Nouvelle alliance pour EDF sur le marché africain du hors-réseau

Deux ans après ses premiers pas en Côte d’Ivoire aux côtés de la startup californienne OGE, l’électricien français signe au Togo un accord avec le britannique BBOXX pour le déploiement de kits solaires et de services associés. Valérie Levkov, la directrice Afrique-Moyen Orient, commente en exclusivité pour La Tribune la stratégie du groupe sur ce marché émergent.
Dominique Pialot
Le marché des kits solaires associés à des solutions hors-réseau, plus récent, est très disputé. Mais EDF entend bien se faire une place sur ce marché de plus de 600 millions de personnes, qui connaît une croissance annuelle de 35%.

C'est une nouvelle étape que vient de franchir EDF sur le marché africain du "off-grid" (le "hors-réseau", en français). Le partenariat signé avec la startup BBoxx à Lomé ce 26 octobre en présence du président togolais marque le début d'une collaboration qui pourra s'étendre à d'autres pays.

BBoxx est un énergéticien britannique intégré verticalement, qui a déjà installé 150.000 systèmes solaires hors-réseau dans le monde, notamment au travers de ses bureaux implantées en Chine, au Royaume-Uni, au Congo, au Kenya, au Rwanda et au Togo, où il a remporté en décembre dernier un appel d'offres lancé par le gouvernement. Le partenariat avec EDF doit lui permettre d'accélérer le déploiement de ses solutions, qui comptent déjà quelque 26.000 clients dans le pays. Dans le cadre du programme gouvernemental Cizo qui encourage l'électrification via les kits off-grid et ambitionne d'équiper deux millions de Togolais d'ici à 2030,  EDF et son partenaire à  50%  BBOXX Togo visent ensemble une part de marché de 35% en 2024.

« Nous apportons à BBoxx notre capacité à délivrer et à mettre en œuvre les processus opérationnels et nos compétences pour améliorer les performances des batteries », détaille Valérie Levkov, directrice Afrique et Moyen-Orient du groupe.

Ce partenariat n'est pas une première pour EDF. En effet, le groupe est déjà actif avec la startup californienne OGE depuis fin 2016 en Côte d'Ivoire, où leur co-entreprise Zeci, leader sur le marché du off-grid avec 22.000 kits vendus, vise 20% de part de marché en 2020, ainsi qu'au Ghana depuis janvier 2018. Aussi Valérie Levkov met-elle également en avant le savoir-faire acquis depuis deux ans en Côte d'Ivoire en matière de marketing de l'offre, essentiel sur les marchés africains du off-grid.

« Après deux ans en Côte d'Ivoire, nous avons connu aussi bien de fortes intempéries que l'effondrement des cours du cacao... et nous avons montré que nous étions résilients », ajoute-t-elle.

Les kits solaires en hors-réseau, un marché de 600 millions de personnes

Présente en Afrique depuis cinquante ans, active dans une quinzaine de pays aujourd'hui, EDF mise beaucoup sur le continent pour atteindre l'objectif de triplement de ses activités hors Europe dans le cadre de son plan Cap 2030.

Outre des activités conventionnelles dans le nucléaire avec l'opérateur national Eskom en Afrique du Sud, dans un projet de cycles combinés gaz en Côte d'Ivoire ainsi que dans de nombreux projets hydro-électriques, le groupe y développe aussi des fermes solaires ou éoliennes de grande taille, notamment en Afrique du Sud, au Maroc ou en Égypte.

Le marché des kits solaires associés à des solutions hors-réseau, plus récent, est très disputé. Mais EDF entend bien se faire une place sur ce marché de plus de 600 millions de personnes, qui connaît une croissance annuelle de 35%.

 « Nous ne sommes pas équipementiers, rappelle Valérie Levkov. Nous n'investissons jamais seuls un nouveau marché off-grid, mais toujours en partenariat avec un acteur qui a déjà développé un écosystèmeOn aime les partenariats. »

Première utility française à s'implanter sur ce marché avec une startup, EDF a été très sollicitée suite à son opération avec OGE. « Nos atouts résident notamment dans notre capacité d'exécution - la principale difficulté de ces marchés africains du off-grid -, et notre expérience sur le mass market, souligne Valérie Levkov. Mais nous gardons la tête froide. »

Que ce soit avec OGE ou BBoxx, aucune exclusivité n'est prévue, mais les partenaires ont « de potentielles cibles communes. »

