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Le patrimoine de l'État est en chute libre depuis dix ans

Les ouvrages de génie civil (routes, ouvrages d'art... ici le viaduc de Millau) représentent environ 630 milliards d'euros d'actifs. PASCAL PAVANI/AFP

LE SCAN ÉCO - En dix ans, la valeur du patrimoine net des administrations publiques est passée de 57% à 8% du PIB, selon un rapport de l'association Fipeco, présidée par François Ecalle. Si les actifs de l'État ont globalement stagné, la gestion de la dette ressemble à une fuite en avant.

L'État joue-t-il à la cavalerie avec ses finances? C'est la question qu'est amené à se poser le lecteur du dernier rapport de l'association Fipeco («Finances publiques et économie»), un site d'information animé par François Ecalle, ancien conseiller maître à la Cour des comptes. Dans son étude, le haut fonctionnaire en disponibilité retrace l'évolution du patrimoine des administrations, en le comparant à la dette publique, pour obtenir une image fidèle de la richesse réelle de l'État et des collectivités. Le bilan est inquiétant, le solde étant passé de 58% du produit intérieur brut en 2007... à 8% l'année dernière.

La dette représente en fait... 137% du PIB

Le document redéfinit d'abord les actifs et passifs des administrations publiques. La dette publique au sens du traité de Maastricht atteignait 2258 milliards d'euros à la fin de 2017 (98,5% du PIB), mais ne prend pas en compte certains passifs comme les charges de court terme. En les ajoutant, on obtient un engagement financier total de 3145 milliards d'euros, soit 137% du PIB. Si l'on consolide les dettes entre administrations, on redescend à 122% du PIB. Contrairement à d'autres pays comme les États-Unis, les experts de la fonction publique française ne comptabilisent pas les engagements financiers sur les retraites à venir comme une dette. Ils feraient d'ailleurs exploser les ratios...

En ce qui concerne les actifs financiers, on trouve 1308 milliards d'euros dans les caisses publiques. Une somme qui représente 57,1% du PIB et se compose essentiellement des participations publiques et des créances, dont les produits à venir (dans l'année) des impôts et cotisations. C'est l'État qui détient la majeure partie de ces actifs (51%), avec les administrations de la sécurité sociale qui en possèdent tout de même 35%, notamment via les fonds des régimes de retraite.

La différence entre la dette publique et les actifs financiers s'élève donc à 1837 milliards d'euros, et correspond aux engagements financiers nets de l'État. Une somme équivalant à 80% du PIB, quand la moyenne de la zone euro est à 68% et celle de l'Union européenne, un peu plus vertueuse, à 64%. La France fait un score comparable à celui du Royaume-Uni ou de la Belgique. La dette nette de l'Italie, mauvaise élève, atteint 120% du PIB, alors que la Suède est le pays le plus sain financièrement, avec un solde positif (actifs financiers nets représentant 20% du PIB).

L'État préfère s'appauvrir que réduire ses dépenses

Il faut toutefois, pour atteindre une image fidèle de la situation financière du pays, ajouter les actifs non financiers de l'État et des autres administrations publiques. Il s'agit principalement des terrains bâtis (39%), des routes et ouvrages de génie civil (31%), des bureaux et des bien immatériels, comme des droits de propriété intellectuelle ou artistique. À noter cependant, le patrimoine historique et les espaces naturels sont valorisés à un prix égal à zéro. Considérés comme incessibles et inestimables, les comptables ne perdent pas de temps à les estimer. Cela signifie que l'État n'envisage pas de vendre Versailles en cas de difficulté financière, et c'est heureux. Pour le reste, toute possession publique peut être vendue en cas de problème, c'est-à-dire privatisée, et est comptabilisée comme un actif.

Et la manne des actifs non financiers s'élève ainsi à 2028 milliards d'euros. En ajoutant cette somme à la dette nette, on obtient le timide solde positif de 191 milliards d'euros, soit 8% du PIB. C'est tout ce qu'il resterait (en plus des châteaux et des forêts) si l'État choisissait d'affronter ses créanciers... Une mise en perspective inquiétante pour l'avenir, car ce patrimoine ne fait que baisser depuis une dizaine d'années. Après avoir évolué autour de 30% sur la décennie 1995-2005, il avait atteint un record de 58% du PIB en 2007.

Pour Fipeco, c'est surtout l'évolution de la dette qui est responsable de cet amaigrissement, les actifs ayant stagné sur la période 2007-2017. Bien sûr, la conjoncture a ses effets, positifs et négatifs. Mais la fonte du patrimoine net de l'État s'est accompagnée d'une hausse globale de la fiscalité et du budget public, sous les mandats de Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron. La plongée du patrimoine net montre donc que la dette a été utilisée pour couvrir le glissement continu des dépenses.

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