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Agriculture

Un buisson africain qui sait irriguer les récoltes

C’est tout naturellement que le guiera partage son eau avec le millet et augmente ainsi le rendement de cette céréale qui nourrit les habitants du Sahel. Une équipe américano-sénégalaise vient de décrire les mécanismes de cet échange entre plantes.

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Test comparatifs de deux parcelles de millet avec et sans buissons

Parcelle de millet sans buisson (à gauche) et avec buisson (à droite).

Ohio state university

RACINES. Cela fait deux décennies que Richard Dick de l’Université de l’Ohio (USA) et Ibrahima Diedhiou de l’Institut sénégalais de recherche agricole s’intéresse à un buisson épineux des zones arides, le guiera. La plante n’est mangée ni par les hommes, ni par les animaux et ne sert que comme combustible. Mais elle est remarquable par sa résistance à la sécheresse et constitue souvent le seul couvert végétal de nombreuses régions du Sahel. Si les chercheurs s’intéressent à elle, c’est parce qu’elle a un rôle bénéfique sur les sols et sur les récoltes.

De nombreux tests comparatifs et onze ans d’expériences agronomiques ont permis en effet de caractériser son influence sur le millet, la céréale qui constitue la base de l’alimentation des Sahéliens. En période de sécheresse sévère, la présence du buisson permet au millet de prospérer malgré tout. Les différences de rendement peuvent atteindre 900% entre des champs comportant ou non des guiera. L’Institut sénégalais de recherche agricole préconise même d’augmenter la présence des buissons de 300 par hectare à 1500. L’hypothèse avancée est qu’il y a un partage d’eau entre la culture et le végétal sauvage, sur le modèle de l’agro-foresterie. La céréale est "arrosée" grâce aux racines du buisson qui peuvent s’enfoncer jusqu’à trois mètres de profondeur pour aller y puiser l’humidité. Mais comment s’effectue cet échange ? C’est à cette question que répond l’article que vient de publier Frontiers in Environmental Science.

Le transfert d'eau se fait la nuit, quand la photosynthèse s'arrête

AGRO-FORESTERIE. Les chercheurs ont apporté de l’eau enrichie en deutérium, un isotope stable de l’hydrogène, à la base des racines de guiera. Le deutérium est un excellent traceur de la distribution hydraulique à l’intérieur des végétaux. Entre la douzième et la 96e heure après cet arrosage très particulier, les chercheurs ont donc analysé l’eau présente dans les tissus aériens de millets voisins du buisson mais aussi dans le sol à des profondeurs de 20, 60 et 100 centimètres. Le trajet du deutérium a pu ainsi être reconstitué jour et nuit.

Ce que l’expérience a montré, c’est que l’apport d’eau n’est pas dépendant de la température diurne avec une disparition de l’humidité aux heures les plus chaudes, mais de l’alternance entre jour et nuit. Les chercheurs ont en effet établi que l’humidité augmentait en surface autour du guiera la nuit, montrant que la plante réalisait ses transferts hydrauliques durant ces heures nocturnes. Ce phénomène a une explication : la nuit, la plante cesse sa photosynthèse et les stomates, ces pores à la surface des feuilles qui servent aux échanges avec l'atmosphère, se ferment. Mais les racines, elles, continuent de pomper l’humidité. Cette eau ne peut être exhalée par évapo-transpiration et elle imbibe le sol où elle peut être captée par le système racinaire du millet très dense et efficace sur les premiers centimètres de terre.

Ce transfert a une autre conséquence bénéfique : l’humidité favorise la vie microbienne du sol et en augmente ainsi la fertilité. "Nous avons prouvé que la bio-irrigation par ces buissons existe et c’est la première fois que c’est démontré pour des récoltes", se félicite Richard Dick. L’équipe va désormais multiplier les zones de test à travers le Sahel pour tester l’appariement sous différentes conditions de pluviométrie, de sécheresse et de composition des sols. Il s’agit désormais de définir les meilleures conditions d’appariement de la céréale et du buisson pour rendre le système encore plus efficace. Cette agro-foresterie des zones arides pourra ensuite être déployée à grande échelle.

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