«Un marin n’abandonne pas des gens en mer» : sur la Route du Rhum, un soutien aux migrants
Privé de pavillon, l’«Aquarius», qui vient en aide aux migrants en Méditerranée, a reçu le soutien de plusieurs marins de la Route du Rhum.
Barbe de trois jours, les cheveux gris en bataille, Kito de Pavant, 57 ans, est un homme en colère. Non pas en raison de ses premières heures de navigation sur la Route du Rhum - le skipper de Made in midi pointait lundi dans le haut du classement des Class 40 - mais à cause de la situation des migrants. « J'en ai assez de ces discours imbéciles que j'entends depuis quelques mois, ça me paraît complètement dingue qu'on puisse imaginer laisser ces migrants en Méditerranée, peste-t-il. Je ne supporte pas qu'on puisse empêcher une association de venir en aide à des personnes qui sont en difficulté en mer. La Méditerranée, c'est notre jardin, on la partage avec ces gens qui fuient leur pays, on a une responsabilité. Un marin n'abandonne pas des gens en mer. »
Kito de Pavant, qui lors du convoyage de son bateau de la Méditerranée vers Saint-Malo a croisé trois embarcations de fortune chargées de migrants qui tentaient de joindre l'Europe, n'est pas le seul marin de la Route du Rhum à prendre position. Il y a quelques mois, François Gabart est devenu le parrain de SOS Méditerranée. Dans leur sillage, Alexia Barrier, Isabelle Joschke, Thibaut Vauchel-Camus, Romain Pilliard et Luke Berry ont décidé de soutenir l'« Aquarius », privé de pavillon. « On ne peut pas fermer les yeux, insiste Kito de Pavant. Il faut profiter de l'audience de cette Route du Rhum pour porter un message. On est marin, mais on est aussi terrien. »
«Pourquoi fermer les yeux quand il s'agit de migrants ?»
À Saint-Malo, le skipper a invité sur son bateau des marins sauveteurs de l'« Aquarius ». « Une vraie solidarité maritime, estime Tugdual, de SOS Méditerranée. Dans l'attente d'un pavillon, l'« Aquarius » (NDLR : amarré à Marseille) ne navigue pas. Il n'y a aucun témoin de ce qui se passe en Méditerranée centrale. Des migrants continuent de tenter la traversée sur des bateaux en bois, des zodiacs sur lesquels ils s'entassent. Si personne n'est là pour sauver une embarcation en perdition, ces gens vont se noyer. C'est inadmissible qu'il y ait des morts. »
« On a tous eu l'occasion de naviguer dans ces zones en Méditerranée et à quelques centaines de milles de nous, des personnes sont en train de mourir. On devrait être ouvert aux autres. Que la France ne soit pas leader dans ce domaine me paraît inconcevable », estime Romain Pillard, engagé sur l'Ultime Remate Use It Again. « Le mot d'ordre de cette Route du Rhum c'est la sécurité, poursuit Tugdual. Si un skipper est en difficultés, on ira le chercher. Pourquoi fermer les yeux quand il s'agit de migrants? » Depuis dimanche, Kito de Pavant traverse l'Atlantique avec le logo de l'association sur sa grand-voile. Son objectif est de rallier la Guadeloupe, tout en faisant passer « un message de solidarité ».