L'élevage est très polluant. Il représente 15 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. On pourrait en déduire que les végans, qui ne mangent aucun produit d'origine animale, ont un faible impact carbone par rapport aux autres régimes alimentaires. Mais attention aux raccourcis, préviennent certains scientifiques, le végétarisme pourrait apporter une meilleure réponse. 

Le véganisme sera-t-il notre salut ? De plus en plus médiatisé, ce mode de vie consiste à refuser de consommer tous produits d’origine animale. Cela s’étend également à l’habillement, les végans ne portant ni cuir ni fourrure, ou aux cosmétiques dont aucun produit n’est testé sur les animaux.
Or selon une étude de l’université d’Oxford publiée en 2014, le régime végan serait largement moins polluant qu’une alimentation avec de la viande. Les chercheurs ont évalué à 2,89 kg équivalent CO2 (KgeqCO2) les émissions par jour d’un végan, contre 3,81 KgeqCO2 pour les végétariens (qui consomment des oeufs et du lait) et 4,67 KgeqCO2 pour les individus mangeant moins de 50 grammes de viande par jour. Les gros consommateurs de viande atteignent eux les 7,19 KgeqCO2.
Un mangeur de viande émet 2,5 fois plus de gaz à effet de serre qu’un végan 
"Le régime moyen de quelqu’un qui mange beaucoup de viande et consomme 2 000 calories par jour émet 2,5 fois plus de gaz à effet de serre que le régime moyen d’un végan", indique l’étude. "Sur le changement climatique, les protéines végétales lointaines auront toujours moins d’impact que la viande", juge Vincent Colomb, ingénieur évaluation environnementale des produits agricoles et alimentaires à l’Ademe interrogé par Libération.
Mais la communauté scientifique semble divisée sur le sujet. Pour Jean-François Hocquette, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), remplacer les protéines animales par les protéines végétales ne baisserait pas drastiquement l’impact environnemental de l’alimentation, car certaines études indiquent une production végétale plus importante avec les régimes sans viande voire une consommation alimentaire accrue pour satisfaire les besoins des humains. 
Par ailleurs, selon la FAO, cité par Jean-François Hocquette, "il faut 9 kilogrammes de protéines végétales pour produire un kilogramme de protéines de bœuf. Cependant, les ruminants peuvent produire davantage de protéines consommables par l’Homme qu’ils en utilisent car ils ont la capacité de valoriser l’herbe et les fourrages que l’Homme ne peut valoriser", explique le chercheur. Il serait donc nécessaire de valoriser l’élevage à l’herbe. 
Gare aux interprétations
"Il faut être très prudent sur les simplifications ou interprétations de certaines études scientifiques sur ce sujet", prévient Jean-François Hocquette. "On affirme souvent que 15 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 kg de viande de bœuf par exemple. Le chiffre est vrai dans le calcul théorique mais faux dans l’interprétation. Car cela ne veut pas dire qu’on économiserait 15 000 litres d’eau si on mangeait un kg de viande en moins. En réalité, 94 % de cette eau correspond à l’eau de pluie nécessaire à la pousse de l’herbe et la pluie tomberait de toute façon que les animaux soient là pour manger ou non l’herbe".
Il est facile de tomber dans des raccourcis. D’autant que ce sujet est très sensible depuis les attaques de boucheries par des militants végans. "On marche sur des œufs car il y a un débat idéologique sous-jacent", glisse un chercheur, "et la communauté scientifique est divisée car les chiffres sont difficiles à analyser".
Pour nourrir tous les humains, le véganisme n’est pas adapté
Pour sortir du manichéisme, Jocelyne Porcher, directrice de recherche à l’INRA a publié une tribune dans le Figaro dans laquelle elle dénonce à la fois l’élevage industriel et ses dérives mais aussi le véganisme qu’elle trouve extrême. La solution ? Revenir à un élevage paysan, de taille humaine, dans lequel le bien-être animal est pris en compte. Car l’élevage a aussi des impacts positifs sur l’environnement du fait qu’il entretient les paysages et la biodiversité.
Au-delà de l’impact environnemental, c’est aussi celui de la sécurité alimentaire qui pose question. L’enjeu est aussi, avant tout peut-être, de nourrir 9 milliards d’humains d’ici 2050. Or selon une étude de chercheurs américains publiée dans Elementa en 2016, le meilleur scénario pour nourrir le plus de monde en fonction des terres agraires utilisables est le régime végétarien. Même les scénarios dans lesquels 20 à 40 % de la population mangent de la viande en quantité raisonnable seraient plus adaptés que le régime végan. 
Autrement dit, aujourd’hui, deux terrains de football sont nécessaires à un Américain moyen pour maintenir son régime actuel. S’il passait à un régime végétarien, il utiliserait moins d’un demi-terrain pour se nourrir. En revanche, "le régime végan gaspille des terres disponibles qui pourraient nourrir davantage de personnes", résume Quartz. Le régime végétarien permettrait ainsi d’optimiser au maximum les terres, contrairement au véganisme.
Marina Fabre @fabre_marina 

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