Une hydrolienne immergée par 55 mètres de fond dans le passage du Fromveur, connu pour son fort courant, produit depuis mi-octobre 15 % de l’électricité nécessaire à l’île d’Ouessant.
« Nul n’a passé Fromveur sans connaître la peur » : le puissant courant du passage du Fromveur est bien connu des marins du Finistère.
Au Nord de la mer d’Iroise, entre Molène et Ouessant, le lieu a été choisi pour immerger l’hydrolienne Sabella D10. La vitesse du courant y atteint 3 à 4 mètres par seconde.
Immergée le 16 octobre dernier, la machine a commencé à produire de l’électricité, allégeant un peu le bilan carbone bien lourd de la petite île. La production électrique est aujourd’hui majoritairement issue de groupes électrogènes consommant près de 2 000 000 de litres de fioul par an. Les territoires isolés ont souvent des émissions de carbone supérieures à la moyenne et sont plus sensibles aux fluctuations des prix. Pour Jean François Daviau, PDG de Sabella, « C’est un modèle énergétique pérenne où la prédictibilité des courants marins et de la ressource hydrolienne présentent un avantage majeur : une source sûre, inépuisable et économiquement très compétitive ».
Vers une autonomie énergétique
« Bientôt à Ouessant il faudra coller les horaires des marées sur les machines à laver », s’est amusé le maire d’Ouessant Denis Palluel qui souhaite libérer son île des énergies fossiles. « Nous voulons tracer la voie vers une transition énergétique achevée pour dé-carboner significativement l’île, faisant de Ouessant une vitrine de technologies françaises ».
En 2021, deux hydroliennes supplémentaires seront installées. A l’horizon 2030, les trois îles au large du Finistère, qui ne sont pas raccordées au réseau électrique du continent, Ouessant, Molène et Sein visent un objectif de production de 100% d’énergies renouvelables.
AKUO Energy prévoit de compléter ses hydroliennes par l’installation d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques avec comme ambition une autonomie énergétique des îles.
Un projet inter-régions
Le développement de l’hydrolienne D10 a été porté le projet Intelligent Community Energy (ICE) en partenariat entre la région Bretagne et les comtés du Devon, du Hampshire et de Norfolk . Deux sites pilotes ont vu le jour à Ouessant et sur le campus de l’université d’East Anglia. Cofinancé par le programme Interreg du FEDER à hauteur de 67%, l’ICE veut répondre au défi de la transition écologique en créant un système énergétique innovant à faible émission de carbone (Smart Grid) qui couvrira l’ensemble du cycle, de la production à la consommation.
Les sociétés Sabella et Akuo Energy ont reçu une « certification ICE ». C’est tout un réseau d’entreprises, principalement des PME, qui ont été certifiées pour leur compétences et leur expertise à fournir des produits et des services liés aux questions énergétiques spécifiques des territoires isolés de la Manche.
Pour Pierre Karleskind, vice-président de la région Bretagne délégué à la mer et aux ports, « Le projet ICE a un grand intérêt au niveau local mais, au-delà, c’est un projet porteur à l’international. Un grand nombre d’archipels, l’Indonésie par exemple, suivent le projet de près. Il ouvre d’importantes possibilités d’exportation du savoir-faire européen pour nos industries ».