Une ferme bio dans un parking souterrain parisien

Deux jeunes ingénieurs ont ouvert, l'an dernier, une étonnante exploitation agricole dans les sous-sols d'un ensemble HLM du 18e arrondissement.

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Installée dans un ancien garage souterrain, La Caverne est la première ferme urbaine, ouverte à Paris. 

Installée dans un ancien garage souterrain, La Caverne est la première ferme urbaine, ouverte à Paris. 

© Baudouin Eschapasse

Temps de lecture : 6 min

Ils l'ont baptisée «  La Caverne  ». Lorsqu'ils ont cherché un nom pour leur exploitation agricole, installée dans un parking souterrain désaffecté, situé dans le nord de la capitale, ce terme s'est imposé naturellement à eux. Et pour cause ! «  Nous pratiquons le maraîchage cavernicole  », justifient Jean-Noël Gertz et Théo Champagnat, fondateurs de la première ferme souterraine de la capitale.

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Ingénieur thermicien, Jean-Noël Gertz, 28 ans, avait fondé à Strasbourg un potager enterré, en 2015. C'est dans une ancienne poudrière militaire d'un peu plus de 250 mètres carrés qu'il a mené ses premiers essais de culture d'intérieur. Fort du succès de cette expérimentation, qui se poursuit toujours sous l'enseigne du «  Bunker comestible  », l'Alsacien a répondu, l'année suivante, à un appel d'offres de la ville de Paris. La municipalité souhaitait transformer un ancien parking du 18e arrondissement de Paris en ferme urbaine. «  C'est en visitant les lieux que j'ai rencontré Théo  », confie-t-il. «  Je sortais quant à moi d'une école d'agronomie hollandaise où j'avais découvert tous les types de culture qu'il est possible de réaliser sous éclairage artificiel. Nous nous sommes vite entendus  », poursuit son comparse de 29 ans.

<p>Jean-Noël Gertz et Théo Champagnat, fondateurs de la société Cycloponics gèrent déjà une exploitation agricole souterraine à Strasbourg. Ils entendent bien ouvrir de nouveaux lieux dans les mois qui viennent. </p><section class=
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Jean-Noël Gertz et Théo Champagnat, fondateurs de la société Cycloponics gèrent déjà une exploitation agricole souterraine à Strasbourg. Ils entendent bien ouvrir de nouveaux lieux dans les mois qui viennent. 

© Agence Zeppelin
Inaugurée en avril dernier par Anne Hidalgo, leur étonnante installation produit aujourd'hui un peu plus de 500 kilos de légumes par semaine. Mais comment peut-on ainsi se lancer dans une agriculture souterraine sans lumière naturelle ? «  Tout peut pousser sous terre. À condition de reconstituer artificiellement le spectre lumineux du soleil. Ce que nous faisons avec des leds luminescentes qui nous permettent de simuler la succession des saisons  », explique Nicolas Garnier, chef de culture de La Caverne.

Des plantations... quinze mètres sous terre

<p>Le parking reconverti est situé dans un ensemble de logements HLM géré par la filiale "logement" de la SNCF, Porte de la Chapelle, dans le nord Paris.</p> ©  DR

Le parking reconverti est situé dans un ensemble de logements HLM géré par la filiale "logement" de la SNCF, Porte de la Chapelle, dans le nord Paris.

© DR
Le lieu est improbable. Pour y accéder, il faut emprunter une rampe de parking, située au pied de grandes barres d'immeubles, propriétés d'ICF Habitat (la Sablière), la filiale «  logement  » de la SNCF. La descente est désormais interdite aux véhicules et le tunnel décoré de bric et de broc. Le premier niveau, plongé dans l'obscurité, n'invite pas à la halte. Le visiteur doit descendre au deuxième sous-sol pour découvrir une sorte de loft meublé de vieux canapés et d'une table de ping-pong. Le tout éclairé aux néons. «  Nous n'avons, à ce stade, aménagé qu'une partie du deuxième sous-sol, mais l'espace dont nous disposons (9 000 mètres carrés en tout, NDLR) nous offre de belles perspectives de développement  », s'enthousiasme Théo, dont le grand-père, Paul Champagnat, avait intégré l'Académie des sciences pour avoir développé des techniques agronomiques révolutionnaires dans les années 1960.

<p>La champignonnière de "la Caverne" voit pousser shiitakes et pleurotes sur des blocs de terre suspendus. Des brumisateurs maintiennent un taux d'humidité constant. </p><section class=
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La champignonnière de "la Caverne" voit pousser shiitakes et pleurotes sur des blocs de terre suspendus. Des brumisateurs maintiennent un taux d'humidité constant. 

© Baudouin Eschapasse
Les anciens boxes de voiture ont été reconvertis en microparcelles agricoles. Les récoltes se suivent à un rythme soutenu. Dans deux chambres froides, des endives croissent dans l'obscurité, au son du ruissellement continuel de leur système d'irrigation. Le décor se fait parfois futuriste. Dans une travée, baignée dans un brouillard constant provoqué par des brumisateurs, des champignons se développent ainsi sur des blocs de terreau en forme de grosses briques rectangulaires.

