Le régime sans gluten impose aux patients de se priver de pain.

Le régime sans gluten impose aux patients de se priver de pain.

Getty Images/iStockphoto

L'homme a beau être omnivore, il fait parfois le tri dans son assiette. Certains éliminent même toute une catégorie d'aliments de leur repas. Souvent motivés par un effet de mode, ces régimes d'exclusion sont dénoncés par les médecins lorsqu'ils ne sont pas encadrés. Sans pathologie, aucun régime restrictif n'est donc recommandé, sauf à courir un risque de trouble du comportement alimentaire à long terme. Cinq médecins nutritionnistes ou diététiciens* décortiquent les bienfaits supposés et les risques de ces diètes trop souvent mal appliquées.

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1. Sans lactose : la vie n'est pas toujours plus rose

Une mise au point pour commencer : un régime sans lactose n'est pas un régime sans produits laitiers. "Les gens confondent les deux", amorce Grégory Debrus, nutritionniste. Il existe bien des intolérants au lactose, qui sont contraints de se passer de lait s'ils veulent éviter ballonnements et diarrhées. Mais ils peuvent tout à fait finir leur repas par un morceau de fromage, source majeure de calcium qui ne contient pas de lactose. Idem pour "les yaourts, dont les bactéries permettent une digestion du lactose", détaille Florence Foucaut, diététicienne-nutritionniste.

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Les vrais intolérants (de 20% à 30% des personnes d'origine caucasienne, 10% des Asiatiques, selon l'Inserm) ont aussi la possibilité de boire des laits délactosés, réhabilitant ainsi une boisson de plus en plus diabolisée. Le "grand méchant lait" serait notamment responsable de problèmes rhumatologiques. "En termes de santé publique, rien n'a prouvé la véracité de ces propos", calme Grégory Debrus, tout en reconnaissant l'effet placebo d'un régime sans lait chez certains patients.

2. Sans gluten : pourquoi tant de haine ?

Là encore, l'effet de mode et les croyances semblent l'emporter sur la médecine. La science pose pourtant un postulat clair : aucune étude ne montre qu'on a un intérêt à se passer du gluten si on n'est pas atteint de maladie coeliaque, une pathologie à l'origine de graves troubles du tube digestif. "Les personnes concernées - autour de 1 % de la population - risquent un lymphome au niveau de l'intestin", assène Florence Foucaut. Les autres ? Dans l'absolu, elles ne risquent rien à succomber au marketing du gluten free. Certes, elles diminuent leur apport en protéine, le gluten en étant une parmi d'autres, présente dans les céréales (seigle, avoine, blé, orge). Mais elles peuvent tout à fait la remplacer. "C'est comme si on enlevait trois perles jaunes à un collier. Cela change le collier, mais il est toujours là", explique la nutritionniste. Quant à ceux qui prétendent mieux digérer ou maigrir, ils se fourvoient, selon elle : "En fait, ils ont juste arrêté les féculents, le pain, les gâteaux. Forcément, ça fait perdre du poids."

3. Végétalien : dans l'assiette, t'as (presque) plus rien

C'est le pendant alimentaire du véganisme. Ici, tous les produits d'origine animale sont proscrits. L'intérêt, ou plutôt la motivation des adeptes, est avant tout éthique, puisqu'il s'agit de reconsidérer le rapport entre humains et animaux. Problème, "les végans semblent plus occupés par le bien-être animal que par leur propre santé", déplore Ariane Grumbach, diététicienne à Paris, où elle reçoit de plus en plus de végétaliens carencés. Pour avoir une alimentation équilibrée, ils doivent d'abord trouver un apport suffisant de protéines végétales (céréales, légumes secs). Mais aussi compenser l'absence de vitamine B12, nutriment essentiellement présent dans les produits animaux. Certains prétendent trouver leur apport dans la levure de bière ou la spiruline. Il n'en est rien. Les végétaliens avertis doivent recourir aux compléments alimentaires pour éviter anémie et dégradation du système nerveux. "Un régime végétalien sans complément en B12, c'est la mort assurée au bout de dix ans", alerte même le Dr Debrus.

4. Paléolithique : c'est pas automatique

Sortez la pierrade et les silex. Pour les adeptes du régime paléo, il s'agit de revenir 2,5 millions d'années en arrière, quand l'homme n'était qu'un chasseur-cueilleur. Pour les Pierrafeu modernes, point de céréales, de sucres, de féculents, de produits laitiers bovins et d'aliments industriels. Que se mettent-ils sous la dent ? Tous les légumes, les fruits de saison, l'huile d'olive, les noix et le tiercé protéiné oeufs, viande, poisson. L'objectif de la démarche est triple : se rapprocher des besoins primaires de l'organisme, perdre du poids et prévenir certaines maladies modernes dites "de civilisation" comme le diabète ou l'hypertension. Encore faut-il éviter "certaines carences en calcium, minéraux ou vitamines", prévient Raphaël Gruman, diététicien-nutritionniste. Et réussir à adapter cette diète ancestrale à un mode de vie contemporain. A moins de fuir la cantine du bureau et de refuser tous les apéros, difficile d'échapper aux produits transformés.

5. Cétogène : gare à la mauvaise haleine

C'est le régime du moment. Pas une semaine ou presque sans qu'un nouveau livre de recettes "céto" soit édité. Au menu, très peu de glucides, beaucoup de graisses et de protéines. Proposée à des patients cherchant à perdre du poids, cette diète n'est pas sans risque cardio-vasculaire à long terme, selon Dominique Cassuto, endocrinologue-nutritionniste. L'enjeu étant d'augmenter les "bonnes" graisses présentes dans les huiles, les noisettes ou les poissons gras, sans forcer sur les "mauvaises", que l'on retrouve dans la crème fraîche ou la viande rouge. Par ailleurs, quand on supprime les glucides, l'organisme puise son énergie dans les corps cétoniques. Cet état dit "de cétose" est parfois source de mauvaise haleine. "Les gens ont une odeur de pomme pourrie", relativise l'endocrinologue.

6. Crudivore : ça peut causer du tort

Parce qu'ils sont persuadés que la cuisson altère la qualité des aliments et qu'elle peut être source de cancer, les adeptes du crudivorisme ont décidé d'éteindre leur gazinière. Une attitude radicale dénoncée par les médecins, qui ne voient aucune justification à manger uniquement cru. "A la vapeur ou à basse température, vous ne dénaturez pas les aliments. Ce qui est dangereux, c'est de les brûler, de générer des dérivés de carbones qui, eux, sont cancérogènes", rétablit Raphaël Gruman. Dans ce régime extrêmement restrictif, composé majoritairement de fruits et légumes, les intestins sont soumis à rude épreuve puisque la cuisson permet une meilleure digestion des fibres. Le risque est aussi d'avoir une alimentation très peu calorique, pauvre en énergie. D'où ce paradoxe : à manger trop de crudités, on peut finir complètement cuit.

* Les intervenants déclarent sur l'honneur n'avoir aucun conflit d'intérêts avec l'industrie agro-alimentaire, à deux exceptions près : Raphaël Gruman représente le kiwi et les amandes en France. Dominique Cassuto est médecin consultante pour les sucriers.

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