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PAKISTAN

Acquittée mais toujours emprisonnée, le calvaire sans fin d'Asia Bibi

Acquittée par la Cour suprême d’une accusation de blasphème le 31 octobre, Asia Bibi est aujourd’hui contrainte de rester en prison. En cause : un accord passé entre le gouvernement et les islamistes, qui ont bloqué le pays durant trois jours.

Un manifestant tient une pancarte avec le portrait barré d'Asia Bibi, durant une manifestation contre le jugement de la Cour suprême.
Un manifestant tient une pancarte avec le portrait barré d'Asia Bibi, durant une manifestation contre le jugement de la Cour suprême. Aamir Qureshi, AFP
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Cinq jours après son acquittement par la Cour suprême pakistanaise, le sort d’Asia Bibi reste encore incertain. La chrétienne, condamnée à mort pour blasphème contre l’islam en 2010, est toujours en prison.

Après trois journées de manifestations monstres dans le pays, le gouvernement a entendu les revendications des islamistes et a interdit à Asia Bibi de quitter le pays. France 24 fait le point.

Qui est Asia Bibi ?

Chrétienne originaire de la province du Pendjab, dans le centre du Pakistan, Asia Bibi est mère de quatre enfants. Illettrée, rien ne la prédestinait à devenir un symbole de la défense des droits des minorités religieuses dans le pays.

L’affaire commence en 2009. Alors qu'Asia Bibi travaille aux champs, deux femmes musulmanes refusent de partager un verre d'eau avec elle, invoquant des motifs religieux. Une dispute éclate. Quelques jours plus tard, ces femmes relatent l'affaire à un imam local qui accuse alors la chrétienne d'avoir "insulté" le prophète, ce qu'elle a toujours nié. Le religieux se tourne vers la police, qui mène l’enquête. La justice finira, en 2010, par condamner Asia Bibi pour blasphème.

Ce sera la pendaison. Une première pour une femme pakistanaise. Rejetant cette accusation, Asia Bibi fait plusieurs fois appel de cette décision, sans succès. En 2014, elle dépose un recours auprès de la Cour suprême.

Que décide la Cour suprême ?

Le 31 octobre, après une procédure de près de quatre ans, la Cour suprême pakistanaise déboute la condamnation à mort, estimant qu’Asia Bibi n’avait rien à se reprocher. "La condamnation est annulée. Elle est acquittée de toutes les charges et, sauf si d'autres charges pesant contre elle le requièrent, elle va être relâchée immédiatement", déclare le président de la Cour suprême, Saqib Nasir, qui siégeait avec deux autres juges pour cet appel.

>> À lire aussi : La Cour suprême du Pakistan acquitte la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème

Lorsqu'il rend son jugement, Saqib Nasir cite le Coran, selon lequel "la tolérance est le principe de base de l'islam", et ajoute que la religion condamne l'injustice et l'oppression.

Cette décision déclenche rapidement la colère d'une formation islamiste radicale, Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), qui organise des manifestations dans les grandes villes du pays, tout en appelant ses partisans à assassiner les trois juges qui ont annulé la condamnation à mort d'Asia Bibi. Durant trois jours, des manifestations monstres bloquent les grandes villes pakistanaises. Le gouvernement cède et finit par conclure un accord avec les islamistes.

Que contient l’accord entre le gouvernement et les islamistes ?

Après avoir défendu le jugement de la Cour suprême, le gouvernement d’Imran Khan négocie avec le TLP dans la nuit du 2 au 3 novembre. Aux termes d'un texte en cinq points, le gouvernement s'engage à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire pakistanais et à ne pas bloquer une requête en révision du jugement d'acquittement initiée par un religieux du nom de Qari Salam.

La requête a été déposée le 1er novembre auprès des autorités compétentes à Lahore, a déclaré à l'Agence France Presse (AFP) son avocat, Chaudhry Ghulam Mustafa. "Nous craignons qu'Asia Bibi soit emmenée à l'étranger et avons donc demandé à la Cour que le cas soit auditionné rapidement", a-t-il expliqué.

>> À lire aussi : Loin du Pakistan, le délit de blasphème existe aussi en Europe

"Nous allons nous battre et exploiter tous les recours légaux pour nous assurer qu'elle soit pendue, conformément à la loi", a-t-il ajouté.

"Le gouvernement n'aurait jamais dû passer un tel accord", a déploré Ashiq Masih, le mari d'Asia Bibi interrogé par la radio allemande Deutsche Welle. Il y voit une tentative de "faire pression sur la justice". Le 4 novembre, la Commission des droits de l'Homme pakistanaise s'est dite "consternée" par l'"incapacité du gouvernement à protéger l'État et le caractère sacré de la loi", qualifiant l'accord signé avec les islamistes de "mascarade" après le jugement "historique" de la Cour suprême.

"Personne ne doit avoir l'impression erronée que l'État ferme les yeux sur le comportement" des extrémistes, a mis en garde le ministre de l'Information, Fawad Chaudhry. "L'État n'ignorera pas la rébellion", a-t-il tonné devant la presse.

Que va devenir Asia Bibi ?

Asia Bibi, actuellement incarcérée à Multan (centre), devra dans l'immédiat demeurer soit en prison, soit dans un autre endroit sûr en attendant que la requête soit examinée, a estimé pour sa part l'avocat de la quinquagénaire, Saif-ul-Mulook, interrogé par l'AFP.

Ce dernier a trouvé refuge aux Pays-Bas après avoir été menacé par des islamistes, a annoncé, lundi 5 novembre, l'Association pour les chrétiens persécutés, un groupe néerlandais.

De son côté, le mari d'Asia Bibi réclame l'asile pour sa famille. "[Cette dernière] demande l'asile aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada", a affirmé Wilson Chowdhry, le président de l'association des chrétiens pakistanais de Grande-Bretagne, qui aide Asia Bibi et sa famille depuis des années.

"Ces pays ont les plus grandes communautés de chrétiens pakistanais", a-t-il expliqué. Ces pays sont également anglophones, une langue qu'apprennent les filles d'Asia Bibi, mais qu'elle-même et son mari ne parlent pas.

Avec AFP, Reuters

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