©PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN ; Illustration - illuest - harcèlement - harceleur - harceleurs - harceler - victime - victimes - collège - collègiens - élèves - enfants - scolaire - scolaires - comportement violent - enfants - jeunes - ados - adolescents - adolescence - prostré - se proster - se protéger - violence - violences - intimider - intimidation - brimer - brimade - porter des coups - tabasser - bizuter - bizutage - se moquer - moqueries - frapper - humilier - humiliation - humiliations - Pont-de-Roide le 08/11/17 - illustration sur le harcèlement et le vivre ensemble dans un collège à la veille de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire - photo Lionel VADAM (MaxPPP TagID: maxstockworld367500.jpg) [Photo via MaxPPP]

D'après la psychologue Florence Millot, "un élève sur dix est aujourd'hui victime de harcèlement à l'école, parfois dès le primaire."

PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN/MAXPP

En ce 8 novembre, journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, la psychologue Florence Millot, auteure du livre J'me laisse pas faire dans la cour de récré (éd. Horay, 2018), explique que les agressions verbales ne sont pas une fatalité. Elle livre quelques conseils très pratiques pour s'en relever.

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L'EXPRESS. On a tendance à conseiller à son enfant de se confier à un adulte en cas de conflit avec ses camarades. Or, dans votre livre, vous l'encouragez à se défendre lui-même. Pourquoi ?

Florence Millot : Attention, tout dépend de quelle situation on parle. Dans les cas de harcèlement, c'est-à-dire lorsque l'enfant subit des insultes ou des menaces tous les jours, que l'agresseur a une véritable emprise sur lui, il est évident qu'il ne peut se défendre seul et qu'il doit s'en remettre à un adulte. Mais il est parfois possible d'endiguer la violence en amont, avant qu'on en arrive à ce stade, en aidant l'enfant à répondre.

Certes, en théorie, les enfants qui insultent n'ont pas à le faire et devraient être repris par un adulte. Mais, en pratique, il y a beaucoup de petites violences invisibles, de moqueries derrière une porte, dans un coin de la cour de récréation ou encore sur les réseaux sociaux, qui échappent au regard des adultes. Ces derniers, lorsqu'ils soupçonnent quelque chose, sont souvent mal à l'aise. Lorsque l'enfant revient de l'école en disant: "On s'est moqué de moi", les parents ont tendance à répondre: "Ce n'est pas grave", "Tu n'as qu'à trouver un autre copain pour jouer" ou "Ignore-le". Parfois, il lui dit aussi : "Défends-toi", mais sans lui expliquer comment faire.

Quels conseils concrets leur donnez-vous ?

D'abord, il est important d'autoriser l'enfant à parler, à dire les choses telles qu'il les ressent. Souvent, il se sent muselé, a peur de se montrer trop agressif, de dire des gros mots. Or l'encourager à se lâcher sur un plan fantasmatique l'aidera à se sentir plus fort. Une fois qu'il a vidé tout son réservoir affectif de stress et de colère, on revient au réel en lui disant: "On va réfléchir ensemble à ce que tu peux vraiment lui répondre sans être agressif ni entrer dans l'escalade de la violence". L'idée n'est pas de lui donner de recette toute faite mais de réfléchir avec lui. On peut aussi l'aider à s'approprier quelques phrases ou réparties qu'il pourra prononcer de manière naturelle le moment venu.

Quels sont les différentes techniques d'autodéfense émotionnelle possibles ?

Il en existe plusieurs comme celle du "miroir verbal" par exemple. Un enfant que l'on traite de "gros", peut répondre par des questions du type : "Qu'est-ce que tu trouves gros chez moi ?" Ou "En quoi ça te pose un problème ?" Souvent, les insultes obéissent à des pulsions, à des émotions. Donc, plus on pose de questions à l'enfant qui agresse, plus il est obligé de réfléchir, et moins il est agressif.

Il y a aussi la "technique du bouclier" qui permet de montrer à l'autre que son agressivité n'atteint pas - "Pense ce que tu veux, c'est ton problème, pas la réalité". Ou encore celle du "guerrier" qui consiste à dire : "Je suis comme je suis et je m'aime comme ça" et qui a pour but d'aider l'enfant à prendre conscience de sa propre valeur et à ne pas écouter les jugements extérieurs.

En quoi est-il important, pour l'enfant, de mieux comprendre la psychologie de son agresseur ?

Un enfant, vers 8-10 ans, est en âge de prendre du recul et d'aller au-delà des apparences. Face à un agresseur visiblement très à l'aise, populaire, toujours bien habillé, il a tendance à se sentir nul, à se dire que l'autre est mieux que lui. D'où l'intérêt de lui demander: "A ton avis, que se passe-t-il dans sa tête ?", "Quels problèmes peut-il rencontrer dans sa famille ?", "Pourquoi t'embête-t-il, toi ?", "Ne penses-tu pas qu'il peut être jaloux ?"...

On sait bien qu'un enfant qui se comporte en petit caïd peut parfois être confronté à une certaine violence chez lui. Ou que son agressivité peut masquer des complexes, un certain mal être. Le fait de comprendre ce qu'il se passe dans la tête de l'attaquant peut aider la victime, non pas à répondre en employant des mots qui blessent, mais à lui donner une sérénité et une force intérieure. Le tout est qu'il comprenne que le problème ne vient pas de lui mais de l'autre.

Que faire si, malgré tout, ces méthodes échouent ?

Comme je le disais en préambule, lorsque la situation s'envenime trop et se transforme en harcèlement, l'enfant doit évidemment chercher secours auprès des adultes. Encore faut-il qu'il ose le faire. Toutes ces étapes préalables, toutes ces discussions, auront au moins permis d'instaurer un dialogue, un échange, de montrer à l'enfant qu'il peut s'en remettre à tout moment à un adulte en lequel il a confiance, ou à ses parents.

J'encourage d'ailleurs ces derniers à évoquer leurs propres failles, à expliquer qu'eux aussi ont pu vivre la même chose par le passé à l'école, ou encore aujourd'hui, dans le cadre du travail, par exemple. D'ailleurs, les techniques d'autodéfense émotionnelle que j'évoque sont bien sûr applicables à tout âge. Beaucoup d'adultes me confient qu'ils regrettent d'avoir appris à se défendre sur le tard. Le chemin est souvent long pour réussir à s'affirmer.

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