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Les pays qui pêchent en mer méditerranée, rassemblés à l'occasion de la réunion annuelle de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) ont pris la décision historique d'adopter une proposition de l'Union européenne portant sur le renforcement de l'interdiction régionale du « finning » (gaspillage qui consiste à découper les nageoires d'un requin et à rejeter sa carcasse à la mer).

Les requins souffrent de leur mauvaise réputation au point qu'ils sont, eux aussi, au bord de l'extinction. Chaque année, entre 26 à 73 millions de requins sont tués dans le monde pour faire vivre le marché mondial des ailerons de requin (« shark finning »). Là encore tout est une question d'argent : même si le prix des ailerons de requins a fortement diminué en quelques années, ils peuvent encore se vendre environ 300 $ le kilo et bien davantage pour certaines espèces plus recherchées.

Le finning est une pratique cruelle et inutile qui consiste à pêcher des requins (mais également des raies) pour leur couper uniquement les ailerons et nageoires. Ceux-ci serviront à la préparation de soupes aux ailerons de requin, populaires dans la préparation de plats de fête asiatiques. Les animaux, amputés, sont ensuite rejetés en mer où ils coulent et agonisent lentement de suites hémorragiques et d'asphyxie.

Et pourtant, des mesures politiques nationales pour le maintien des nageoires attachées ont été imposées non seulement dans l'UE, mais aussi aux États-Unis, au Canada, dans la plupart des pays d'Amérique latine et dans de nombreux pays pêchant dans les océans Indien et Pacifique. Des obligations internationales pour le maintien des nageoires attachées ont été adoptées par deux organisations régionales de gestion de la pêche qui se concentrent essentiellement sur les poissons de fond : la Commission des pêches de l'Atlantique nord-est (2014) et l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest (2016). Pendant près d'une décennie, les propositions visant à interdire l'enlèvement des nageoires de requins en mer qui ont été introduites au niveau de la CICTA ont reçu le soutien de la majorité des Parties, dont l'Albanie, l'Algérie, la Tunisie, l'Égypte, la Fédération de Russie et la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest. Ce soutien s'est cependant avéré insuffisant (jusqu'ici) pour contrer l'opposition du Japon.

La moitié des requins et raies de Méditerranée sont en danger d'extinction

Entre 2012 et 2016, plus de 70 000 tonnes de raies et de requins ont été officiellement pêchés et déclarés en Méditerranée, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Or, d'après l'évaluation 2016 de la Liste Rouge des requins, raies et chimères de la Mer Méditerranée, au moins 53 % d'entre elles sont en danger d'extinction. Pire : au cours de la dernière moitié du siècle, 13 espèces sont devenues localement éteintes à divers endroits en Méditerranée.

L'heure est donc à l'urgence afin de conserver l'intégrité de leurs populations et de leurs habitats, l'interdiction de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) y répond en partie.

Si le finning est officiellement interdit dans l'Union Européenne depuis 2003 et ne souffre plus aucune exception depuis 2012, nombre de pays qui pêchent en Méditerranée ne sont pas membres de l'UE. C'est pourquoi, l'engagement de tous les pays membres de la CGPM (UE + Albanie, Algérie, Bulgarie, Chypre, Croatie, Égypte, Grèce, Israël, Japon, Liban, Libye, Malte, Monaco, Monténégro, Maroc, Roumanie, Slovénie, Syrie, Tunisie et Turquie) est le bienvenu, alors qu'une centaine de pays dans le monde se sont officiellement prononcés contre la découpe des ailerons de requins.

Ainsi, cette nouvelle mesure politique impose que tous les requins soient débarqués sur terre avec les nageoires naturellement attachées à leurs corps, comblant ainsi les failles qui peuvent conduire à des cas de finning non détectés lors des contrôles.

Explications : l'autorisation de l'enlèvement des nageoires en mer et de leur stockage séparé des carcasses complique la mise en œuvre de l'interdiction du finning qui peut être alors camouflé. "l'interdiction actuelle repose sur un ratio compliqué et libéral de 5% du poids de la nageoire par rapport au corps, qui peut créer une marge de manoeuvre pour un aileron non détecté. En raison de ces difficultés d’application, au-delà de certaines violations flagrantes, nous ne pouvons pas savoir avec certitude l'ampleur de la mise en vente ni si le taux est significatif." nous explique Sonja Fordham, porte-parole de Shark Advocates International.

Ainsi, le fait d'imposer le débarquement des requins avec leurs nageoires attachées rend impossible tout « écrémage » (c'est-à-dire le mélange de carcasses et de nageoires provenant de requins différents), toute confusion entre les espèces de requins et toute incertitude sur le poids des requins tués (on considérait que le poids de la nageoire était équivalent à 5 % du poids total du requin, ce qui est très discutable suivant les espèces).
. Étant donné que l'espèce d'un requin est bien plus facile à identifier si ses nageoires restent attachées, ces mesures facilitent également la collecte de données essentielles sur les captures de requins.

Quand les plongeurs se mobilisent pour les océans

Ces avancées ont notamment été possibles grâce à la communauté des plongeurs qui aspirent à des spots de plongée propres et riches en biodiversité. En témoigne le Project AWARE, un mouvement en plein essor de plongeurs engagés dans la protection de nos océans : "en tant que plongeur vous pouvez jouer un rôle essentiel dans le sauvetage des requins. Ensemble, nous pouvons, en effet, être une puissante voix collective qui veille à préserver les requins de la surexploitation, notamment l'excès de pêche, la pêche accidentelle et la pêche aux ailerons de requins (finning)." indique le site web du projet AWARE.

Avec l'appui d'autres associations, la Shark League of the Atlantic and Mediterranean a été créée pour promouvoir des politiques régionales responsables en matière de conservation des raies et des requins.

« Des interdictions du finning qui peuvent réellement être appliquées constituent la pierre angulaire d'une gestion responsable de la pêche au requin, et les pays méditerranéens donnent un excellent exemple que pourront suivre d'autres régions du monde », indique Sonja Fordham de Shark Advocates International. « Nous allons maintenant nous intéresser à l'Atlantique, étant donné que les gestionnaires de la pêche thonière envisagent d'adopter cette pratique optimale des nageoires attachées dans les grandes pêcheries qui affectent des millions de requins océaniques. »

Cette interdiction complète de l'enlèvement des nageoires de requins en mer est la première de ce genre imposée par une organisation internationale chargée de questions halieutiques et engagée dans la protection de nombreuses espèces de requins pélagiques, dont les requins-taupes bleus.


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Questions / réactions (3)


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Christophe Magdelaine Christophe MagdelaineAuteurIl y a 5 ans

@ Dimitri : merci beaucoup pour votre coup d'oeil, c'est corrigé !

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Dimitri DimitriIl y a 5 ans
Une petite correction : en titre sur la page des articles et le titre en haut de l'article, il manque un "u" à requin.
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Reith ReithIl y a 5 ans

ils y ont mis du temps : ça devrait être impératif cette EUROPE ça ne sert qu'au blabla...

Y aura t il assez de fonctionnaires - des vrais, des fonx d'ETAT- pour lutter conte les fraudeurs sachant qu'en face de la France il y a le Maghreb où l'on ne respecte strictement rien avec des dictateurs et des gouvernements fantoches qui manipulent une secte emplie de superstitions pour garder le pouvoir...

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