Nous entrons dans la période d’Halloween et son atmosphère propre d’horreur, de surprise et autre screamer. Mais peut-être que cette année, l’évènement le plus intriguant ne relève pas de l’ordre de la fiction. Une expérience sociale en ligne organisée par les chercheurs du Massachussets Institute of Technology pourrait révéler des informations psychologiques et relationnelles intéressantes sur le comportement humain.

 

Présentation du projet

Il convient tout d’abord de préciser que le MIT (Media Lab du Massachusetts Institute of Technology), responsable de cette recherche et expérience, est célèbre pour avoir recruté certains des meilleurs ingénieurs, programmeurs et scientifiques du monde. L’université, et plus particulièrement son laboratoire, est d’ailleurs connue pour avoir lancé en octobre des projets expérimentaux conçus pour nous faire ressentir de nouvelles sensations. En 2016, des chercheurs du MIT ont créé une intelligence artificielle, le programme répondant au nom de Nightmare Machine, ou la Machine à cauchemars dans la langue de Molière. Les résultats, que l’on peut découvrir ici, sont assez apeurants, transformant ainsi nos photos en une version cauchemardesque.

« En bref, la montée en puissance de l’intelligence artificielle sera soit la meilleure, soit la pire des choses qui soit jamais arrivée à l’humanité. Nous ne savons pas encore lequel. », a déclaré Hawking

Un an plus tard, en 2017, un chercheur met au point un logiciel d’intelligence artificielle, « Shelley », capable d’écrire ses propres histoires d’horreur. Si la qualité de ses titres est subjective, il est couramment admis par les curieux ayant lu les histoires qu’elles sont assez effrayantes et réussies.

Cette année, les membres du MIT Media Lab récidivent avec une nouvelle initiative, le projet « BeeMe ». Ce projet est présenté dans un communiqué de presse comme un « jeu social immersif de grande envergure » visant à « jeter un nouvel éclairage sur le potentiel humain de la nouvelle ère numérique ».

En pratique, pendant la nuit d’Halloween, à 23h00 ET (correspondant à mercredi 04h00 du matin), un acteur va renoncer à son libre arbitre. Il ne prendra plus aucune décision en son âme et conscience, ce sera aux internautes de décider pour lui. Si vous êtes adepte de la série Black Mirror, vous pourrez effectivement trouver beaucoup de similarités avec un projet d’épisode de la saison 5 proposant de contrôler un être humain, ou plutôt de choisir son intrigue.

Pour donner un côté plus immersif aux internautes, il y aura tout un scénario mis en place pour le plonger au cœur de l’aventure. A la façon d’un jeu vidéo où vous contrôler votre personnage avec votre joystick, vous serez ici aux commandes d’un humain réel. Il faudra ainsi vaincre l’intelligence artificielle répondant au nom de Zookd, accidentellement publiée en ligne. Comme vous vous en doutez, vous ne serez pas le seul contrôleur de l’humain en question. C’est également un travail de coordination entre humains qui est sous-entendu, dans le but de vaincre Zookd. Le chef de projet, Pescetelli, ajoute que « s’ils échouent, les conséquences pourraient être désastreuses ».

Crédit : Pixabay

 

Le principe de contrôle de personnes

« Vois ce que je vois. Écoute ce que j’entends. Contrôle mes actions. Prends mon testament. Sois moi » C’est ainsi qu’est défini le slogan du projet. Une volonté d’immersion totale de la part des internautes, et de l’autre côté une déshumanisation temporaire complète pour l’acteur. Evidemment, ce dernier sera en pleine possession de ses moyens, il devra cependant se prêter au jeu et assumer les conséquences des décisions prises par autrui.

A l’heure actuelle, la totalité du gameplay, des fonctionnements et mécaniques du jeu, n’est pas encore révélé au grand public. Malgré tout, nous pouvons obtenir quelques éléments clés et alléchants en fouillant un peu sur les réseaux sociaux relatifs au projet BeeMe.

Tout d’abord, la personne contrôlée sera un acteur professionnel et non une personne tirée au hasard, comme certains demandaient. Cependant, le choix de l’acteur n’a pas encore été révélé, ni même sa position géographique, ou encore dans quelle situation il sera. Les développeurs souhaitant garder le secret jusqu’au bout, et ainsi proposer une surprise qui nécessitera une adaptation pour les internautes.

