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Marseille : la fin de règne calamiteuse de Gaudin

A un an de sa retraite politique, le maire de la deuxième ville de France doit faire face à un front de critiques sur sa gestion de la politique urbaine, après les huit morts de la rue d'Aubagne. Une nouvelle manifestation a eu lieu mercredi soir sous ses fenêtres.

Dix jours après l'effondrement de deux immeubles délabrés qui a fait 8 morts à Noailles, au coeur de Marseille, 8.000 habitants ont défilé mercredi soir jusqu'à l'hôtel de ville, pour crier leur colère contre l'habitat indigne à Marseille
Dix jours après l'effondrement de deux immeubles délabrés qui a fait 8 morts à Noailles, au coeur de Marseille, 8.000 habitants ont défilé mercredi soir jusqu'à l'hôtel de ville, pour crier leur colère contre l'habitat indigne à Marseille (Sylvain Thomas/AFP)

Par Paul Molga

Publié le 15 nov. 2018 à 12:07Mis à jour le 15 nov. 2018 à 22:14

Jean-Claude Gaudin n'aurait pas imaginé pire scénario pour clore le dernier chapitre de l'autobiographie qu'il compte publier une fois à la retraite. Après vingt-trois ans à la tête de la deuxième ville de France, le maire LR « a vu s'évanouir ses rêves de gloriole dans les décombres de la rue d'Aubagne », assène un élu qui veut garder l'anonymat, dans une allusion à l'effondrement de deux immeubles délabrés à Noailles, en plein coeur de Marseille, la semaine dernière.

Lors de son dernier point presse lundi, entouré de ses fidèles, le premier magistrat de la cité phocéenne a exclu de démissionner. Ce que lui demandent de faire de nombreux Marseillais. Mercredi soir, 8.000 manifestants, selon la préfecture de police, sont encore venus crier leur colère contre l'habitat indigne sous ses fenêtres. « C'est grave mais on va se relever », murmurait un autre élu LR en marge de ce cortège mené par les portraits de huit victimes du drame .

Les charges s'accumulent contre la gestion municipale

Les observateurs de la politique marseillaise ont trouvé un nom à cette faculté de la ville à oublier : l'effet Wasabi. « Ca pique très fort et ça se calme très vite », explique l'un d'eux. « Mais cette fois, avec ces morts d'hommes, c'est différent, reconnaît un autre proche du maire. Nous devrons assumer nos responsabilités, et si tel est le cas, il faudra le faire collectivement. »

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Car les charges s'accumulent contre la gestion municipale accusée d'avoir négligé l'habitat mais aussi les transports collectifs (très insuffisants) et les écoles (dont certaines sont infestées de rats). Une note de l'Agence régionale de santé (ARS), portant sur l'action du Service communal d'hygiène et de santé (SCHS) chargée des constats d'insalubrité des logements, accuse ses agents de « sous-évaluer la gravité des dysfonctionnements qu'ils relèvent », et de « minimiser leur impact sur la santé des occupants » sur qui ils rejettent la responsabilité des dégradations.

Pire, selon l'ARS, il serait impossible de mesurer le nombre de constatations effectuées sur le terrain car aucun rapport n'est rédigé après une visite. Le SCHS revendique pourtant 2.210 dossiers traités en 2017.

« Une charge symbolique inouïe »

Alors que le rapport Nicols recensait en 2015 plus de 40.000 logements indignes à Marseille (10 % du « parc dégradé » dans l'Hexagone), aucun arrêté préfectoral d'insalubrité n'a été pris en 2016, seulement 6 ont été transmis en 2017 et moins de 10 depuis le début de cette année. La mairie n'a pas non plus préempté ces logements alors que la loi l'y encourage : ces dix-huit derniers mois, 500 appartements et 60 immeubles ont changé de mains dans le Ier arrondissement où se sont effondrés les bâtiments, sans faire réagir les services municipaux. Par peur de la loi des séries, la mairie a toutefois fait évacuer 83 immeubles et leurs 834 habitants dans les quartiers du centre les plus dégradés. Une « décision tardive » selon les familles des victimes, qui réclament que « toutes les lumières soient faites sur les responsabilités politiques » dans ce drame.

Dans un communiqué, le président LR de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier, a dit « partager leur colère ». Dans « un souci de transparence », il a retiré sa délégation à la conseillère régionale Arlette Fructus au coeur de la polémique en sa qualité de maire adjointe de Marseille au logement, à la politique de la ville et à la rénovation urbaine, et présidente de Marseille Habitat, propriétaire de l'immeuble le plus vétuste des trois qui se sont effondrés.

La mairie tente de son côté d'allumer des contre-feux. Dans une conférence de presse organisée à la hâte, le sénateur des Bouches-du-Rhône Bruno Gilles, désigné par Jean-Claude Gaudin comme« son dauphin », a décliné ce jeudi une série de propositions « pour travailler avec l'Etat sur le problème de l'habitat indigne ».

« Ils ont eu cinq mandats pour le faire, s'agace Benoît Payan, chef de file de l'opposition PS au conseil municipal. Avant de présenter des solutions, cette majorité doit présenter des excuses à la population pour avoir construit trop peu de logements sociaux et laissé cette ville tomber en miettes. » Et d'ajouter : « C'est de la mort d'un système dont il est question aujourd'hui : celui qui privilégie depuis Gaston Defferre un clientélisme ordinaire qui met un couvercle sur cette ville. Même Naples est sortie de ça. »

Paul Molga (Correspondant à Marseille)

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