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Une TPE dirigée par une femme a 40% de risques en moins de déposer le bilan

Dénonçant le «système aberrant» des inégalités, Muriel Pénicaud a défendu les mesures avancées pour lutter contre elles JACQUES DEMARTHON/AFP

Alors que le gouvernement multiplie les initiatives pour favoriser l'inclusion des femmes dans le marché du travail, une étude montre que les TPE dirigées et fondées par des femmes se sont faites plus rares l'an dernier.

Meilleures gestionnaires que leurs homologues masculins, les femmes à la tête de TPE se font pourtant de plus en plus rare: c'est la conclusion du dernier baromètre Parité de Manageo. Piochant dans sa base de données, l'entreprise a analysé les chiffres de près de six millions de TPE. Cinq points saillants ressortent de son enquête.

Meilleures gestionnaires mais moins nombreuses

D'une part, les TPE fondées et/ou gérées par des femmes restent plus rares. En 2017, seules 35,3% des petites entreprises créées l'ont été par une femme, et ces dernières en dirigent un peu moins d'un tiers (32,3%).

D'autre part, ces chiffres pourtant déjà relativement faibles ont décru en 2017. Ainsi, après plusieurs années de hausse, la proportion de TPE fondées par des femmes est «pour la première fois en baisse depuis 2011», s'étonne Manageo. Passée de 34% à 37,5% entre 2011 et 2016, la proportion de petites entreprises créées par des femmes est descendue à 35,3% l'année dernière. Ces statistiques vont dans le même sens que les données publiées par l'INSEE: selon l'agence, la part de femmes parmi les créateurs d'entreprises individuelles est passée de 31,2% (1999) à 39,6% (2015), avant de baisser légèrement l'année suivante, à 39,5%.

De plus, selon les experts de Manageo, qui s'appuient notamment sur des données financières et sur le nombre d'entreprises «entrées en défaillance», les TPE gérées par des femmes sont moins susceptibles d'échouer. Ainsi, «une TPE dirigée par une femme a 40% de risques en moins de déposer le bilan qu'une TPE pilotée par un homme», précise l'analyse. Pour Clémence Cessiecq et Julie Girard, employées chez Manageo, cela peut notamment être lié aux secteurs d'activités dans lesquels les deux sexes se répartissent: «les hommes se lancent dans des domaines plus à risque, comme la restauration, là où la vente à domicile, par exemple, sera plus pérenne». Les modes de consommation, les évolutions sociétales et, peut-être, des différences structurelles sur la méthode de gestion pourraient également jouer sur le résultat final.

Les statistiques soulignent également de fortes disparités quant aux secteurs dans lesquels les hommes et les femmes lancent leur activité. Ainsi, les premiers travaillent davantage dans la mécanique, l'électronique, la réparation, la maintenance ou les activités religieuses, tandis que les secondes développent des activités de soin, de vente à domicile, de fabrication de bijoux ou des instituts de beauté.

Enfin, l'étude relève en outre des disparités d'ordre géographique: ainsi, les régions de l'ouest, comme la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine et l'Occitanie concentrent la proportion de TPE dirigées par une femme la plus importante, alors que l'Île-de-France, les DOM-TOM et la Bourgogne-Franche-Comté représentent la queue du peloton.

«Où est le réel progrès?»

Professeur à Montpellier Business School et auteur de Diriger sa petite entreprise: gérer, communiquer, se développer (2011), Katherine Gundolf explique que «depuis le début des calculs, en 1987, le nombre de femmes dirigeantes n'a cessé d'augmenter. Les données montrent qu'il peut y avoir des régressions, comme en 2008-2009. Assez courants, ces phénomènes n'ont pas forcément un impact sur la tendance générale». La chercheuse pense donc que seul le long terme permettra de voir si la baisse constatée par Manageo se confirme ou si elle reste conjoncturelle.

Pour autant, la chercheuse relève l'évolution relativement limitée et surtout particulièrement lente des résultats dans ce domaine. «En 1987, on comptait 29% de créations par des femmes, contre 35% environ en 2018. Où est le réel progrès? En 30 ans!», s'exclame-t-elle, avant de citer quelques pistes pour expliquer la faiblesse de cette évolution: «les leviers mobilisés sont-ils vraiment effectifs? La société change-t-elle si lentement? Je pense qu'il y a un peu de tout cela».

Selon elle, seuls des efforts supplémentaires permettront de faire évoluer considérablement ce constat. Elle attend des «changements structurels», qui nécessitent un «investissement dans le long terme» et dont la pierre angulaire reste «l'éducation». En cela, elle salue la loi Avenir professionnel, et défend l'efficacité d'une politique de «discrimination positive»: «je suis favorable à des mesures de ce type, et ceci dans tous les domaines et toutes les sphères».

Une «priorité» du gouvernement

L'étude de Manageo met en lumière une situation qui est tout particulièrement sous le feu des projecteurs depuis la libération de la parole des femmes par l'intermédiaire du mouvement #MeToo. Début mars, à l'occasion de la Journée des droits des femmes, le gouvernement s'est engagé à supprimer l'écart salarial entre les sexes, et a fait de cette thématique «une priorité».

Une partie du plan des autorités a finalement été votée cet été, dans le cadre de la loi Avenir professionnel portée par Muriel Pénicaud. Votée cet été, cette dernière oblige notamment les entreprises de plus de 50 salariés à remédier aux inégalités, sous peine d'encourir une sanction équivalente à «1% du chiffre d'affaires» de la compagnie. Interrogée sur Franceinfo ce mardi, la ministre du Travail a dénoncé le «système aberrant» des inégalités, et elle a défendu les mesures avancées pour lutter contre ce type de situation. «Ca fait 45 ans que la loi dit le bon sens, qu'à travail égal vous devez avoir un salaire égal. La différence avec la loi Avenir professionnel, c'est qu'il existe maintenant une obligation de résultat», a plaidé la ministre, qui a laissé aux entreprises concernées «trois ans» pour remédier à la situation.

Pour autant, les mesures avancées par le gouvernement ne satisfont pas tous les acteurs, et des angles morts demeurent, par exemple dans la fonction publique.

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