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Élection de Bolsonaro : "Le peuple de Raoni est en danger"

Le Cacique Raoni, grand chef du peuple kayapo.
Le Cacique Raoni, grand chef du peuple kayapo. © DR
Camille Hazard

Responsable des programmes d'Amazon Watch, qui travaille avec les peuples autochtones du bassin amazonien, Christian Poirier a répondu à nos questions à l'occasion de l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil.

Paris Match. L’élection de Jair Bolsonaro est-elle la pire chose qui soit arrivée aux peuples d’Amazonie ? 
Christian Poirier. Oui, le peuple de Raoni -les Kayapo- ainsi que tous les peuples autochtones du Brésil sont en danger, menacés par la future administration de Jair Bolsonaro. On peut même dire que c’est la première fois depuis la fin de la dictature militaire de 1985 qu’ils le sont autant. Tous les projets qu’envisage M. Bolsonaro tendent à réduire à néant l’existence de ces familles. Depuis le début, il n’a cessé de donner des discours ultra-violents à leur égard, de crier des phrases racistes et choquantes. On va assister à une impunité de l’État face aux activités qui pourraient menacer voire détruire les terres indigènes.

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Quelles sont les peurs des autochtones ?
Jair Bolsonaro compte supprimer la «Démarcation» des terres indigènes pour les exploiter à des fins industrielles sans même consulter les peuples d’Amazonie. Il a dit qu’il s’y trouvait une immense richesse qu’il fallait à tout prix exploiter (le minerai, ndlr). Avec la suppression de ce droit inscrit à la constitution brésilienne, les terres indigènes vont bientôt être sujettes à de grands projets industriels qui pourraient provoquer de violents conflits entre ses occupants et ses futurs conquérants. Il a également déclaré qu’il souhaitait développer la construction de barrages hydroélectriques sur le même modèle que celui de Belo Monte . Par exemple, sur le fleuve Tapajos, le gouvernement veut bâtir plusieurs centrales sans consulter les peuples Munduruku qui en dépendent. C’est terrible ! L’industrie du soja va elle aussi considérablement perturber la vie des autochtones, avec l’arrivée d’hidrovias (l’utilisation des fleuves pour faire passer les paquebots, ndlr), ainsi que la construction de chemins de fer pour transporter les cultures.

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Christian Poirier et le Cacique Raoni.
Christian Poirier et le Cacique Raoni. © DR

Que pourrait légiférer M. Bolsonaro pour déstabiliser les indigènes ?
La constitution de 1988 protège les terres et le mode de vie des autochtones. Cet ensemble pourrait être détruit par un gouvernement qui ne reconnaît pas le droit des peuples, tout comme leurs cultures, leurs terres, leurs ressources. Surtout que Jair Bolsonaro a le pouvoir discrétionnaire. Au niveau politique, il envisage de mettre fin aux battues forestières qui visent à détecter toutes les activités forestières illégales. Il veut aussi fusionner le ministère de l’Environnement avec le ministère de l’Agriculture. Cela va forcément avoir un impact très grave sur les peuples qui vivent dans la forêt amazonienne. Tout le travail de contrôle va disparaître et laisser encore plus de liberté aux mafias de s’implanter.

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Le mouvement autochtone est très puissant au Brésil

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Comment Jair Bolsonaro a-t-il pu être élu avec son étiquette de climatosceptique alors que le Brésil contient sur son territoire les 3/5èmes du poumon vert de la planète, l’Amazonie ? 
À l’inverse des Américains, les Brésiliens sont conscients de l’existence du changement climatique. Mais les questions environnementales ont peu été abordées dans l’élection. Elles ont été laissées de côté par les débats centrés sur les problèmes économiques et sociétaux du pays. Beaucoup de Brésiliens s’estiment en insécurité. C’est notamment en jouant les Trump sur ce dernier point que M. Bolsonaro a pu séduire ses électeurs tout en continuant à délivrer, sans se cacher, des messages de haine envers les peuples indigènes d’Amazonie.

Des autochtones d'Amazonie.
Des autochtones d'Amazonie. © DR

Grâce à sa volonté de supprimer la Démarcation des terres autochtones, Jair Bolsonaro a également pu compter sur le soutien des industriels comme des Ruralistes. Ces derniers représentent un groupe de politiciens très conservateurs qui soutiennent l’agro-industrie au sein du Congrès. On y trouve des producteurs de soja ou des éleveurs de bétail par exemple. Ils veulent tous avoir accès aux terres indigènes pour répandre leur production et ainsi développer leurs entreprises.

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Une résistance va-t-elle se mettre en place suite à cette élection ?
Le mouvement autochtone est très puissant au Brésil. Depuis plusieurs années, il existe des plans de résistance face aux gouvernements brésiliens. Dans les rues, devant les parlementaires, à l’étranger, les indigènes ont déjà beaucoup crié pour revendiquer leurs droits face à des politiciens qui les considèrent comme des moins que rien. Les peuples indigènes ont aussi mené des partenariats avec des associations de protection de l’environnement et des droits humains comme Amazon Watch ou Planète Amazone. Tous ces efforts vont être renouvelés pour éviter des scénarios catastrophes liés pour la plupart aux conséquences du réchauffement climatique. Car oui, les Kayapo ou leurs voisins subissent les changements directs causés par l’agro-industrie, qui ravage et pourrit leurs terres.

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