À travers l’œillet de la porte, on aperçoit un faucon crécerelle qui se remet d’une fracture de l’aile, une chouette hulotte victime d’un traumatisme crânien, tout comme sa voisine, une chouette effraie au plumage immaculé. Un grand silence règne dans la salle de convalescence des oiseaux où, une fois soignés, ils reprennent des forces avant d’être placés en volière puis remis en liberté.

Les oiseaux représentent les trois quarts des 2 000 animaux recueillis depuis le début de l’année au Centre vétérinaire de la faune sauvage et des écosystèmes (CVFSE) de Nantes. Pour le quart restant, il s’agit de mammifères, en majorité des hérissons. Fondé en 1985 par des étudiants de l’école vétérinaire de la ville, dont il dépend administrativement, le centre réunit aujourd’hui cinq salariés et une centaine de bénévoles. Leur mission : récupérer et soigner, quand c’est possible, la faune sauvage blessée.

Les atteintes aux animaux ont majoritairement des causes « anthropiques » (liées à l’activité humaine) : trafic routier, baies vitrées, lignes à haute tension, prédateurs domestiques (les chats en particulier)… Mais ce n’est pas tout. La destruction des haies et l’utilisation de produits chimiques liées à l’agriculture intensive ont privé les insectes, oiseaux et petits mammifères de leur habitat comme de leur nourriture. Chassés des campagnes, ils se retrouvent de plus en plus en contact avec le milieu périurbain, qui n’a cessé de grignoter des espaces naturels. Ces animaux, davantage visibles des habitants, eux-mêmes de plus en plus sensibles à la protection de la nature, sont plus nombreux à atterrir dans les centres de soins de la faune sauvage.

Des moyens en baisse

« Notre activité augmente alors que nos moyens diminuent, » résume Olivier Lambert, directeur du CVFSE à Nantes. Le centre s’est séparé de deux salariés après avoir perdu 50 000 € de subventions de la région des Pays de la Loire, qui vient pourtant d’adopter un plan en faveur de la biodiversité ! Un constat général, dans l’ensemble du réseau.

Dans le Nord, la situation est encore plus criante. « Deux centres ont fermé ces cinq dernières années dans les Hauts de France », témoigne Laurent Larzillière, trésorier de l’Union française des centres de sauvegarde de la faune sauvage (UFCS) qui regroupe une trentaine d’établissements de ce type, nombreux à survivre grâce aux dons ou à l’implication des particuliers (1).

Cet employé communal tient bénévolement le refuge d’Hirson, dans l’Aisne, depuis 30 ans, et répond tant bien que mal à la demande. « J’ai perdu la moitié de la subvention départementale l’an dernier. C’est autant moins de nourriture pour les animaux, confie celui qui recueille chaque année 250 à 300 animaux blessés. Le souci, c’est que nos centres ne rapportent pas d’argent. Les politiques parlent de plus en plus de biodiversité, mais cette communication est une coquille vide… ».

Pourtant, il y a urgence à agir en faveur de la faune sauvage, alertent ces spécialistes. « Le déclin des alouettes, hirondelles, linottes ou perdrix n’a pas cessé de s’accélérer ces cinq dernières années », s’alarme Dominique Crickboom, secrétaire général de l’UFCS, dont le centre de sauvegarde des oiseaux sauvages, dans l’Yonne, reçoit jusqu’à 500 animaux par an. S’il a pu conserver ses subventions, il n’a désormais plus aucun salarié, faute d’emplois aidés. « On est en train de revenir vingt ans en arrière alors que la faune n’a jamais eu autant besoin d’être protégée, » affirme-t-il.

Retour à la nature

À Nantes, le CVFSE prévoit de recentrer son activité sur les animaux adultes blessés, et d’abandonner le soin des jeunes oiseaux, aussi coûteux que chronophages. « On reçoit trop d’oisillons apportés par des gens qui croient bien faire parce qu’un chat rôdait autour du nid, témoigne le directeur. Mais nous n’avons pas à nous substituer à la nature. Le mieux que l’on puisse faire, c’est de laisser les animaux sauvages en paix, sauf quand ils sont blessés. »Une fois soignés dans les volières de Nantes, rapaces, chouettes ou goélands ont d’ailleurs vocation à retourner dans leur milieu naturel. Olivier Lambert ne se lasse jamais de voir s’éloigner un volatile à tire d’aile.

Site de l’UFCS : www.ufcs.fr