“Tout est démesuré dans le procès Guzmán. Bien que son surnom en espagnol signifie ‘Le Courtaud’, l’accusé est un personnage immense, décrit dans les documents judiciaires comme le plus grand criminel du XXIe siècle”, observe le New York Times.

Les services du procureur de New York ont réuni une montagne de preuves contre le narcotrafiquant : quelque 300 000 pages de documents, 117 000 enregistrements audio, ainsi que des centaines de photos et vidéos.

“Ce sera un procès historique”, renchérit la chaîne mexicaine Televisa, “l’un des plus médiatiques, sans doute le plus attendu depuis longtemps par le gouvernement américain, la presse et l’opinion publique, du fait de l’intérêt que suscite, au-delà des frontières de son pays, la vie de ce Mexicain de petite taille – d’où son surnom – aux cheveux noirs et à l’air, à première vue, inoffensif”.

Guzmán, 61 ans, est notamment poursuivi pour trafic de drogue, possession d’armes à feu et blanchiment d’argent. Il est accusé d’avoir expédié aux États-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne – auxquelles il faut ajouter héroïne, métamphétamine et marijuana – pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars, lorsqu’il dirigeait le cartel de Sinaloa de 1989 à 2014. Les procureurs affirment également être en mesure de prouver qu’il a commandité au moins 37 assassinats, même s’il n’est pas inculpé de meurtre.

Le procès prenait de telles proportions que l’accusation a même décidé, en octobre, “de supprimer 6 des 17 chefs d’accusation […] pour réduire la durée du procès et pour faciliter la préparation des avocats” de la défense, précise le journal Noroeste. Même ainsi, “le procès devrait coûter autour de 50 millions de dollars – le plus cher de l’histoire américaine – et pourrait durer environ quatre mois”, ajoute le quotidien de Sinaloa.

“C’est comme s’il y avait six procès en un”

Le procès s’ouvrira avec la sélection du jury, dont les membres, sous protection policière permanente, resteront anonymes. Le processus devrait durer une dizaine de jours, à l’issue desquels commenceront les témoignages et plaidoiries.

“Les procureurs ont refusé de révéler l’identité de ses témoins, pour certains d’anciens collaborateurs d’‘El Chapo’ liés à son réseau présumé de narcotrafic, ou d’anciens rivaux, pour éviter les représailles de Guzmán à leur encontre”, souligne Televisa.

Mais des “sources fédérales” américaines ont déclaré au quotidien colombien El Tiempo que le FBI avait notamment obtenu les témoignages de parrains colombiens extradés “pour s’assurer que le grand jury condamne l’insaisissable mafieux mexicain à la perpétuité”. Pour le ministère américain de la Justice, poursuit le journal, “ce procès est une question d’honneur car cela fait trente ans qu’ils traquent le chef du cartel de Sinaloa”.

Le transport quotidien de Guzmán de la prison au tribunal, sous haute sécurité, fait aussi l’objet de nombreuses spéculations. Ses précédentes comparutions avaient entraîné la fermeture temporaire du pont de Brooklyn – un cauchemar pour les automobilistes. Un transport par hélicoptère ou par bateau présentant des risques d’évasion, “il semblerait maintenant qu’une cellule spéciale ait été préparée pour Guzmán dans les tréfonds du tribunal de Brooklyn”, croit savoir la chaîne ABC.

Même l’avocat d‘ “El Chapo”, Jeffrey Lichtman, qui a pourtant l’habitude des procès hors norme – il avait obtenu en 2005 un non-lieu pour le célèbre mafieux John Gotti Jr. –, affirme dans New York Magazine n’avoir jamais vu “quoi que ce soit de comparable – c’est comme s’il y avait six procès en un”. Et d’ajouter : “C’est probablement vingt fois plus gros que Gotti. Et Gotti, c’était énorme. Énorme.”