C’est une coutume typiquement finlandaise : chaque 1er novembre, le pays célèbre la « journée nationale de la jalousie ». Ce jour-là, il est possible de savoir combien gagne sa voisine, son patron ou sa députée grâce à la publication du revenu imposable de chaque citoyen, au nom de la transparence, comme le raconte le New York Times.
Qui a gagné davantage l’année dernière ? Quel entrepreneur a dû vendre son entreprise ? Quelle célébrité s’avère ruinée ? Tous les médias se prêtent au jeu des comparaisons et, le jour de la publication, difficile pour la foule de journalistes de trouver une place pour travailler dans le bâtiment de l’administration fiscale.
Si certaines voix s’élèvent pour protester contre l’intrusion dans la vie privée que représente cette divulgation des revenus, la plupart des Finlandais pensent que cette tradition aide le pays à résister à l’augmentation des inégalités. Ils estiment également que les employeurs sont forcés d’être vigilants et de préserver une certaine équité entre leurs salariés.
Augmentation de « l’écart de bonheur »
Pourtant, la transparence totale des revenus n’est pas forcément la clé pour une société heureuse, comme le montre notamment une étude de l’université de Californie, publiée en 2012 dans l’American Economic Review.
Cette étude s’est intéressée aux réactions des employés de l’université à la suite de la publication, en 2008, de tous leurs salaires sur un site Internet. Si cette transparence n’a eu aucun effet sur les travailleurs au revenu supérieur à la valeur médiane, ceux qui avaient des salaires plus faibles sont devenus moins heureux dans leur travail et ont davantage cherché à en changer.
Une autre étude concernant la Norvège, publiée en 2015, qui analysait l’effet d’une plus grande accessibilité des données fiscales en ligne à partir de 2001, et ce, de manière anonyme, est parvenue à la même conclusion. Selon ses auteurs, « l’écart de bonheur » entre les plus riches et les plus pauvres s’est accru de 29 % après cette date.
Recherches nominatives
Depuis 2014, le pays a mis en place un système rendant ces recherches nominatives : un e-mail contenant le nom de la personne curieuse est envoyé à celle dont les données fiscales ont été consultées. Depuis, le nombre de recherches a drastiquement diminué.
Cette « journée » est surtout un moyen de pointer du doigt les fraudeurs
En Finlande, où ces données sont uniquement accessibles pendant une semaine au sein des locaux de l’administration fiscale, la « journée nationale de la jalousie » est surtout un moyen de pointer du doigt les fraudeurs, ou ceux qui délocalisent pour éviter les impôts. Mais également de célébrer les entrepreneurs à succès, comme les propriétaires de la société de jeux vidéo Supercell, qui occupent cette année cinq places parmi les dix plus gros revenus du pays.
Une entreprise dont le directeur général, Ilkka Paananen, s’est félicité de battre le record historique du plus gros montant de taxes sur les revenus du capital en Finlande. « Nous avons reçu beaucoup d’aide de la société, maintenant, c’est notre tour de lui rendre quelque chose. »
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu