
L’Europe a fini par mettre ses menaces à exécution : elle a infligé des mesures de rétorsion à trois Etats défaillants dans la lutte contre la pêche illégale. Le Belize, le Cambodge et la Guinée se voient interdire à partir du 24 mars la possibilité d’exporter leurs poissons dans l’Union, tandis que les navires européens n’ont plus le droit d’aller pêcher dans leurs eaux territoriales.
C’est la première fois, depuis le vote d’un règlement sur la pêche en eau profonde en 2008, qu’une telle démarche de l'Europe aboutit à des sanctions effectives. Le marché communautaire étant l’un des principaux du monde, les menaces de Bruxelles ne sont pas sans conséquences. «Ces décisions sont historiques, s'est réjouie Maria Damanaki, la commissaire chargée de la pêche. Elles montrent que l’Union européenne est chef de file et donne l’exemple dans la lutte contre la pêche illégale. Selon moi, les citoyens européens doivent savoir que le poisson qu’ils consomment est pêché de façon durable, quelque soit son origine.»
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CARTONS JAUNES POUR LA CORÉE DU SUD ET LE GHANA
Le Belize, le Cambodge et la Guinée n’ont pas été pris par surprise : leur mise à l’index intervient à l’issue d’un long processus, émaillé de plusieurs rappels à l’ordre de la part de Commission. Celle-ci indique au demeurant que le dialogue n’est pas rompu et que les mesures pourraient être levées si ces Etats consentaient à des efforts pour lutter contre la pêche illicite et non-déclarée et contre une distribution laxiste des pavillons de complaisance aux bateaux de pêche.
Aux côtés de ces trois premiers pays sanctionnés, figuraient sur une première liste noire Fidji, le Panama, le Togo, le Sri Lanka et Vanuatu, à qui Bruxelles avait adressé un carton rouge en novembre 2012. Ces cinq-là ont, semble-t-il, montré qu’ils avaient réalisé des efforts significatifs pour redresser la situation. Un autre groupe a été averti qu’il devait s’améliorer : il s’agit de la Corée du sud, du Ghana et de Curacao, un petit Etat autonome des Antilles, qui ont reçu des « cartons jaunes » en novembre 2013 pour leur manque de coopération.
Si l’Europe se veut le fer de lance de la lutte contre les pratiques illégales dans la pêche, c’est que celles-ci ont des impacts ravageurs sur la ressource. L'activité de bateaux pirates met en péril l’économie de pays qui ne sont pas armés pour défendre leurs côtes. Menées en dehors d’accords bilatéraux, leurs campagnes de pêche déstabilisent grandement les communautés des artisans et des mareyeurs locaux.
15% DE LA PÊCHE MONDIALE
Mais Bruxelles agit aussi pour défendre l’intérêt de ses propres flottilles contre cette concurrence déloyale. De 11 à 26 millions de tonnes de poissons seraient capturés illégalement chaque année, selon les services de Mme Damanaki, ce qui représenterait un marché de 10 milliards d’euros, soit environ 15 % de la pêche mondiale.
Vouloir réglementer les pratiques illicites autour du globe tient néanmoins de la gageure. Fin 2013, par exemple, le Holland Klipper avait débarqué sans encombre dans le port de Busan, au sud de la Corée, pour y écouler une cargaison de poisson suspectée d’être illégale et évaluée à plus de 10 millions d’euros. Ce navire de 4 000 tonnes, qui avait changé plusieurs fois de nom et battait pavillon néerlandais, avait été repéré par l'ONG Environmental Justice Fondation au large de la Guinée et du Sierra Leone. Une fois l'affaire révélée, les autorités sud-coréennes avaient été contraintes d'annoncer le lancement d’une enquête.
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