Le mémorial des migrants, à Zarzis, en Tunisie. Crédit : InfoMigrants
Le mémorial des migrants, à Zarzis, en Tunisie. Crédit : InfoMigrants

Depuis plusieurs années, Mohsen, un retraité tunisien, poète à ses heures, a bâti dans sa propre maison un musée à la mémoire des migrants morts en mer. Les chaussures et effets personnels des naufragés sont exposés depuis des années au public pour sensibiliser au drame migratoire.

Mohsen se sent investi d’une mission. A l’écouter parler de sa vie, de son projet, on comprend que le retraité tunisien ne s’habitue pas au drame de la Méditerranée. Il ne s’habitue pas aux "morceaux de corps" retrouvés sur la plage de Zarzis, dans le sud de la Tunisie, à moins de 80 km de la Libye. Pour ne pas oublier ces noyés de la mer, Mohsen a donc commencé à collecter leurs vêtements, leurs sacs, leurs chaussures.

Au début, le projet était plus écologique, explique-t-il, "je ramassais les déchets rejetés par la mer, le plastique, puis petit à petit, j’ai trouvé d’autres choses…", explique-t-il en montrant des bouteilles abîmées, des centaines de paquets de cigarettes usagées ou encore des milliers de piles usagées. A partir des années 2000, Mohsen remarque que la mer rejette d’autres choses, des chaussures, des manteaux d’enfants, des tongs. Son projet écologique prend alors un "tournant migratoire et humanitaire".

Mohsen dans son musée à Zarzis. Crédit : InfoMigrantsMohsen assure faire la différence entre les déchets et les effets personnels ayant appartenu aux migrants. "Ce sont les restes des naufrages. Parfois, il y a des morceaux de corps dans les chaussures, de l’argent caché dans des semelles. J’ai aussi retrouvé des sacs remplis de maquillage et de documents", raconte-t-il."De plus, ces objets arrivent sur la plage au moment des vagues de départs depuis les côtes libyennes. Souvent, les dates concordent".

A l’intérieur de sa maison, Mohsen s’attarde plusieurs minutes sur les tongs qu’il a ramassées ces dernières années, "même pas des vraies chaussures", dit-il. "Je me dis que ces migrants ont embarqué sur des canots en tongs, qu’ils ont donc traversé le désert libyen en tongs, ils n’avaient même pas de quoi se chausser. Ça me fait beaucoup de peine".

Des tongs exposes dans le muse de Mohsen rcupres sur la plage Crdit  InfoMigrantsEn trente ans, la maison de Mohsen s’est donc peu à peu transformée en véritable musée. Au début, sa famille était plutôt réticente. "J'expose ce que je trouve dans la maison, ils n'étaient pas très contents, ça prend de la place", dit-il en souriant. "Mais très vite, ils ont vu que j'étais heureux de mener ce projet à bien. Ils m'ont soutenu".

Aujourd'hui, Mohsen ne voit pas comment il pourrait s'arrêter. "Chaque jour, je me dis que ces objets donnent une autre lecture de la crise des migrants. Qu’ils participent à dénoncer ce qu’il se passe en mer", explique-t-il. Son jardin aussi a été réquisitionné pour disposer les affaires retrouvées : on y trouve des gilets de sauvetage, des poupées d’enfants. "En tout, il y a 6 000 chaussures et vêtements ici", explique-t-il, en expliquant la disposition des objets. "Si ces personnes ne peuvent pas avoir de tombes, ils auront un lieu de mémoire".

Dans le jardin de Mohsen Crdit  InfoMigrants


 

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