Sénégal: Transparency International épingle le ministre de l’Agriculture

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Le 10/11/2018 à 11h10, mis à jour le 10/11/2018 à 11h23

Le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural devra faire toute la lumière sur les 380 milliards de francs Cfa qu’il dit avoir injectés dans le monde rural. La section sénégalaise de Transparency International somme Pape Abdoulaye Seck de publier la liste des bénéficiaires de cette somme...

Pape Abdoulaye Seck, ministre sénégalais de l’Agriculture et de l’équipement rural, a bien du mal à convaincre la section sénégalaise de Transparency International sur le devenir d'une somme rondelette: 380 milliards de francs CFA (571,45 millions d’euros) qu'il assure avoir «injectés» dans le monde rural.

Le Forum civil, la section sénégalaise de l'organisation anti-corruption, lui reproche de faire dans «la désinformation et la diffusion de fausses nouvelles».

Dans un communiqué, cet organisation non-gouvernementale demande à Pape Abdoulaye Seck de faire toute la lumière sur «l’utilisation concrète» de cette somme qui était destinée au monde rural. Il ne s’agit donc pas pour le ministre de l’Agriculture de prendre position mais de faire preuve de discernement.

En d’autres termes, Transparency International ne parle ni de mode de passation des marchés, ni d’appel d’offres, ni de demande de renseignement encore moins de marchés de gré à gré.

Mais dans un contexte de "persistance des inégalités" dans le monde rural, l’ONG insiste sur ja nécessité de donner les noms des «grands producteurs» qui ont pu bénéficier d’une partie du financement pour l’achat «d'engrais, de semences et de matériels agricoles».

Selon elle, les Sénégalais doivent être édifiés sur l’utilisation de «la dépense publique concernant l’acquisition de matériels agricoles, les montants investis dans les fertilisants et le soutien aux petits agriculteurs». 

Même si le forum civil ne l'évoque pas ouvertement, l'année dernière, un véritable scandale avait éclaté, concernant l'acquisition de 1000 tracteurs auprès d'un fournisseur indien. En effet, les prix sur le catalogue était de 5,6 millions de FCFA, soit 700.000 roupies, alors qu'à l'arrivée au Sénégal, la facturée était de 32 millions de FCFA, soit plus de 5 fois le prix normal. Jusqu'à présent, le gouvernement sénégalais n'a pas jugé bon d'éclairer l'opinion publique sur cet énorme écart.

On a égalemen assisté à un autre scandale, concernant cette fois-ci le Programme de développement des domaines agricoles communautaires (PRODAC), piloté par un autre ministère, celui de la Jeunesse.

A l'époque, ce département était entre les mains de Mame Mbaye Niang, actuel ministre du Tourisme. Un rapport de l'Inspection générale d'Etat (IGE), corps de contrôle rendant compte directement au chef de l'Etat, avait fuité: il y était clairement mentionné des malversations portant sur des marchés d'aménagement portant sur quelque 29 milliards de FCFA.

A ce jour, aucune suite sérieuse n'a été donnée à ce dossier. Alors que le ministre incriminé est subitement devenu un homme riche qui a acquis récemment un Ford Raptor, véhicule de très grand luxe, auprès du fils du président de la république Macky Sall, au prix de près de 100 millions de FCFA.

Cet ex-assistant contrôleur aérien, âgé d'environ 45 ans, affiche sa fortune au grand jour. Autant de faits qui poussent naturellement Amnesty international à taper du point sur la table. 

Pour rappel, le Forum civil avait, dans une conférence de presse le 9 octobre dernier, demandé au gouvernement, «conformément à la Constitution du Sénégal», d’éclairer les contribuables sénégalais sur l’utilisation de cette manne financière par le ministre de la Justice.

Et pour répondre à cette interpellation du Forum civil, Pape Abdoulaye Seck avait effectué une sortie pour donner des explications sur le mode de passation des marchés dans son département ministériel, et dans la gestion des politiques publiques à destination du monde rural.

Mais les explications fournies par le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural sont loin de convaincre la section sénégalaise de Transparency International, qui a décidé de revenir à la charge. Le ministre va-t-il se justifier? Sera-t-il convaincant dans ses explications? 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 10/11/2018 à 11h10, mis à jour le 10/11/2018 à 11h23