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Massacre de Thiaroye : « Monsieur Macron, réhabilitez la mémoire des tirailleurs sénégalais »

Fils d’un tirailleur tué le 1er décembre 1944, Biram Senghor en appelle au président français pour faire toute la lumière sur le drame.

Publié le 06 novembre 2018 à 11h03, modifié le 13 novembre 2018 à 14h46 Temps de Lecture 3 min.

Le cimetière militaire de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, où sont enterrés une partie des tirailleurs sénégalais tués par l’armée française le 1er décembre 1944.

Tribune. Monsieur le Président,

Agé de 80 ans et au soir de ma vie, je viens à vous pour enfin connaître toute la vérité sur les circonstances ayant entraîné la mort tragique de mon père et de ses compagnons d’infortune. Il est de l’impérieux devoir moral de la France que vous représentez de réhabiliter la mémoire des tirailleurs sénégalais tombés injustement à Thiaroye.

Le 6 novembre 2018, vous allez inaugurer un monument à Reims à la gloire des « Troupes noires » qui ont combattu avec courage durant les conflits mondiaux. Mon père, M’Bap Senghor, a rejoint le 6e RAC avec la mobilisation générale en 1939 et faisait partie de ces hommes qui se sont battus pour libérer la France. Fait prisonnier par les Allemands, il passa quatre longues années en captivité comme tant d’autres de ses frères d’armes venus des colonies et d’Afrique du Nord.

« Mort pour la France »

A la Libération, il a été renvoyé rapidement au Sénégal pour être démobilisé et retrouver sa femme et son fils qu’il n’a pas vu grandir. Mais mon père a été exécuté le 1er décembre 1944 lors du massacre de Thiaroye. Durant plus de 70 ans, les autorités françaises nous ont fait croire qu’il a été tué suite à une rébellion armée et qu’il était enterré dans une tombe anonyme du cimetière militaire de Thiaroye. C’est en 2014 que j’ai appris par le président Hollande, lors de son déplacement à Dakar, qu’en réalité mon père n’avait jamais été enterré dans une tombe et que l’endroit de sa sépulture demeurait inconnu. Par ailleurs, le président a reconnu qu’il n’avait pas perçu les sommes dues. Depuis les années 1970, je réclame des explications sur la mort de mon père avec le statut de pupille de la nation, en vain.

Désormais, avec l’avancée des connaissances historiques, il a été clairement établi qu’un récit officiel a été construit pour camoufler la spoliation des soldes de captivité, le massacre et le nombre de victimes et pour condamner des innocents.

J’ai donc adressé une requête au ministère de la défense puis des armées pour l’octroi de la mention « Mort pour la France », le remboursement des sommes dues et l’exhumation du corps de mon père. Mes courriers sont restés sans réponse alors que le ministère refuse toujours de désocculter un document caviardé et de rendre consultables des archives permettant notamment de connaître le lieu de la sépulture (fosses communes).

Crime et mensonge d’Etat

En 2018, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a été contraint de répondre après ma saisine du tribunal administratif de Paris. J’apprends que l’ONAC refuse toujours d’attribuer la mention « Mort pour la France » au prétexte, entre autres, que mon père aurait été un déserteur. Sa fiche signalétique produite après le massacre mentionne qu’il aurait été incorporé au 6e RAC le jour même du massacre, qu’il manquait à l’appel du 1er décembre, mais aussi à celui du 12 décembre 1944, selon un courrier du ministre des anciens combattants.

Les autorités ont menti depuis toutes ces années et, aujourd’hui, je considère indécent que l’administration réitère les mensonges avec la complicité d’« historiens » plus enclins à défendre l’honneur d’officiers compromis que de restaurer celui bafoué des combattants africains dont mon père.

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Aussi, je vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir tout mettre en œuvre afin d’exhumer le corps de mon père et de le réhabiliter, ainsi que tous ceux qui ont été victimes de ce crime et de ce mensonge d’Etat. Poursuivre l’obstruction à la manifestation de vérité sur un crime commis ne grandit pas la France.

Comptant sur votre détermination et avec mes plus vifs remerciements, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma plus haute considération.

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