La droite populiste séduit partout en Europe, sauf en Espagne

Marine Le Pen, Tomio Okamura, chef de file de l'extrême droite tchèque et Geert Wildersde l'extrême droite néerlandaise. [EPA-EFE/MARTIN DIVISEK]

L’extrême droite attire de plus en plus de jeunes Européens et risque de conquérir une large partie de l’hémicycle européen lors des élections de 2019. Seul un irréductible parlement résiste : l’Espagne. Un article d’Euroefe.

Martin Sellner pourrait être un jeune de vingt ans comme les autres, qui se balade sur les réseaux sociaux avec ses lunettes noires et sa coupe de cheveux dernier cri, mais ce n’est pas un millénial comme les autres. Dans un de ses derniers selfies, le slogan de son t-shirt révèle un détail inquiétant : « en lutte pour la renaissance de l’Europe. »

Ce jeune autrichien est le visage le plus moderne de l’extrême droite européenne, celui de Génération identitaire, à une époque où les discours extrémistes sont tellement tendances qu’ils ont commencé à conditionner le programme politique des partis traditionnels dans l’Union européenne.

Activistes d’extrême droite ?

Leur raison d’être est de freiner ce qu’ils appellent « le grand remplacement » d’Européens de souche par des immigrants et étrangers. Et leur devise est de « reconquérir » un continent en train de succomber à l’islamisation. Ces « identitaires » ne se caractérisent pas comme des extrémistes, mais se définissent comme des « activistes » anti-immigration, capables d’affréter des bateaux pour empêcher des Africains mourants de traverser la Méditerranée, et de déverser du faux sang lors d’événements solidaires envers les réfugiés.

« Notre objectif est de préserver l’identité culturelle et ethnique et les traditions à travers un activisme non violent et des actions de résistances », explique Martin Sellner sur YouTube.

« Le mouvement utilise une terminologie raciste subtile », commente la plateforme britannique « Hope not Hate », qui le situe parmi les groupes islamophobes les plus influents d’Europe, avec une présence dans une quinzaine de pays.

Lancés en France en 2012, au moment où le Front national devient la seconde force politique du pays, les « identitaires » inoculent leur discours dans l’opinion publique grâce aux réseaux sociaux et à des actions sensationnalistes, avant de trouver du soutien politique et électoral.

Juncker fustige les «populistes stupides»

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, espère une Europe solidaire et unie contre l’extrême droite.

Évolution

Mais sa stratégie n’est pas nouvelle : les grands partis d’extrême droite européenne savent évoluer sur Internet depuis des années et sont entrés dans les gouvernements (Italie, Autriche, Suède) et les parlements de presque toute l’Union européenne.

À chaque rendez-vous électoral, les politiques réactionnaires et eurosceptiques parviennent à séduire de plus en plus d’électeurs (de droite et de gauche) vêtus d’un costume taillé pour les temps modernes, le « populisme », qui mobilise le peuple contre des gouvernements incapables de contenir les inégalités de la mondialisation, constate l’historien Xavier Casals.

Sur ce point-là, ils coïncident avec les formations antisystème de gauche, mais la différence réside dans le fait que la droite populiste revendique une identité nationale qui se voit menacée par l’immigration.

« Ces partis sont une option anti-mondialisation qui, il y a peu de temps, ne se présentait pas en tant que tel », ajoute le professeur à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone. « Le discours de l’extrême droite s’est homogénéisé au fil du temps », soutient-il.

Après l’ostracisme postérieur à la Seconde Guerre mondiale, l’ascension des « partis du progrès » au Danemark et en Norvège dans les années 1970 a provoqué un changement dans les rangs de l’extrême droite.

L’essor du Front national aux élections européennes de 1984, qui a obtenu près de 10 % des voix, a fait de la sécurité et de l’immigration des « thèmes phares » du programme européen, explique l’historien.

Après la chute du mur de Berlin et la dissolution du monde communiste, « l’anti-mondialisation a progressivement remplacé l’anticommunisme. »

Finalement, avec les attentats du 11 septembre, les extrêmes se sont réinventés autour de l’islamophobie.

Popularité des extrêmes

L’extrême droite est devenue un courant dominant sur le territoire européen, note Xavier Casals. Maintenant, elle se prépare à partir à l’assaut du Parlement européen lors des élections européennes de mai 2019, avec des aspirations qui flirtent avec l’explosion intérieure de l’UE pour revenir à l’Europe des nations.

« Rome était le centre du pouvoir et maintenant les Italiens se sont rendu compte que le pouvoir n’était pas à Rome, mais à Bruxelles et Berlin. Toute leur colère et leur frustration sont dirigées vers ces deux pôles. Salvini profite de cela et a compris que s’il veut changer les choses, il doit s’en prendre aux centres de pouvoir », soutient Miguel Otero, chercheur à l’Institut royal Elcano.

Face au populisme, les pro-UE s'organisent

Face aux eurosceptiques, qui veulent faire des élections européennes un référendum sur l’UE, la société civile appelle les forces progressistes à se rassembler pour défendre le bloc.

Selon certains experts tels que Vicente Palacio, de la Fundación Alternativas, une grande déferlante de ces formations au Parlement européen pourrait leur permettra de passer des 5 % actuels à 40 %.

Miguel Otera reste néanmoins optimiste, car il pense que la droite populiste refusera de démanteler l’UE, au vu du rejet que cela génèrerait chez leurs électeurs.

L’épreuve de feu aura surtout lieu en mars, lorsque le dénouement du Brexit sera connu, et que les europhobes pourront mesurer les chances de réussite de leur proposition de retrait.

Toutes les options sont ouvertes

Ce scénario chaotique n’a plus rien d’impossible en raison des discours incendiaires de Matteo Salvini ou du Hongrois Viktor Orbán, et de l’augmentation des attaques liées à l’extrême droite, comme le met en garde Europol.

Même en Espagne, l’un des rares pays européens où l’extrême droite n’a toujours pas de représentation parlementaire, les sondages mettent en garde contre l’avancée des ultranationalistes de Vox.

Les conséquences de la Grande Récession, la chute des partis traditionnels et la montée des extrémistes et de l’immigration comme bouc émissaire forment une séquence qui n’est pas sans évoquer le passé inquiétant de l’Europe.

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