Face à la disparité des contextes, la stratégie du cas par cas s'impose

Sur le plan géographique, quelle stratégie adopte l'électricien pour se développer en Afrique ? « Chaque marché est différent, et pas seulement sur le plan économique, observe la directrice Afrique/Moyen-Orient. Selon les cultures des ethnies dominantes, certaines pratiques telles que le crédit [l'usure, Ndlr] sont plus ou moins bien acceptées. Certaines populations sont essentiellement agricoles et dépendent de cours des denrées cultivées comme le cacao, quand d'autres, en périphérie urbaine, ont des activités plus tertiaires. C'est pourquoi le cas par cas s'impose. »

EDF vise en priorité des pays ou des « clusters de pays » dans lesquels le groupe est déjà présent ou envisage de s'implanter à court terme : « Des pays où nous nous sentons à l'aise, bienvenus, et où nous avons le sentiment d'apporter quelque chose, précise Valérie Levkov. Et, bien sûr, nous évitons les pays à risque, aussi bien pour nos salariés que sur le plan financier. »

Des activités diffuses, qui nécessitent un long travail de consolidation

Ces marchés du "off-grid" représentent la forme la plus extrême de l'énergie décentralisée, dont le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est très différente du modèle historique de l'opérateur français. Pour autant, ces activités sont rentables. « Elles passent sous les fourches caudines de nos comités d'investissement et répondent aux mêmes critères de rentabilité que toutes les activités du groupe, affirme Valérie Levkov. Mais ce sont des activités diffuses, qui nécessitent un long travail de consolidation dans la durée. »

C'est pourquoi, sur un marché très disputé, où sont notamment présents les autres grands énergéticiens français, Engie et Total, le groupe affiche sa sérénité.

« Nous ne sommes pas de simples vendeurs de kits solaires, et nous ne sommes pas dans une course aux volumes, insiste la directrice. Nos clients sont nos clients pour longtemps, nous voulons les fidéliser. »

La bataille de la qualité

Face à la qualité médiocre de certains kits vendus sur les marchés sans aucun service associé (notamment par des acteurs chinois, Ndlr), il revient aux entreprises à la réputation établie de restaurer l'image de l'électrification solaire. « Les gouvernements sont d'ailleurs de plus en plus vigilants et souhaitent réguler le marché avec des labels de qualité, révèle Valérie Levkov. Chez nous, la qualification technologique est faite dans nos laboratoires de R&D. Nous sommes en mesure de nous engager sur la durée de vie,  le recyclage, la qualité de tous les produits que nous vendons, qu'il s'agisse des ampoules ou des télévisions livrées avec les kits solaires. »

Également présente dans les pompes solaires pour petits agriculteurs aux côtés de la startup kényane SunCulture, ou encore de l'organisation panafricaine d'origine togolaise Energy Generation pour la formation de femmes à l'installation et la maintenance de systèmes solaires off-grid, EDF pourrait annoncer prochainement de nouveaux partenariats. Ou le lancement d'offres complémentaires aussi bien pour des usages domestiques, destinés aux artisans ou aux petits agriculteurs, dans la construction de minigrids ou de kiosques solaires agricoles.

Dominique Pialot

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Commentaires 4
à écrit le 27/10/2018 à 10:29
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En solaire on a encore pour les panneaux et/ou tuiles solaires Recom-Sillia, Photowatt, Sunpower, Dualsun en hybride etc et en onduleur Schneider, Imeon Energy, Axid etc et quelques fabriquants de solaire thermique. Sans doute nécessaire de regroupe...

à écrit le 27/10/2018 à 8:28
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Au final du "made in asia" installé... Car en France des fabricants de kit solaire au prix compétitif, il n'y en a pas.. grace au lobby nucléaire Donc des commerciaux de luxe d'edf aux packages d' expat pour vendre du matériel MIC "Made In China...

le 27/10/2018 à 12:05
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« grâce au lobby nucléaire » En chine, où tous ces kit solaires sont fabriqués, il n’y a pas de nucléaire ? Et en Pologne ou en Norvège, où ces kits ne sont pas fabriqués, il y en a ?

à écrit le 26/10/2018 à 19:39
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En tous cas les besoins sont énormes, à mi chemin entre couverture classique des besoins et l'aide au développement, suivant les cas. Coté technologie, ce qui est dommage c'est que l'on n'ait pas de fabricant français d'onduleurs digne de ce nom, pa...

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