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Publicis, Havas, Image 7... Ces communicants que l'Arabie saoudite paie à prix d'or

Depuis trois ans et l'avènement du prince héritier Mohammed ben Salmane, plusieurs agences parisiennes soignent l'image du royaume wahhabite en France. Des prestations qui prêtent à polémique mais s'avèrent très lucratives.

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Publicis (ici la principale actionnaire du groupe Élisabeth Badinter et Maurice Lévy) a bénéficié d'un contrat juteux avec Riyad en 2016 et 2017.

Publicis a bénéficié d'un contrat juteux avec Riyad en 2016 et 2017 (ici la principale actionnaire du groupe Élisabeth Badinter et Maurice Lévy).

PIERRE VERDY / AFP

800.000 euros. Selon nos informations, c'est la somme rondelette qu'a versée l'Arabie saoudite à l'agence Publicis pour un important contrat de relations presse en France en 2016 et 2017. Ce mastodonte de la com' parisienne, dont la principale actionnaire n'est autre que la philosophe, féministe et laïque, Élisabeth Badinter, était chargé de soigner l'image du royaume wahhabite dans l'Hexagone sur des sujets relatifs à la politique étrangère et la défense. Durant deux ans, Publicis a ainsi organisé des rencontres dans des palaces parisiens entre des journalistes et le ministre des Affaires étrangères, Adel al-Joubeir ou le porte-parole de la coalition au Yémen, Ahmed al-Asiri. Ou encore relayé des communiqués de la diplomatie saoudienne sur l'embargo contre le Qatar, la guerre au Yémen ou les ventes d'armes à destination de Riyad.

Fort de ces prestations, qui ont mobilisé à plein temps une demi-douzaine de consultants, le géant français de la communication a amassé un beau pactole. "Durant deux ans, Publicis a perçu entre 30.000 et 35.000 euros mensuels pour cette mission, indique un bon connaisseur du dossier. Cela fait partie des contrats de R&P (relations presse, Ndlr) et communication les plus lucratifs". Si ce dernier n'a pas été renouvelé à son échéance, en décembre 2017, Publicis continue toutefois de faire les yeux doux à l'homme fort du royaume, le prince héritier Mohammed ben Salmane ("MBS"), empêtré dans la sordide affaire Khashoggi. Le président du conseil de surveillance du groupe, Maurice Lévy, a ainsi déclaré le 30 octobre que, même s'il "surveille la situation", la filiale américaine de Publicis, Qorvis Communications, toujours sous contrat avec Riyad, continuerait de travailler pour l'Arabie saoudite.

"La politique de la chaise vide n'a jamais été la nôtre"

Maurice Lévy n'est toutefois pas le seul à faire preuve d'indulgence avec la généreuse monarchie sunnite. Le frère ennemi de la com' parisienne, Havas, est sur la même longueur d'onde comme le confie à Challenges son vice-président, Stéphane Fouks. "L'affaire Khashoggi ne remet pas en cause notre contrat avec l'Arabie saoudite. La politique de la chaise vide n'a jamais été la nôtre. Nous préférons être du côté des réformateurs et faire des choses utiles" affirme-t-il, comme si les quelques avancées sociétales initiées par "MBS" (autorisation de conduire pour les femmes, ouverture de cinémas...) pouvaient occulter le meurtre prémédité du célèbre dissident saoudien.

Depuis trois ans, la filiale de Vivendi est liée à la fondation MiSK du prince héritier Mohammed ben Salmane. Elle a ainsi organisé plusieurs événements pour promouvoir la jeunesse saoudienne et la Vision 2030, le plan qui vise à sortir le royaume de sa dépendance au pétrole. C'est également elle qui a été mandatée pour orchestrer un grand gala autour du méga projet touristique et archéologique Al-Ula lors de la venue de "MBS" en France en avril dernier.

Comme Publicis, Havas a pleinement tiré profit de l'avènement de Mohammed ben Salmane, dont l'ascension a été fulgurante depuis l'accession au trône de son père, le roi Salmane, en janvier 2015. Très soucieux de son image, le jeune prince héritier, 33 ans, a recouru ces trois dernières années à plusieurs dizaines d'agences à l'étranger et principalement aux États-Unis où Omnicom, deuxième plus important réseau d'agences de publicité et communication au monde, chapeaute une grande partie de sa com'.

Prolifération d'agences concurrentes

En France, outre Publicis et Havas, d'autres sociétés ont bénéficié de ce tropisme princier. Ainsi Image 7, l'agence de com' d'Anne Méaux, qui a conseillé François Fillon durant l'élection présidentielle de 2017, a effectué des missions pour la fondation MiSK. Elle a notamment été chargée de promouvoir la jeunesse et les femmes saoudiennes lors du Women's Forum et du salon Viva Technology qui ont eu lieu à Paris en 2017. Image 7 a également organisé le déplacement de trois journalistes, en Arabie saoudite en mars 2016, pour couvrir un exercice militaire important dans le nord-est du pays. Le contrat entre la société française et la fondation du prince a toutefois pris fin en juin dernier.

Il en a été de même pour l'agence Steele & Holt, cofondée par Sylvain Fort, aujourd'hui conseiller en communication d'Emmanuel Macron. En février dernier, celle-ci a commencé à travailler en France pour le compte du ministère de la Culture et de l'Information saoudien. Une mission qu'elle n'assure plus depuis cet été. La filiale française du groupe de relations publiques APCO Worldwide a aussi effectué quelques missions pour le compte de Riyad dans l'Hexagone. Une prolifération d'agences qui a parfois laissé pantois les nombreux communicants français du royaume saoudien. "Il m'est arrivé de me rendre à plusieurs événements et de constater que mes concurrents étaient aussi présents, confie l'un d'eux. Le gouvernement saoudien a recours a plusieurs agences différentes et on a parfois du mal à savoir qui s'occupe de quoi".

Dans un autre registre, l’ancien président de Publicis Events Worldwide, Richard Attias, profite aussi pleinement des largesses saoudiennes. Homme orchestre du "Davos du désert", grand forum économique qu'il organise depuis l'an dernier à Riyad, l’ancien roi de l’événementiel en Afrique a perçu, selon nos informations, un chèque supérieur à 30 millions d’euros de la part du fonds souverain saoudien (PIF) pour l'édition 2017.

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