Un peu plus loin, des herbes aromatiques voient leurs racines tremper dans des vasques surplombant de petits aquariums où nagent des poissons... «  Ce sont ces poissons qui fournissent naturellement le nitrate utile aux plantes que nous cultivons  », explique Bertrand Munier, directeur des opérations de la société Aura, hébergée par le groupe Cycloponics qui gère le lieu. Dans une aile, dédiée à la recherche-développement, cette start-up teste de nouvelles techniques de cultures de micropousses de cresson, radis, roquette, poireaux et brocolis.

<p>Des éclairages artificiels reconstituent le spectre lumineux du soleil.</p><section class=
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Des éclairages artificiels reconstituent le spectre lumineux du soleil.

© Baudouin Eschapasse
« Notre modèle économique est simple. Le parking est divisé en lots de tailles variables (de 13 à 200 mètres carrés). Chacun de ces espaces est loué à un partenaire différent, mais tous ont pour point commun de développer un projet lié, de près ou de loin, à l'alimentation  », détaille Théo Champagnat, directeur général de Cycloponics, l'entreprise gestionnaire de La Caverne. Comme dans n'importe quelle pépinière d'entreprise, le turn-over est relativement important. Pendant l'été, un locataire avait installé ses cuves pour cultiver de la spiruline (une algue comestible qui constitue un complément alimentaire riche en Oméga 6, NDLR). Nous allons bientôt accueillir les tables d'affinage d'un fromager du quartier : la laiterie de Paris  », évoque son associé Jean-Noël Gertz.

Transformation du quartier

Si les deux fondateurs de Cycloponics se refusent encore à évoquer le chiffre d'affaires de leur petite entreprise, ils se félicitent d'avoir déjà créé 12 emplois. Et envisagent de reprendre prochainement en gestion d'autres espaces urbains en déshérence. «  On nous a demandé de nous occuper d'un parking de 7 500 mètres carrés, dans le 19e. Nous y développerons une exploitation dédiée à la culture du champignon de Paris. Il n'y a pas une semaine sans qu'une mairie ne nous signale une friche qu'elle souhaite voir transformée  », sourit Jean-Noël Gertz.

Pour poursuivre leur aventure, les deux garçons réfléchissent désormais à une levée de fonds. «  Nous avons commencé avec nos petites économies, de l'ordre de 15 000 euros, mais nous devons désormais passer à la vitesse supérieure  », affirme Théo Champagnat qui estime les besoins de son entreprise à 5 millions d'euros.

<p>Sept start-ups ont rejoint "la Caverne" depuis un an. Et douze emplois ont ainsi été créés.</p> ©  DR

Sept start-ups ont rejoint "la Caverne" depuis un an. Et douze emplois ont ainsi été créés.

© DR
La vitrine que leur offre La Caverne leur permet de recevoir, chaque semaine, des institutionnels et des investisseurs, potentiellement intéressés par les perspectives financières alléchantes de cette agriculture d'un nouveau genre. «  Mais ce qui nous plaît aussi, c'est d'œuvrer dans le domaine social à la reconversion de quartiers entiers  », explique Salim Djabballah, responsable de la comptabilité de cette petite start-up.

Le parking où s'est implantée La Caverne était, depuis plusieurs années, le lieu de rendez-vous des consommateurs de crack du nord de la capitale. «  Et plus aucun habitant du quartier ne s'y risquait, car y étaient organisés tout un tas de trafics  », se rappelle un voisin. L'ouverture de la ferme souterraine a profondément changé la physionomie de la porte de la Chapelle. Même si les débuts ont été durs. «  Au départ, nous avons dû engager des agents de sécurité pour éviter le retour des squatteurs  », se rappelle Salim.

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Toutes les cultures souterraines de "la Caverne" sont faites sans engrais de synthèse. Les apports en nitrate résultent de l'élevage de poissons d'aquarium...

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Toutes les cultures souterraines de "la Caverne" sont faites sans engrais de synthèse. Les apports en nitrate résultent de l'élevage de poissons d'aquarium...

© Baudouin Eschapasse

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Commentaires (3)

  • bilou11

    Ou sur les toits aussi, comme à New York !

  • Poupinet

    Ce n'est pas parce qu'on est bio qu'on est forcément écolo. L'énergie consommée vient bien de quelque part. Avec un rendement de production très faible, sauf si c'est nucléaire, où avec des gaz à effet de serre. Tout comme la voiture électrique, il faut faire le bilan global pour reconnaître que tout n'est pas si simple que certains veulent nous le faire croire.

  • Alex_555

    De promouvoir des projets non viables. La lumière artificielle ç est comme les voitures électriques. Auj le rapport énergétique led ou autre est non viable, point final