Près d'une centaine de migrants refusent de quitter un navire commercial à quai à Misrata. Crédit : DR
Près d'une centaine de migrants refusent de quitter un navire commercial à quai à Misrata. Crédit : DR

Secourus par un navire commercial la semaine dernière au large de la Libye, 93 migrants refusent toujours de débarquer au port de Misrata. La rédaction d’InfoMigrants a réussi à entrer en contact avec l’un d’entre eux. Victor raconte comment se passe la vie à bord du bateau et assure qu’il ne "remettra pas un pied" en Libye. "Plutôt mourir", affirme-t-il.

"Je préfère mourir sur ce bateau que de retourner en Libye". Victor*, un Soudanais de 19 ans, fait partie des 93 migrants qui refusent de débarquer au port libyen de Misrata. "Qu’ils viennent chercher mon corps, je ne remettrais pas un pied à Misrata", insiste-t-il.

La rédaction d’InfoMigrants a réussi à entrer en contact avec des migrants à bord du Nivin, un navire de marchandises battant pavillon panaméen qui a secouru jeudi 8 novembre une embarcation de migrants au large de la Libye, alors que le bateau commercial faisait route vers Misrata.

Depuis leur sauvetage, les migrants refusent catégoriquement de retourner en Libye. Seules deux personnes ont accepté de descendre du bateau qui se trouve à quai au port de Misrata depuis samedi 10 novembre.

Parmi les 93 migrants - principalement originaires du Soudan, d’Érythrée, d’Éthiopie, de Somalie, du Bangladesh et du Pakistan - se trouvent une femme avec son bébé de trois mois et de nombreux mineurs.

>> À lire sur InfoMigrants : Libye : des passeurs habillés en agents de l’ONU pour tromper les migrants

À bord, la vie s’organise tant bien que mal. Les migrants dorment à l’intérieur du bateau, à même le sol, à la place des voitures transportées par le Nivin et déchargées au port de Misrata.

Avec le concours des autorités, le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale des migrations (OIM) apportent quotidiennement des vivres et des vêtements. Pour faire leurs besoins élémentaires, c’est le système D. "On n’a pas accès à des douches et des toilettes. On ne se lave pas depuis presque une semaine et on fait nos besoins dans des bouteilles", raconte Victor.

Les migrants n'ont d'autres choix que de faire leurs besoins dans des bouteilles. Crédit : DR"Il n’y a aucune issue pour nous en Libye"

L’ONG Médecins sans frontières (MSF) monte aussi tous les jours à bord du Nivin pour apporter les premiers soins. Des cas de diabète et de gale ont été signalés. "On observe également des problèmes médicaux beaucoup plus urgents", précise à InfoMigrants un membre de MSF en Libye.

Le HCR et l’OIM disent négocier depuis plusieurs jours avec les autorités libyennes pour que les migrants puissent débarquer au port sans violence. Selon Victor, les garde-côtes sont montés deux fois sur le Nivin, armés jusqu’aux dents. Une information qu’InfoMigrants n’a pas pu vérifier.

Une chose est sûre, les migrants à bord sont déterminés. "Ils sont désespérés, ils n’ont plus grand-chose à perdre", signale encore l’humanitaire.

Une femme avec son bébé de trois mois est à bord du Nivin. Crédit : DR"J’ai passé deux ans en Libye, j’ai tenté sept fois de rejoindre l’Europe par la mer. À chaque fois, j’ai été intercepté par les garde-côtes et renvoyé en centre de détention où j’ai vu mes deux frères tués par des Libyens. Je n’y retournerai pas ! Je suis fatigué !", lance le Soudanais qui dit s’être enfui du centre de détention dans lequel il se trouvait. "Avant de fuir, j’ai même demandé à être renvoyé au Soudan alors que je risque ma vie là-bas. Je sais qu’il n’y a aucune issue pour nous en Libye".

>> À lire sur InfoMigrants : "Aidez-nous à quitter cet enfer, vite !" : une rare manifestation de migrants en Libye

Depuis des années, les ONG tentent d’alerter la communauté internationale sur les conditions de vie des migrants en Libye. La rédaction d’InfoMigrants reçoit aussi quotidiennement des témoignages de personnes qui disent avoir été pourchassés, kidnappés, rançonnés, réduits à l’état d’esclave... sur le sol libyen.

Fin octobre, un migrant érythréen a perdu la vie en s'immolant par le feu. Ce dernier croupissait dans le centre de détention de Tariq as-Sikka, à Tripoli, depuis au moins 9 mois et avait perdu tout espoir de quitter la Libye. Lundi 12 novembre, c’est un autre érythréen qui a essayé de se pendre dans les toilettes du même centre de détention. Tous deux avaient été interceptés en mer par les garde-côtes libyens et renvoyés en Libye.

*Le prénom a été modifié

 

Et aussi