entreprises françaises font des choix économiques rationnels, à leur échelle, et d'ailleurs, la profitabilité des grands groupes est au plus haut depuis cinq ans. Mais leur schéma d'investissement tarde à porter ses fruits pour la France au niveau macroéconomique, notamment en termes d'emploi », estime Rémi Lallement, coauteur de l'étude et chef de projet à France Stratégie.

En d'autres termes, l'économie de l'immatériel, qui est essentielle pour que la France soit compétitive dans le futur, reste pauvre en emplois. « Il faut bien sûr miser sur l'intelligence, l'économie de la connaissance mais l'enjeu est de combiner mieux ces éléments avec les activités de fabrication et non d'aller vers une 'France sans usines' », conclue Rémi Lallement.

Marie Bellan   

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