Les comptes de Force ouvrière dans le rouge

Dépenses en salaires et frais de stage en hausse, faible part des cotisations des adhérents dans les recettes… Les chiffres du syndicat en 2017 sont mauvais. L’an dernier, il a accusé une perte de 635 182 €.

 Le siège de Force Ouvrière à Paris (XIVe). (Illustration)
Le siège de Force Ouvrière à Paris (XIVe). (Illustration) LP / Olivier Lejeune

    Panique au 141 de l'avenue du Maine, au siège de FO à Paris. C'est une « lettre au personnel » datée du 7 novembre et envoyée aux 138 salariés (onze cadres et 127 employés) de la confédération Force ouvrière pour calmer les troupes désorientées depuis la démission de Pascal Pavageau. Son objet : faire taire les « rumeurs malsaines » sur de possibles menaces de licenciements au sein de la confédération avec l'arrivée de la nouvelle équipe de direction.

    Frédéric Souillot, secrétaire confédéral et Patrick Privat, trésorier confédéral, coauteurs du texte, tiennent d'abord à « démentir une fausse information » parue dans la presse laissant entendre que d'autres têtes pourraient tomber à la suite du départ de son éphémère secrétaire général et des plaintes déjà déposées concernant les fichiers illicites.

    Au cœur des préoccupations en interne

    Cette lettre d'une page pointe aussi, entre les lignes, un autre gros sujet d'inquiétude au siège de FO : « la situation financière ». « Les comptes de la confédération sont contrôlés vigoureusement, non seulement comme cela a toujours été par la commission de contrôle interne, mais également par les commissaires aux comptes et, une fois certifiés sont publiés annuellement » écrivent évasivement les auteurs en conclusion.

    Au-delà de l'affaire des fichiers, les finances de la troisième organisation syndicale sont plus que jamais au cœur des préoccupations en interne. Une bombe laissée dégoupillée par Pascal Pavageau dans sa lettre de démission, à l'origine de folles rumeurs qui circulent dans les couloirs de FO. L'audit des comptes de l'organisation qu'il avait lancé tambour battant après son élection au mois de juin, serait selon lui les vraies raisons de cette déstabilisation venue de l'intérieur. « C'est la première chose que vous avez cherché à m'imposer d'arrêter » écrit-il le 17 octobre, sous-entendant la crainte d'une vérité comptable… Et de pointer ceux qui veulent « que certains tiroirs ne soient jamais ouverts ».

    Une hypothèque de 1,9 million

    Dans une circulaire adressée le 30 octobre dernier aux fédérations, le trésorier Patrick Privat a indiqué que l'audit serait remplacé par un « état financier » réalisé en interne. Une chose est sûre, les comptes de la confédération pour 2017 ne sont pas bons. Selon les chiffres des comptes de résultat publiés, il est fait état de 635 182 € de pertes pour l'année 2017 contre un excédent de 1, 176 999 M€ fin 2016. Selon nos informations, le congrès d'avril 2018, estimé à près de 2,5 M€ n'aurait quasiment pas été provisionné en 2017 comme le veut la pratique.

    D'autres éléments posent question : comme le montant des dépenses en salaires, traitements et charges sociales pour les 138 salariés de la confédération chiffré à 11,9 M€, en hausse constante. Mais aussi les frais de « stages, réunions et autres » (soit 7,5 M€) en hausse de 1 M€ par rapport à l'an passé. Ou encore cette hypothèque d'un ensemble immobilier de 1,9 M€ en garantie du remboursement des cotisations syndicales envers la fédération des personnels des services publics et de la santé (SPS).

    Sans compter l'explosive répartition des recettes : sur les 33 M€ enregistrés en 2017, 8,8 M€ seulement proviennent des cotisations syndicales (soit 27 %) contre 21 M€ en subventions (64 %)… «On puise dans les réserves. Si on continue comme ça, dans quatre ans la confédération est morte » s'alarment certains en interne.

    OÙ L'ARGENT EST REDISTRIBUÉ

    C'est l'un des secrets les mieux gardés au sein de la confédération, qui attise les rancœurs et les fantasmes : la répartition des sommes versées à ses différentes fédérations, unions départementales et régionales. En 2017, FO a touché 14,9 M€ en provenance du fonds paritaire national - alimenté par des subventions publiques et une contribution des employeurs —, qui sert à financer le dialogue social en France.

    Sur cette somme, 4,598 M€ ont été dispatchés au titre des conventions signées pour le financement du dialogue social chez FO. Une grande majorité est redescendue vers les fédérations. A elles seules, elles ont récupéré 3,804 M€, soit environ 83 %, dont 1 M€ rien que pour la fédération des employés et cadres. La puissante fédération de la métallurgie, proche de l'ex numéro 1 Jean-Claude Mailly, est bien lotie avec 632 500 €, comme celle de l'agriculture-alimentation (528 500 €) elle aussi fidèle au courant réformateur.

    Viennent ensuite la construction (378 000 €), les services publics et santé (257 000 €), l'action sociale (224 000 €), la chimie (141 500 €), les transports (129 100 €), la pharmacie (112 500 €) etc. Des sommes bien évidemment plus importantes que celles touchées par les unions départementales, qui s'échelonnent entre 1 500 € et 22 500 €. Quant aux unions régionales, elles se sont réparties 608 000 € dont 293 000 € pour l'Ile-de-France.

    Enfin, dans les comptes apparaissent deux autres subventions reversées, mais non détaillées : une à 3,1 M€ dénommée « Ud fédé ». L'autre, baptisée « ud-partenariat » est à 435 000 €.