Concernant la durée de vie du jeu, le chef du projet s’attend à une moyenne de deux heures. Cependant, comme la progression ne dépend que des internautes et non d’un unique joueur moyen, prévoir exactement une durée de vie est impossible, il se peut que cela prenne davantage de temps.

Evidemment, les internautes ne pourront pas faire exécuter n’importe quelle commande à l’acteur. Le panel d’actions sera limité, et il ne sera pas question de le mettre en danger. Pescetelli déclare que « tout ce qui enfreint la loi ou met en danger l’acteur, sa vie privée ou son image est formellement interdit ». Voici les uniques limites, tout le reste étant autorisé, ce qui éveille la curiosité des chercheurs. L’ensemble nous donnera des informations psychologiques intéressantes et utilisables par le centre de recherche.

Pour ce qui est des commandes, tout se fera via un navigateur web. Aucun logiciel ne sera à installer. Deux moyens seront mis à disposition : Le premier sera par l’écrit, en envoyant un message contenant la commande, telle que « faire un café », « ouvrir cette porte » ou « courir dans cette direction ». Le second moyen d’interaction fonctionnera par un système de vote, pour ou contre, la commande ayant le plus de « pour » montera dans un classement, et une fois au sommet, l’acteur l’exécutera. « Bee », dans le nom du projet, découle de ce principe. Signifiant abeille, il a été utilisé dans l’idée que les internautes devront agir collectivement à la manière d’une ruche, afin de progresser dans le jeu.

Les développeurs souhaitent marquer une différence avec la réalité virtuelle, qui reproduit les sensations, avec une véritable réalité augmentée, présentée ici. L’internaute va ainsi provoquer des conséquences dans le monde réel. Pour les plus curieux d’entre vous, l’ensemble de l’événement sera diffusé, en direct, sur beeme.online

Nous pourrions faire le rapprochement avec le célèbre « Twitch Plays Pokemon » : cette expérience virale en 2014, d’un programmeur anonyme australien qui avait diffusé le jeu Pokemon Rouge (1998) sur la plateforme de diffusion Twitch. Le principe est semblable à celui que le MIT souhaite mettre en oeuvre, à savoir que les internautes, à l’aide de commandes comme « haut », « bas », « gauche », « droite » (en l’écrivant dans le module de discussion), ont la possibilité de faire bouger le personnage principal. Si les premiers jours annonçaient une issue pessimiste, avec des directions qui se contredisaient, le jeu a bel et bien été fini en 16 jours. Plusieurs centaines de milliers de personnes étaient connectés simultanément à certains pics de fréquentation. Ce premier échantillon permet de constater que malgré un grand nombres de décisionnaires, il est possible de progresser ensemble, et ce, en dépit des décisions personnelles de chacun.

Y aura-t-il une limite d’internautes joueurs, ou bien ce sera une liste présélectionnée ? En théorie, d’après Pescetelli, il n’y a pas de limite d’utilisateurs sur la plateforme employée. Cependant, en cas d’affluence de grande ampleur, des restrictions pourront être apportées, pour maintenir une stabilité et le bon déroulement du projet.

 

Le projet en chiffres

BeeMe, c’est un projet de huit personnes, et qui coûtera moins de 10 000$. Devenu public en mai 2018, il attise la curiosité des internautes et prend une hype, une popularité croissante. Sur le twitter officiel (@beeme.mit), les tweets permettent de constater l’évolution du projet.

Dans un communiqué adressé au média Business Insider, le projet s’autodécrit comme étant « un jeu dystopique qui promet de modifier le visage des interactions numériques en brisant le quatrième mur de l’internet et de nous ramener à la réalité » Les auteurs assurent vouloir apporter une nouvelle vision et réflexion sur la vie privée, l’éthique, le divertissement sous diverses formes, mais également sur les interactions sociales, virtuelles ou réelles.


Il faudra donc attendre le jour d’Halloween pour connaitre le dénouement de cette histoire, si l’humanité et les joueurs vont se souder pour mener à bien cette expérience.

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