Les communautés locales, les travailleurs ou les syndicalistes peuvent être mis en danger par le pouvoir croissant des multinationales lorsqu’ils défendent leurs terres, leurs droits syndicaux ou leurs conditions de travail. Le Rapporteur des défenseurs des droits de l’Homme à l'ONU, Michel Forst, appelle à mettre en place des outils de protection comme le "name and shame" ou l’engagement actionnarial.

En 2017, au moins 312 défenseurs des droits humains ont été assassinés, soit deux fois plus qu’en 2015. Des centaines d’autres sont régulièrement menacées pour leurs activités de défense de leur peuple, de l’environnement ou des populations les plus vulnérables comme les populations autochtones ou les migrants. En cause : les États mais aussi, et de plus en plus, les entreprises.
"La défense des droits de l’Homme face aux incidences négatives des activités d’entreprises expose des gens ordinaires, des communautés, des travailleurs et des représentants syndicaux à la stigmatisation, à la criminalisation, aux attaques physiques et parfois à la mort", note le rapport sur "la situation des défenseurs des droits de l’Homme", de l’ONU paru en juillet 2018.
20 ans après la déclaration sur les défenseurs des droits humains, des lignes directrices destinées spécifiquement aux entreprises sont attendues d’ici peu. Un traité sur les droits humains est aussi en négociation à l’ONU.
Name and shame
En parallèle, d’autres leviers peuvent être actionnés, assure Michel Forst, le rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme à l’ONU. "Quand je reçois des plaintes concernant les pouvoirs publics, j’envoie des lettres d’allégations, rapportant les faits et posant une série de questions destinées à voir si l’État a pris la mesure du problème et comment il y répond. Lettre et réponse sont rendues publiques. C’est assez efficace. J’ai décidé de faire de même avec les entreprises les plus controversées (comme Barrick Gold ou Anglo American, ndr) sur la base de rapports d’ONG, de plaintes de défenseurs des droits humains ou de mes propres observations", rapporte-il.
En réponse, des centaines de pages, rédigées par des avocats. Et des rencontres, pour expliquer leurs positions. "Voir leur nom cité dans des rapports d’ONG comme Global Witness ne leur fait pas plaisir mais le voir dans des rapports officiels, des Nations Unies, consultés par les États, cela les dérange. Beaucoup comprennent la nécessité stratégique de faire mieux, en associant davantage les populations à leurs projets", assure-t-il.
Pour vérifier leurs arguments, Michel Forst se rend ensuite sur le terrain, en mission officielle. Toutes les entreprises sont cependant loin d’être coopératives. Certaines ne répondent pas, d’autres menacent de poursuites en justice.
Une alliance avec le secteur financier
Autre levier exploré par le rapporteur spécial, l’alliance avec les acteurs financiers. D’abord les banques d’investissement et de développement. "Elles ont le vrai pouvoir de convaincre les États et les entreprises de faire plus et mieux", selon lui. Des travaux confidentiels sont menés avec la Banque mondiale et des banques régionales sur "les représailles" que pourraient subir les défenseurs des droits humains dénonçant des agissements des entreprises financés par leurs soins.
Des investisseurs privés, déjà en pointe sur la question des droits de l’Homme comme les fonds de pension norvégiens, néerlandais ou suédois, sont aussi engagés pour établir des règles drastiques sur la consultation préalable des populations et de leur protection, allant jusqu’au retrait des financements, assure-t-il.
Enfin, le Rapporteur se dit prêt à intervenir lui-même en interpellant les entreprises les plus réticentes lors des rendez-vous avec les actionnaires, à l’occasion des assemblées générales par exemple. 
Béatrice Héraud @beatriceheraud

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