L'histoire de Marius Kolaïe, Kanak exposé dans un zoo humain

Carte postale représentant Marius Kaloïe au jardin d'Acclimatation
Carte postale représentant Marius Kaloïe au jardin d'Acclimatation
Marius Kaloïe, Kanak exhibé dans un zoo humain
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L'histoire de Marius Kolaïe, Kanak exposé dans un zoo humain

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portrait | "Connaître l'histoire de Marius, c'est comprendre comment s'est fabriqué le racisme en France." Marius Kaloïe a 21 ans quand il est exhibé dans un zoo humain, au jardin d'Acclimatation en 1931. Voici son histoire.

En 1931, Marius Kaloïe est exhibé comme un sauvage cannibale à Paris. Il vient de Nouvelle-Calédonie, il a 21 ans. Voici son portrait, à partir d'archives sonores, photographiques et cinématographiques de 1931. 

Pavillon de la Nouvelle-Calédonie à l'Exposition coloniale internationale de 1931
Pavillon de la Nouvelle-Calédonie à l'Exposition coloniale internationale de 1931
- ©ADCK-CCT

Des dizaines d’hommes, de femmes, d’enfants kanaks sont montrés dans des zoos humains entre 1867 et 1931, recrutés par des “imprésarios” qui les exploitent. Ils viennent en bateau jusqu’à Marseille. Plusieurs meurent pendant la traversée. Marius croit qu’il va présenter les colonies à l’Exposition coloniale internationale de Vincennes. En réalité, il sera exhibé comme un animal au Jardin zoologique d’Acclimatation, présenté comme “sauvage polygame et cannibale”. Il doit s’exprimer en dialecte, alors qu’il parle français. Il doit danser, chanter, creuser de fausses pirogues, vivre dehors par tous temps, peu habillé, isolé, humilié. Des milliers de Parisiens horrifiés paient pour observer ceux qu’ils voient comme des bêtes préhistoriques. Face au succès parisien, une partie de la troupe de Kanaks part en “tournée” dans des zoos allemands. Ils revendiquent le fait de rentrer à Paris, soutenus par une contestation qui monte :

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Affiche anti-colonialiste du PC
Affiche anti-colonialiste du PC
- BNF / Gallica

Parti communiste, Ligue des droits de l’Homme, mais aussi un journaliste d’extrême-droite, indigné du sort réservé à des hommes décorés de la Première Guerre mondiale. 

Ces fauves bestiaux s’appellent Elisée, Jean, et même Marius.                      
Alain Laubreaux, “Une heure chez les mangeurs d’hommes” Candide

Les Kanaks ne sont plus exhibés comme des cannibales au zoo, mais comme des preuves des bienfaits de la colonisation, au Pavillon français de l’Exposition coloniale de Vincennes. En juillet 1932, ceux qui ont survécu peuvent rentrer chez eux. Tous, sauf Marius, tombé amoureux d’une jeune Française. Ils s’aiment, se marient, ont une petite fille. Un an plus tard, Marius meurt dans un accident. 

En 1945, les Kanaks passent du statut d’“indigènes” à celui de citoyens “autochtones”. 

En 1984, Le Figaro relate les violences en Nouvelle-Calédonie, empreint de cet imaginaire raciste : “Le gouvernement français laisse 40 000 Blancs (...) à la merci d’une poignée de sauvages. C’est tout juste si les Canaques ne font pas déjà chauffer la marmite.” 

Sylvette, la fille de Marius, n’apprend qu’à 40 ans qui est son père. Elle fait rapatrier la dépouille de Marius en Nouvelle-Calédonie, sa terre natale. 

Connaître l’histoire de Marius, c’est comprendre de manière limpide comment s’est fabriqué le racisme en France.”, commente Pascal Blanchard, historien, directeur de l'ouvrage collectif Zoos humains (La Découverte, 2002), et co-réalisateur du documentaire Sauvages. Au cœur des zoos humains (Arte, 2018). 

Carte postale représentant Marius Kaloïe au jardin d'Acclimatation
Carte postale représentant Marius Kaloïe au jardin d'Acclimatation
- Collection personnelle de Sylvette Kaloïe
La Grande table (2ème partie)
34 min