Bygmalion : Nicolas Sarkozy "a été le décideur", selon la cour d'appel de Paris
La cour d'appel a justifié le renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy, dans l'affaire Bygmalion, par le rôle-clé joué par l'ex-Président lors de la campagne présidentielle de 2012, selon l'arrêt dont l'AFP en révèle mardi le contenu.
Nicolas Sarkozy va tenter d'éviter un procès avec un pourvoi en cassation mais pour l'heure, la cour d'appel de Paris a décidé de le renvoyer en correctionnelle. Il est question ici de l'affaire dite "Bygmalion", portant sur un vaste système de fausses factures entre l'UMP et ce prestataire qui avait pour but de masquer l'emballement des dépenses du candidat Sarkozy en 2012. Dans son arrêt, dont l'AFP livre le contenu mardi, la cour justifie ce choix par le rôle central du président-candidat lors de cette campagne. Nicolas Sarkozy "a été le décideur des événements", écrit ainsi la juridiction.
Dans ce dossier, dans lequel quatorze protagonistes doivent être jugés, l'ancien chef de l'Etat est mis en examen pour "financement illégal de campagne électorale", un délit mineur passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3.750 euros. Cette infraction consiste ici à avoir dépassé le plafond autorisé "en engageant, sans tenir compte des deux alertes adressées par les experts-comptable de sa campagne les 7 mars et 26 avril (2012, NDLR), des dépenses électorales pour un montant d'au moins 42,8 millions d'euros", rappellent les trois magistrats, conformément à l'ordonnance de février 2017 du juge d'instruction Serge Tournaire. Il s'agit du près du double du seuil autorisé par la loi, fixé à 22,5 millions d'euros.
Des avertissement dont il n'a pas tenu compte
Selon l'arrêt de la cour d'appel, l'enquête n'a pas permis d'établir que le candidat malheureux de 2012 a ordonné ou a été informé du montage financier, ce qui lui permet d'échapper à des poursuites plus lourdes, notamment faux, escroquerie ou abus de confiance, contrairement à d'autres protagonistes de l'affaire. Il n'empêche, pour les magistrats, que "le candidat à l'élection présidentielle est personnellement tenu par une obligation de résultat pour le respect du plafond", ce qui justifie son procès pour ce délit.
L'enquête, précise la cour, a mis en évidence le "pouvoir de décision et d'impulsion" de Nicolas Sarkozy durant cette campagne, alors que le calendrier des meetings et leur format étaient soumis à sa validation. Les magistrats estiment que le candidat, qui réfute de son côté avoir été mis en garde d'un risque de dérapage, a bien reçu plusieurs avertissements "convergents" mais ceux-ci n'ont "(entraîné) de sa part aucune remise en cause du rythme et du programme final des meetings".
La condamnation par le Conseil constitutionnel concernait des faits différents, selon les magistrats
Si les dépenses avaient été réalisées "à son insu" comme l'invoque la défense de Nicolas Sarkozy, ce dernier aurait dû déposer plainte dès qu'il a eu connaissance d'une telle manoeuvre, font valoir les magistrats, rejoignant la position exprimée par le juge Tournaire. Ce dernier avait été seul à signer l'ordonnance de renvoi, tandis que son collègue cosaisi, Renaud Van Ruymbeke, s'était abstenu, ce qui avait rendu possible l'appel de l'ancien président et d'autres prévenus.
Les magistrats n'ont pas retenu non plus un autre axe de la défense de Nicolas Sarkozy : son avocat, Me Thierry Herzog, avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en défendant que l'ancien président a déjà été condamné définitivement en 2013 par le Conseil constitutionnel pour ce dépassement de plafond. Mais cette sanction, non susceptible de recours, était intervenue avant la révélation au printemps 2014 des fausses factures de Bygmalion et portait sur un dérapage bien inférieur, de 363.615 euros.
Les magistrats de la cour d'appel estiment ainsi que parmi les dépenses sanctionnées "ne figurent pas celles dont l'existence n'a été révélée que postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, dans la presse en premier lieu puis en second lieu caractérisée grâce aux investigations". La révélation de ces dépenses dissimulées constituent donc un fait nouveau qui n'a pas encore été jugé, conclut la cour d'appel.
(avec AFP)
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