Dérive de l'ubérisation : comment Issa, sans-papier malien, roule en sous-main pour des coursiers à vélo

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Dérive de l'ubérisation : comment Issa, sans-papier malien, roule en sous-main pour des coursiers à vélo

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A Paris, comme dans d'autres villes en France, de plus en plus de livreurs sous-louent leur compte illégalement à des migrants.
A Paris, comme dans d'autres villes en France, de plus en plus de livreurs sous-louent leur compte illégalement à des migrants.
© AFP - Georges Gobet

Des coursiers à vélo, auto-entrepreneurs chez Deliveroo, Uber Eats ou Stuart, exploitent des migrants en toute illégalité. Ils sous-louent à ces sans-papiers leur compte. En échange, ils récupèrent 30 % à 50 % de leurs recettes. Un phénomène en augmentation, notamment à Paris.

Dans ce quartier populaire, à l'Est de Paris, une dizaine de livreurs se regroupent autour d'une petite place : c'est leur point de rendez-vous entre deux commandes. Parmi eux Issa*, à califourchon sur son vélo, sac isotherme sur le dos. Il fait une pause en attendant la prochaine course. 

Cela fait un an et demi qu'il pratique la livraison à domicile. Mais comme il est en situation irrégulière, ce Malien n'est pas censé pouvoir travailler avec le statut d'auto-entrepreneur. "Pour livrer, il faut que quelqu'un fasse un compte pour toi, quelqu'un qui a des papiers", explique-t-il à France Inter. Dans son cas, le pseudo "employeur" de Issa l'a recruté, "dans la rue". Ces auto-entrepreneurs peu scrupuleux savent très bien où chercher. Ils ciblent généralement les endroits fréquentés par les migrants et les clandestins. Là, "ils te donnent le compte, et puis ils te laissent leur numéro", raconte Issa. 

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Chaque mois, le propriétaire du compte lui ponctionne 30 % de ses revenus. "Il prend trois à quatre cents euros, souvent. Il me reste seulement cinq cents, six cents euros. Pour vivre, on n'a pas le choix. Tu dois supporter ça"

Issa n'est pas le seul migrant exploité dans cette situation. Selon le Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), le phénomène est en train de se répandre à Paris, mais également dans d'autres villes comme Nantes ou Lille. Certains n'hésitent pas à parler de mafia. "C'est une organisation souterraine. On a des gens qui se mettent en commun pour s'inscrire en tant qu'auto-entrepreneur, non pas sur une plateforme, mais sur toutes les plateformes possibles, et qui, ensuite, vont trouver des gens qui sont capables de travailler pour deux cents euros par mois, détaille Édouard Bernasse, secrétaire général du CLAP. C'est de l'exploitation, oui."

De leur côté, les sociétés concernées assurent appliquer une tolérance zéro sur le travail illégal. Ce qui entraîne une rupture immédiate de contrat avec l'auto-entrepreneur en fraude.

*Le prénom a été modifié

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