Antisémitisme : le malaise de la communauté juive de France

Antisémitisme : le malaise de la communauté juive de France
Par Cyril Fourneris
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Notre reporter Cyril Fourneris a rencontré des représentants de la communauté juive de France visée par un nombre croissant d'actes violents ces dernières années. Face à la crainte d'être pris pour cible, certains s'installent dans de nouveaux quartiers, voire partent pour Israël.

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Il y a tout juste 80 ans, le 9 novembre, survenait la nuit de Cristal. À l'échelle de l'Allemagne et de l'Autriche, des groupes nazis avaient incendié des centaines de synagogues, attaqué et arrêté massivement des Juifs et détruit des milliers de magasins qu'ils détenaient. Ces prochains jours, des commémorations sont prévues pour rappeler les atrocités du passé, mais aussi pour les faire résonner avec le présent.

euronews consacre plusieurs reportages à l'antisémitisme, au racisme, à l'islamophobie et à la montée de l'extrême-droite à travers l'Europe et notamment en France où notre reporter Cyril Fourneris est allé à la rencontre de la communauté juive.

La France compte la plus grande communauté juive d'Europe : environ 550.000 personnes. Ces dernières décennies, bon nombre de juifs disent ne plus être en sécurité dans leur pays. Nous nous rendons dans le XVIIe arrondissement de Paris, un quartier où de plus en plus de personnes de la communauté juive s'installent et où près d'une centaine de restaurants kasher ont ouvert ces dix dernières années d'après le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme

"Ils nous ont ficelés tous les trois dans la chambre..."

La famille Pinto a choisi de quitter la Seine-Saint-Denis. L'an dernier, trois hommes l'ont séquestrée plusieurs heures dans leur maison qu'ils avaient "ciblée" en raison de leur religion. Aujourd'hui, les auteurs présumés sont en prison.

"Ils nous ont dit : Vous êtes juifs, donc vous avez de l'argent," raconte le père de famille, Roger Pinto. "Ils ont ficelé mon fils et ils ont esquinté ma femme à coups de pieds, surtout dans les côtes et moi, on m'a assommé," précise-t-il avant d'ajouter : "Ils nous ont ficelés tous les trois dans notre chambre, ils nous ont assis sur le lit, ils nous on dit : Ne bougez pas ; si vous bougez, on vous tue. Quand ils voyaient qu'ils ne nous impressionnaient pas beaucoup," poursuit-il, "ils ont sorti un très gros tournevis et c'est là que c'était grave, ils m'ont mis le tournevis comme ça" [ndlr : sous la gorge].

"Des militaires dans mon école"

Face à une autre menace, celle du terrorisme, les synagogues françaises sont protégées tout comme les écoles juives. Un groupe scolaire du XIIe arrondissement de Paris nous ouvre ses portes. Par mesure de sécurité, on nous demande de ne pas donner le nom de l'établissement et de ne pas filmer les élèves. 

Il y a 39 ans, à sa création, ce groupe scolaire se voulait ouvert sur la cité. Mais le chef d'établissement a vu la situation se détériorer.

"On a eu quand même ici une période où on avait huit soldats qui étaient en armes, chez nous," souligne Henri Cohen Solal. "Pour les enfants, c'est toujours une question : pourquoi moi, enfant juif, ai-je besoin d'avoir des militaires dans mon école ?" fait-il remarquer.

Les militaires sont partis. Un gardien, la police et un groupe de "parents protecteurs" ont pris le relais. 

"D'accord, les familles vont se sentir suffisamment sécurisées, mais c'est une sécurité qui se fait au prix d'un repli sur soi," regrette le directeur de l'école.

Lien avec la situation au Proche-Orient

Le nombre d'actes antisémites en France a explosé dans les années 2000 en lien avec la situation au Proche-Orient. Pour mieux appréhender le phénomène, nous rencontrons Nonna Mayer, directrice de recherche au CNRS.

"On était tombés sous la barre des 50 [ndlr : actes antisémites] au milieu des années 1990," indique-t-elle. "Il y a eu une montée spectaculaire de ces actions et de ces menaces à partir de 2000 avec la seconde Intifada : là, on arrive à plus de 900 actes antisémites et cela va suivre très précisément chacune des grandes interventions de l'armée israélienne dans les territoires," explique la spécialiste.

"Très souvent, on ne connaît pas précisément le profil des auteurs, mais on sait que c'est plutôt des jeunes hommes, souvent issus de l'immigration - alors qu'avant, c'étaient surtout des membres de l'extrême droite qui étaient les auteurs de ces actes - et qui ont du ressentiment contre une communauté qui apparaît comme privilégiée," précise-t-elle.

Le sentiment de peur est l'un des facteurs de départ. On estime que 3000 juifs quittent chaque année la France, principalement pour rejoindre Israël.

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